Le véhicule électrique ne boit pas, ne fume pas. Et il ne fait pas de bruit. Pour des marques dont la signature sonore fait partie du fonds de commerce, cela pose un véritable problème et risque de brouiller leur image.

Entendre le bruit du vent et des pneus comme s’applique à le faire la société Rolls-Royce depuis plus d’un siècle, passe toujours. Mais pour Alfa Romeo, BMW, Lamborghini, dont l’identité repose en partie sur le chant mécanique, c’est une tout autre histoire. Le son du moteur gratifie l’oreille de vocalises diverses. Elles ne peuvent être inaudibles. Même électrifiées. Une partie de leur identité est fondée sur cette signature sonore. Laquelle, il faut le dire, n’est plus aussi authentique qu’autrefois.

Plusieurs dispositifs savamment élaborés par les acousticiens modifient ou amplifient artificiellement la sonorité de l’échappement pour la diffuser ensuite dans l’habitacle à l’aide des haut-parleurs. L’époque où l’ordre de l’allumage façonnait la voix d’un moteur est révolue. Les sons aigus, rauques ou métalliques d’aujourd’hui trompent l’ouïe sans doute, mais ils demeurent plausibles en raison de la nature du moteur à combustion interne. Du moins, c’est la conclusion à laquelle sont arrivés de nombreux constructeurs après avoir créé une sorte de silencieux fictif visant à recréer le son émis par une voiture classique.

Composer la bonne symphonie

Pour rompre le silence, mais aussi pour donner une émotion à des unités de puissance (électriques) qui n’en ont pas, plusieurs marques cherchent à recruter un nouvel orchestre. L’idée de reproduire – à vos mouchoirs, les nostalgiques – le vrombissement des moteurs thermiques ne semble pas véritablement à l’ordre du jour.

Certains équipementiers présents au SEMA Show qui se déroulait à Las Vegas avaient déjà des idées en tête. Présente dans la capitale du jeu, la firme britannique Thor proposait aux propriétaires de Tesla, Polestar et autres Rivian un échappement électronique (à partir de 2200 $). Aux consommateurs de faire leur choix parmi 16 bandes sonores (V8 américain culbuté, bien sûr), dont une – accrochez-vous – singe le son des réacteurs d’un avion de chasse et une autre (on présume ici) de soucoupe volante. Ne riez pas, vous pouvez même obtenir une interprétation synthétisée de Vive le vent. Dès lors, l’idée d’Elon Musk de faire diffuser à ses Tesla de la musique d’ascenseur apparaît moins saugrenue.

Ne reculant devant rien, BMW a fait appel au compositeur de renommée internationale Hans Zimmer pour créer des thèmes musicaux en fonction du mode de fonctionnement sélectionné par le conducteur.

Mercedes-Benz a fait de même en retenant les services du groupe Linkin Park pour ses véhicules électrifiés de haute performance (AMG). Le groupe Jaguar/Land Rover s’est tourné quant à lui vers le pianiste David Levine.

PHOTO FOURNIE PAR BMW AG

Hans Zimmer (à gauche) a composé le « son » des véhicules électrifiés de BMW.

Les constructeurs n’empruntent pas tous cette voie, cependant, et certains préfèrent s’en remettre à leurs spécialistes à l’interne pour créer LE son qui les caractérisera à l’avenir. C’est le cas notamment de Maserati. Son président, Davide Grasso, a raconté à La Presse en août dernier : « Il a fallu plus de 18 mois pour trouver l’identité sonore de nos futurs produits électrifiés. La barre était haute et les attentes de nos clients traditionnels élevées. Nous ne les décevrons pas. »

Payez pour son son

Le design sonore, comme se plaît à l’appeler l’industrie automobile, ouvre la porte à une nouvelle source de revenus, où les sons seraient offerts contre supplément, comme les sonneries personnalisées offertes sur votre téléphone portable. La cacophonie générale se trouve au bout de la rue. Les législateurs ne manqueront pas d’intervenir, le cas échéant. Comme ils l’ont fait déjà pour s’assurer que l’automobile, même électrique, ne demeure pas silencieuse.

L’Union européenne ainsi que les États-Unis (le Canada compte pour si peu, vous savez) exigent que les véhicules électriques et hybrides émettent un son artificiel. Celui-ci doit être audible (maximum 75 décibels) lorsque le véhicule circule à moins de 20 km/h ou lors de manœuvres en marche arrière. Cette mesure vise à protéger les autres usagers de la route, souvent plus vulnérables (piétons, cyclistes). Une pollution sonore supplémentaire sans doute, mais indispensable.