Le film délirant de Daniel Kwan et Daniel Scheinert a remporté l’Oscar du meilleur film de l’année et a valu à Michelle Yeoh, Jamie Lee Curtis et Ke Huy Quan d’être consacrés dans les catégories d’interprétation. The Whale a permis à Brendan Fraser d’obtenir l’Oscar du meilleur acteur et au Québécois Adrien Morot de recevoir l’Oscar des meilleurs maquillages.

Quand Everything Everywhere All at Once (Tout, partout, tout à la fois) a pris l’affiche il y a près d’un an (le long métrage a gagné les écrans du Québec le 8 avril 2022), personne n’aurait pu prédire qu’un film aussi fou, aussi délirant, triompherait des mois plus tard à la Soirée des Oscars. En lui attribuant sept statuettes dorées, dont celle du meilleur film de l’année, les 9579 membres de l’Académie ont du coup annoncé un changement de culture en modifiant complètement l’idée générale qu’on se fait d’un film « oscarisable » depuis près d’un siècle. Et c’est bien tant mieux.

Michelle Yeoh, sacrée meilleure actrice, a marqué l’histoire en devenant la première comédienne d’origine asiatique à recevoir le plus grand honneur à Hollywood.

PHOTO DAVID BORNFRIEND, FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Grâce à sa performance dans Everything Everywhere All at Once (Tout, partout, tout à la fois), Michelle Yeoh a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice.

« Pour tous les petits garçons et petites filles qui me ressemblent et qui nous regardent ce soir, ceci est une lueur d’espoir. C’est la preuve que les rêves se réalisent. Et mesdames, ne laissez personne vous dire que votre temps est passé ! » La comédienne l’a en outre bien prouvé en se glissant dans la peau d’Evelyn Wang, immigrée chinoise installée aux États-Unis depuis longtemps, dont la vie ordinaire change le jour où elle est entraînée dans le multivers afin de remplir une mission importante pour le sort du monde…

En plus d’être célébré dans les catégories du montage et du scénario original, Everything Everywhere All at Once s’est distingué dans les catégories réservées aux rôles de soutien. Les deux lauréats, Ke Huy Quan et Jamie Lee Curtis, très émus, ont lancé de vibrants appels.

« Ma mère est âgée de 84 ans et elle regarde à la maison. Maman, j’ai gagné un Oscar ! a lancé l’acteur d’origine vietnamienne. Mon périple a commencé sur un bateau et j’ai passé un an dans un camp de réfugiés. Et voilà que je me retrouve aujourd’hui sur la plus grande scène de Hollywood. On dit que ce genre d’histoire n’arrive qu’au cinéma et j’ai du mal à croire à ce qui m’arrive. Mais ceci est le rêve américain et vous devez y croire ! »

De son côté, Jamie Lee Curtis a dit que cet Oscar appartenait à des centaines de personnes.

Nous avons gagné un Oscar. Et aux centaines de milliers d’amateurs de cinéma de genre, que j’ai pratiqué pendant tant d’années, nous avons gagné un Oscar ensemble.

Jamie Lee Curtis, sacrée meilleure actrice de soutien pour Everything Everywhere All at Once

L’actrice a ensuite rendu hommage à ses parents disparus, Janet Leigh et Tony Curtis, qui, a-t-elle rappelé, ont tous deux déjà été finalistes.

En allant chercher leur Oscar de la meilleure réalisation, Daniel Kwan et Daniel Scheinert, surnommés les Daniel, ont d’abord dédié leur statuette à toutes les mères du monde avant que Daniel Kwan affirme qu’il y a de la grandeur en chaque être humain. « Il suffit de s’entourer de gens qui pourront la trouver en vous et je remercie ceux qui l’ont fait pour moi ! »

Des Oscars pour Brendan Fraser et Sarah Polley

The Whale, réalisé par Darren Aronofsky, a obtenu deux Oscars, soit celui du meilleur acteur, attribué à Brendan Fraser, ainsi que celui décerné aux meilleurs maquillages et coiffures, conçus notamment par le Québécois Adrien Morot. Ce dernier met ainsi la main sur la statuette 12 ans après avoir été cité une première fois grâce à Barney’s Version (Richard J. Lewis).

« Je remercie mon équipe, ainsi que Darren Aronofsky, qui nous a poussés à toujours aller plus haut, sans oublier Brendan Fraser, un acteur incroyable », a-t-il déclaré sur la scène du Dolby Theatre. Ce dernier, visiblement bouleversé, a notamment évoqué sa traversée du désert.

Quand j’ai commencé il y a 30 ans, tout me semblait facile et je ne l’ai pas vraiment apprécié. Jusqu’à ce que cela s’arrête. J’aimerais simplement vous remercier pour cette reconnaissance.

Brendan Fraser, sacré meilleur acteur pour The Whale

La Canadienne Sarah Polley a par ailleurs mis la main sur l’Oscar – très convoité – du meilleur scénario adapté grâce à Women Talking. Ce très beau film, adapté d’un roman de Miriam Toews, est campé en 2010, dans une communauté religieuse où les femmes ont été victimes d’abus de toutes natures.

PHOTO MIKE BLAKE, REUTERS

La Canadienne Sarah Polley

« Je tiens à remercier l’Académie de ne pas avoir été mortifiée par l’association des mots Women et Talking », a déclaré Sarah Polley, qui signe aussi la réalisation du film. « Miriam Toews a écrit un roman sur une démocratie radicale dans laquelle tout le monde ne s’entend pas nécessairement sur tous les sujets, mais où on s’arrange pour discuter et trouver une façon pour sortir de la violence », a-t-elle ajouté.

Plusieurs titres au tableau d’honneur

Le film allemand All Quiet on the Western Front (Im Westen nichts Neues) a fait très belle figure en obtenant quatre Oscars. En plus de celui attribué au meilleur film international, le drame de guerre d’Edward Berger a été honoré grâce à sa direction photo (James Friend), à sa trame musicale (Volker Bertelmann) ainsi qu’à sa direction artistique (Christian M. Goldbeck).

Sans grande surprise, le magnifique Pinocchio, de Guillermo del Toro, a remporté l’Oscar du meilleur long métrage d’animation.

« L’animation n’est pas un genre et il est prêt à franchir une nouvelle étape. Merci de le garder dans vos conversations. Je remercie aussi Netflix d’avoir eu foi en ce film », a déclaré le cinéaste.

Black Panther : Wakanda Forever fut célébré grâce à ses costumes, Avatar : The Way of Water fut récompensé – comme il se doit – pour ses effets visuels, et l’Oscar du meilleur son est allé à Top Gun : Maverick.

Naatu Naatu, chanson phare du film phénomène bollywoodien RRR, est reparti avec l’Oscar de la meilleure chanson originale, une première pour un film indien.

Navalny, film que le documentariste torontois Daniel Roher a consacré à Alexeï Navalny, célèbre opposant de Vladimir Poutine, a obtenu l’Oscar du meilleur long métrage documentaire.

The Banshees of Inisherin (Martin McDonagh), The Fabelmans (Steven Spielberg), TÁR (Todd Field), Triangle of Sadness (Rüben Ostlund) et Elvis (Baz Luhrmann) ont été complètement blanchis.

Signalons enfin la victoire de The Boy, the Mole, the Fox, and the Horse, sacré meilleur court métrage d’animation dans une catégorie où figurait notamment The Flying Sailor, une production de l’Office national du film du Canada.