Audrey attend un bébé. Son premier. La grossesse va bien. Elle accouche à l’hôpital de Saint-Hyacinthe. D’une belle fille nommée Ariane. Aussitôt née, on lui fait passer les tests neurologiques d’usage pour s’assurer que tout est OK. Tout n’est pas OK. Ariane ne réagit pas normalement. Elle est hypotonique. Elle n’a pas de réflexes. Trois semaines plus tard, le spécialiste de Sainte-Justine rend son diagnostic : amyotrophie spinale, une maladie génétique progressive qui s’attaque aux muscles et limite la capacité de marcher, de manger, de respirer. Ariane ne vivra pas plus d’un an. On lui prescrit des soins palliatifs. Ce n’est pas un bébé naissant, c’est un bébé mourant.

Audrey et son conjoint Renaud sont anéantis. Ils voudraient s’empêcher de trop aimer leur enfant, de trop s’attacher, pour que son départ ne les détruise pas complètement, mais ils n’y arrivent pas. Ariane, elle, leur sourit. Ariane, dont la maladie l’empêche de tout faire. Sauf aimer.

Un soir aux nouvelles, par hasard, ils voient un reportage à propos d’un garçon, atteint, lui aussi, de l’amyotrophie spinale, recevant un traitement expérimental à Toronto. L’espoir jaillit. Ils ont fini d’attendre la mort. Ils se mettent à courir après la vie.

Ariane a 6 semaines. Et quelques autres encore devant elle. Le couple s’informe auprès du groupe Cure SMA Québec, rassemblant des gens frappés par le même drame. Ils ne sont plus seuls. On ne vantera jamais assez l’importance de ces communautés. C’est auprès d’elles que l’on puise la force de refuser l’inévitable.

Audrey et Renaud découvrent qu’en Ohio, des médecins mettent au point un nouvel essai clinique. Ariane, à 6 mois, devient la deuxième patiente au monde à en bénéficier. Le médicament Zolgensma a stoppé la dégénérescence. Mais n’a pas rétabli ce que le mal avait déjà ravagé chez Ariane. Elle a perdu la capacité d’avaler. Elle a besoin d’un respirateur la nuit. Elle ne parle pas. Ne communique que par les yeux. Mais quels yeux !

Étant tous les deux porteurs du gène responsable de l’amyotrophie spinale, Audrey et Renaud ont une chance sur quatre de concevoir un enfant qui en sera atteint. Ça ne les empêche pas de défier le destin. Quatre ans après la venue d’Ariane, ils ont un deuxième enfant, Jacob, en parfaite santé. Le ciel est parfois clément. Pourquoi pas un troisième ? Plus Ariane sera entourée d’amour, plus sa vie sera belle. Cette fois, à la douzième semaine de grossesse, on les avertit que le fœtus est atteint de la maladie.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Ariane et son frère Samuel

La course contre la montre est enclenchée. L’accouchement de Samuel, à 37 semaines, est provoqué un lundi, pour s’assurer qu’il a devant lui le plus de jours ouvrables possible, pour que soient approuvées toutes les demandes permettant à l’enfant de recevoir le médicament au plus vite. Neuf jours après sa naissance, on lui administre le miraculeux et très coûteux Zolgensma, que sa sœur, en étant l’une des premières utilisatrices, a aidé à mettre au point. Samuel n’a aucun symptôme de l’amyotrophie spinale. Il a 4 mois aujourd’hui et est en pleine forme ! Grâce à la recherche médicale et au fil d’Ariane.

(Le fil d’Ariane : métaphore empruntée à la mythologie grecque pour désigner ce qui sert de guide et permet de se tirer d’une situation difficile.)

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Ariane entourée de sa famille nucléaire

Ariane poursuit sa vie qui ne tient qu’à un fil. Dans son fauteuil motorisé qu’elle apprend à diriger. Même si elle a constamment besoin de quelqu’un pour veiller sur elle, elle réussit à aller à l’école spécialisée. Et à lire des livres par elle-même.

Son âme est aussi forte que son corps est fragile. Elle protège ses deux jeunes frères du regard.

N’eût été un sujet aux infos qui a redonné espoir à ses parents, Ariane ne serait probablement plus de ce monde. Le week-end dernier, Harold Gagné de TVA Nouvelles a fait un reportage sur son frère Samuel, sauvé par le médicament à 2 millions de dollars la dose, et les bons soins de la neurologue Maryam Oskoui de l’Hôpital général de Montréal pour enfants. Tout est dans tout. Ces histoires font du bien. Ces histoires sauvent des vies.

Le combat contre l’amyotrophie spinale est loin d’être terminé. Plus le diagnostic est posé rapidement, plus on peut amorcer tôt le traitement et épargner à l’enfant les accablantes conséquences.

Il y a un an, le gouvernement du Québec a approuvé qu’on fasse passer le test de dépistage à tous les nouveau-nés. Un an plus tard, la directive n’est pas encore appliquée. Des humains peuvent rester handicapés pour toujours. Il faudrait se dépêcher. Laisser le fil d’Ariane nous guider.