La 95e Soirée des Oscars a marqué dimanche au Dolby Theatre de Los Angeles le retour de 23 prix remis en direct. « Les gens de cinéma en voulaient autant que les gens de télé n’en voulaient pas ! », a résumé l’animateur Jimmy Kimmel. Tant mieux pour le cinéma. Tant pis pour l’émission de télé, qui a duré 3 h 30 min…

Les larmes de Ke Huy Quan

Ke Huy Quan devait se douter qu’il remporterait l’Oscar du meilleur acteur dans un rôle de soutien. C’était le secret le moins bien gardé de Hollywood, qui adore les histoires de comeback. L’acteur d’Everything Everywhere All at Once était déjà en larmes à l’évocation des finalistes. Il était toujours en larmes à l’arrière-scène, dix minutes plus tard, accompagné de sa camarade de jeu, l’oscarisée Jamie Lee Curtis. Quan a ému le public du Dolby Theatre, qui l’a ovationné, des décennies après que Hollywood a plus ou moins exclu de ses rangs l’enfant-acteur des Goonies et d’Indiana Jones. « Ceci est le rêve américain ! », a déclaré le comédien, arrivé aux États-Unis après avoir fui le Viêtnam en bateau et passé un an dans un camp de réfugiés. « J’ai presque abandonné mon rêve. Gardez vos rêves en vie ! »

L’humour bon enfant de Jimmy Kimmel

PHOTO CHRIS PIZZELLO, ASSOCIATED PRESS

L’animateur Jimmy Kimmel

On se demandait comment Jimmy Kimmel, à la barre de ses troisièmes Oscars, allait évoquer la fameuse gifle de Will Smith l’an dernier. Il l’a fait en se moquant gentiment des Oscars dans son monologue d’ouverture : « S’il y a quelque chose de violent qui se passe, on fera comme l’an dernier : on vous donnera un Oscar et on vous laissera faire un discours de 19 minutes ! » Il a aussi tourné en dérision le manque d’humilité de James Cameron, en se demandant si l’absence du gala du cinéaste d’Avatar était liée au fait d’avoir été snobé dans la catégorie du meilleur réalisateur. « Peut-être qu’on a pensé que c’était une femme ? » Kimmel n’est pas intervenu trop souvent ni trop longtemps, avec l’humour bon enfant qu’on lui connaît et qui convenait plutôt bien à cette longue soirée.

Lady Gaga vole le show

David Byrne a enfilé des doigts en saucisse en chantant This Is a Life du film Everything Everywhere All at Once, la troupe de RRR a proposé un numéro enlevant digne de Bollywood – et de la « danse des bretelles » du film – à l’appui de la chanson Naatu Naatu et Rihanna était accompagnée d’un orchestre et de chœurs pour chanter Lift Me Up de Black Panther. Mais Lady Gaga, qui n’était pourtant pas annoncée, a volé le show parmi les artistes invités à pousser la note sur la scène du Dolby Theatre. « Tu trouveras peut-être que tu peux être ton propre héros. Même si tu te sens brisé », a-t-elle dit, avant de chanter avec beaucoup d’émotion et d’intensité Hold My Hand, tirée de Top Gun : Maverick. Un tour de chant brut, dépouillé et intimiste, qui nous a (presque) fait oublier quelques notes moins justes.

De grands oubliés

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Lenny Kravitz, au piano, a chanté pendant que l’on voyait défiler à l’écran les nombreux artistes et artisans du cinéma qui sont disparus en 2022.

John Travolta a presque perdu la voix, nouée par l’émotion, en présentant l’hommage aux disparus, dont faisait partie son amie et covedette de Grease Olivia Newton-John. « Friends we will always remain hopelessly devoted to », a-t-il dit, en reprenant les paroles et le titre d’une célèbre chanson du film. Lenny Kravitz, qui ne semble pas vieillir, a chanté en s’accompagnant au piano pendant que l’on voyait défiler à l’écran les nombreux artistes et artisans du cinéma qui sont disparus en 2022, dont Jean-Luc Godard, James Caan et Raquel Welch. Il y avait pourtant de grands oubliés : Monica Vitti, la muse d’Antonioni, ainsi que Jean-Louis Trintignant, l’un des derniers géants du cinéma du dernier demi-siècle. Un détail. Et on me dira que les Oscars ne sont pas américanocentristes…

Une victoire historique

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Michelle Yeoh récoltant le trophée de la meilleure actrice.

« Pour tous les petits garçons et petites filles qui me ressemblent et qui nous regardent ce soir, ceci est une lueur d’espoir. C’est la preuve que les rêves se réalisent », a déclaré Michelle Yeoh, devenue la première comédienne d’origine asiatique à remporter l’Oscar de la meilleure actrice, pour Everything Everywhere All at Once. « Et mesdames, a-t-elle ajouté, ne laissez jamais qui que ce soit vous dire que le meilleur est derrière vous. » Le film délirant de Daniel Scheinert et Daniel Kwan, finaliste 11 fois et grand favori, a relevé tout un défi dans la dernière année : redonner son sens à « déjanté », un terme galvaudé. Les deux coscénaristes et coréalisateurs ont égayé une soirée qui a passablement raillé la droite américaine. Daniel Scheinert a notamment déclaré que de « s’habiller en drag queen n’était une menace pour personne ». Kin toé, Ron DeSantis !