Si vous commandez un véhicule électrique aujourd’hui, il vous sera sans doute livré l’année prochaine. La règle comporte bien sûr certaines exceptions selon la marque. Les constructeurs en sont réduits, comme leurs distributeurs, à compter sur la patience de leurs clients.

Face à ces retards, certains consommateurs se rabattent sur un modèle à essence ou songent sérieusement – c’est la solution la plus écologique – à conserver leur monture actuelle.

Certains groupes de pression réclament des gouvernements canadien et québécois des mesures plus coercitives à l’endroit de l’industrie automobile pour que celle-ci « ouvre le robinet ». Une menace exécutée, non sans succès, par d’autres législations.

Depuis 2020, l’Europe impose à l’ensemble du parc vendu de chaque marque l’obligation de rejeter un maximum de 95 g de CO2 par kilomètre (l’équivalent de 4 L au 100 km). Et ce plafond diminue d’année après année. À défaut de s’y conformer, le constructeur doit payer une amende ou se procurer des crédits auprès de concurrents qui excèdent cette norme.

Le Québec, avec ses quelque 400 000 véhicules neufs par année, n’a pas les leviers nécessaires pour brandir une menace aussi grave. Pas plus que le Canada, d’ailleurs. Le véhicule électrique peine à susciter l’envie en dehors du Québec et de la Colombie-Britannique (voir le tableau), et ce, malgré les subventions offertes. Dès lors, pas étonnant que certains constructeurs privilégient des marchés où cela fait le plus mal.

Immatriculations de véhicules propres (ZEV*) au Canada en 2021

  • Alberta : 1,8 %
  • Colombie-Britannique : 13 %
  • Île-du-Prince-Édouard 2,9 %
  • Manitoba : 1,4 %
  • Nouvelle-Écosse : 1,6 %
  • Nouveau-Brunswick : 1,4 %
  • Nunavik : 0 %
  • Ontario : 3,3 %
  • Québec : 9,5 %
  • Saskatchewan : 1,2 %
  • Terre-Neuve-et-Labrador : 0,6 %
  • Territoires du Nord-Ouest : 0,7 %
  • Yukon : 4,5 %

Source : IHS Markit

* Sous l’acronyme ZEV (Zero Emission Vehicle) se retrouvent des véhicules hybrides, hybrides rechargeables, électriques et à hydrogène.

Là n’est pas le seul écueil qui freine la disponibilité des véhicules électriques. La transition énergétique représente sans doute le défi industriel le plus important jamais vu par le secteur automobile et est autrement plus complexe à résoudre qu’il n’y paraît.

Au-delà de la conception d’un véhicule électrique, l’industrie doit également tenir compte de plusieurs autres facteurs, dont celui de l’emploi. La fabrication et l’assemblage d’un moteur électrique nécessitent des effectifs de deux à trois fois moindres que ceux nécessaires à la confection d’un moteur thermique. Plusieurs équipementiers et syndicats sonnent l’alarme, depuis un bon moment déjà : une transition « pied au plancher » vers le tout-électrique entraînera des centaines de milliers de licenciements dans le monde.

PHOTO NHAC NGUYEN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les véhicules électriques coûtent plus cher aux consommateurs.

Les grands constructeurs s’en inquiètent aussi, tout comme de la capacité de payer des consommateurs, a rappelé Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis, au cours du sommet Reuters Next, l’automne dernier.

L’électrification ajoute 50 % de coûts à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50 % de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer.

Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis

Un temps de réflexion

Ce temps d’attente représente toutefois une occasion rêvée pour réfléchir à sa propre mobilité. Évidemment, cette analyse diffère fortement selon que l’on habite dans un grand centre ou dans une région éloignée. Que l’on ait accès ou non à une borne de recharge. Qu’il existe ou pas un réseau de transports en commun fiable, sûr et flexible.

Qu’à cela ne tienne, peu importe la distance à parcourir, il existe des solutions de remplacement plus écologiques que l’auto. La marche, le vélo, le covoiturage, l’autopartage, la location à court terme : chaque geste, si petit soit-il, compte !