Bien qu’aucun des films en lice pour la Palme d’or n’ait encore vraiment chaviré le cœur des festivaliers, force est de constater qu’à mi-parcours, la compétition est de belle tenue, même si elle doit plus souvent qu’à son tour se déployer à l’ombre des productions sélectionnées en marge de la course.

Dans le cours normal des choses, les longs métrages sélectionnés en compétition officielle obtiennent le plus gros de l’attention médiatique. Si l’on se fie à ce qui s’est passé au cours des sept premiers jours de ce 76e Festival, 2023 n’est pas une année « normale » à Cannes.

La vampirisation des films hors compétition a commencé dès le soir de l’ouverture – comment pourrait-il en être autrement ? – avec la présentation de Jeanne du Barry et la polémique entourant ce nouveau drame historique de Maïwenn. Le retour de Johnny Depp devant les caméras a engendré un débat dont l’acteur semble être sorti vainqueur sur le plan de la réhabilitation médiatique, malgré les critiques.

Le lendemain, au tour de Pedro Almodóvar de créer l’évènement avec la présentation de Strange Way of Life, un western queer très réussi d’une durée de 31 minutes, avec Pedro Pascal et Ethan Hawke. La présence du maître espagnol a pratiquement relégué au second plan les deux premiers longs métrages de la compétition présentés le même jour : Monster, de Hirokazu Kore-eda, et Le retour, de Catherine Corsini. Dans ce dernier cas, les allégations de harcèlement et d’inconduite, qui ont eu pour conséquence de suspendre le titre de la sélection le temps d’une investigation, ont été abordées le lendemain, lors d’une conférence de presse où la cinéaste a tout nié en bloc.

PHOTO JOEL C RYAN, ASSOCIATED PRESS

La présence de Pedro Almodóvar et d’Ethan Hawke pour la présentation du court métrage Strange Way of Life a suscité beaucoup d’attention médiatique.

Indiana Jones s’est amené samedi dans un climat de grande fébrilité et d’excitation, avec un Harrison Ford très ému d’avoir remporté une Palme d’or d’honneur surprise. Dommage qu’Indiana Jones and the Dial of Destiny ne soit pas à la hauteur. Sur l’agrégateur Rotten Tomatoes, le film de James Mangold récolte une cote de 52 % avec 31 critiques recensées. En revanche, Martin Scorsese n’a pas déçu avec Killers of the Flower Moon, sa fresque de 206 minutes avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone et Robert De Niro.

Un nouveau leader

Avec de tels géants du cinéma sur le tapis rouge, il fut plus difficile pour les longs métrages concourant pour la Palme d’or de se faire remarquer. Depuis lundi, un nouveau leader a pourtant été désigné par les critiques internationaux contribuant au journal spécialisé britannique Screen et les critiques français recensés par Le film français : Anatomie d’une chute. Le drame judiciaire de Justine Triet, qui met en vedette la remarquable Sandra Hüller, Swann Arlaud et Samuel Theis, prend la forme d’une enquête passionnante sur les circonstances entourant la chute mortelle d’un homme qui s’est défenestré à l’étage supérieur du chalet d’hiver qu’il occupait non loin de Grenoble. Aux circonstances de ce qui pourrait autant être un accident, un suicide ou un meurtre s’ajoute la dissection impitoyable d’une relation de couple. Anatomie d’une chute, dont on espère une entente de distribution au Québec, est l’un des rares films ayant fait l’unanimité au cours de cette première semaine de festival.

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Sandra Hüller et Justine Triet lors de la séance photo organisée en marge de la présentation d’Anatomie d’une chute. À mi-parcours, le film de Justine Triet est présentement le favori des critiques.

May December, film de Todd Haynes dans lequel Natalie Portman joue une actrice qui s’installe un moment chez la femme qu’elle doit bientôt interpréter dans un drame biographique inspiré de la vie de cette dernière, a également été très bien accueilli. Tout comme The Zone of Interest, drame glaçant de Jonathan Glazer dans lequel un commandant nazi responsable des opérations du camp d’Auschwitz rêve à sa petite vie de banlieue avec sa famille pendant que les chambres à gaz crachent leur fumée juste à côté. Joignons à ce peloton de tête Les herbes sèches, un autre de ces longs métrages reposant essentiellement sur la qualité des dialogues, réalisé par Nuri Bilge Ceylan, un cinéaste proposant toujours de remarquables exercices intellectuels. N’oublions pas non plus le charmant et nostalgique film d’Aki Kaurismäki, Les feuilles mortes.

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Scarlett Johansson est de la distribution d’Asteroid City. Le film de Wes Anderson sera lancé à Cannes mardi.

Pointures à venir

Cela dit, les jeux sont loin d’être faits. Les huit derniers longs métrages de la compétition officielle seront présentés d’ici samedi. On compte en outre les nouvelles offrandes de pointures comme Wes Anderson (Asteroid City), Marco Bellocchio (L’enlèvement), Nanni Moretti (Vers un avenir radieux), Wim Wenders (Perfect Days), Catherine Breillat (L’été dernier) et Ken Loach (The Old Oak). Ce dernier pourrait d’ailleurs devenir le tout premier cinéaste à recevoir une troisième Palme d’or, 17 ans après celle obtenue grâce à The Wind That Shakes the Barley (Le vent se lève) et 7 ans après celle que lui a valu I, Daniel Blake.

Le jury, présidé par le cinéaste suédois Ruben Östlund, rendra son verdict samedi.