Les férus d'astrologie vous diront que nous venons de quitter le signe du Scorpion (23 octobre au 22 novembre), mais il est encore temps de vous présenter Abarth, cette marque récemment ressuscitée par le Groupe Fiat et dont le symbole visuel est le scorpion, inspiré du signe astrologique de son créateur, Karl Abarth.

On dit d'un Scorpion qu'il est constamment en compétition, non pas tellement avec les autres, mais avec lui-même. La description semble correspondre au caractère d'Abarth, un Viennois né en 1908. À 19 ans, il est mécanicien dans une usine de motos, puis pilote essayeur. Il devient pilote d'usine et s'illustre en course jusqu'à ce qu'un sérieux accident mette un terme à sa carrière. Souhaitant s'éloigner du régime nazi, il part en Yougoslavie puis rejoint son père en Italie où, dès 1946, il devient distributeur de brevets et de matériel Porsche.

 

À la suite de l'échec du projet de Formule 1 de Ferdinand Porsche et de l'écurie italienne Cisitalia, Karl Abarth, devenu Carlo, reprend l'écurie, qui parvient à s'illustrer en Formule 2. Pour rentabiliser son officina (atelier), Abarth lance alors la construction d'accessoires, notamment les célèbres marmitta (silencieux), et fonde en 1950 sa propre entreprise, Abarth&Co S.p.a., à Turin. Dès lors débute une étroite collaboration avec Fiat qui commence avec la préparation de la modeste Fiat 600. C'est le début de la saga du «sorcier Abarth».

La première bombinette

Née en 1955, la petite Fiat 600 (633 cc, 22 chevaux, 100 km/h) devient, sous la baguette magique d'Abarth, la 750 (747 cc, 130 km/h), puis la 850 (847 cc, 52 ch, 147 km/h). Construites en plusieurs variantes, les Abarth 750 et 850 s'imposent sur circuit et en course de côte. De victoire en victoire, la réputation du tuner d'Abarth se confirme sur le Vieux Continent et parvient aux États-Unis, où les petites Abarth s'imposent en catégorie dans des épreuves prestigieuses comme les 12 Heures de Sebring. En l'espace de 15 ans, entre 1956 et 1971, avec 7300 victoires dans toutes sortes de compétitions, le Scorpion devient la marque la plus titrée de la planète. Les Abarth sont les «reines des petites voitures», jusqu'à l'arrivée d'une certaine Mini.

Le taxi de la soeurette

C'est là qu'intervient votre humble serviteur, jeune étudiant en quête d'une première voiture.

En 1966, à la suite d'une habile négociation avec le paternel, je l'ai convaincu de contribuer au financement de cet achat à condition que je fasse le taxi au bénéfice de ma petite soeur matin et soir, épargnant à papa les frais de l'autobus d'écoliers (oui, c'était payant). Le «taxi» en question est une vieille Fiat 600 1959, couleur bleu poudre.

Très vite, il m'a fallu trouver les moyens d'aller plus vite... Surtout qu'un commentaire de la soeurette m'avait piqué au vif: «Tu ne veux pas que je sorte marcher à côté?» m'a-t-elle demandé alors que nous escaladions une montagne à pic à bord de la vaillante Fiat.

Certes, nous étions dépassés par tout ce qui roulait, mais vous conviendrez avec moi que ce n'est pas une chose à dire! D'ailleurs, au retour - c'est-à-dire en descente - je me suis vengé en dépassant «tout ce qui roulait» ... même si j'ai dû, le lendemain, remplacer les roulements avant qui n'avaient pas aimé les nids-de-poule (oui, il y en a ailleurs qu'au Québec, mais pas d'aussi beaux).

Puis, quelques semaines plus tard, j'ai remplacé les horribles pneus craquelés à flancs blancs par de belles bottines Pirelli Cinturato à carcasse radiale. Toute une différence en virage.

Il y a eu ensuite une révision du moteur avec augmentation du taux de compression et adjonction d'une véritable marmitta Abarth (d'occasion, évidemment). Et pour couronner le tout, j'ai roulé capot arrière entrouvert, question de donner plus d'air au malheureux radiateur niché à l'arrière.

Ainsi vitaminée, la petite Fiat a chanté allègrement du haut de ses 600 centimètres cubes, grimpé la même montagne sans commentaires désobligeants de la soeurette et est même devenue vedette de cinéma en figurant dans un tournage publicitaire... C'est là qu'elle a pris son nom d'artiste: Fifi.

Fifi II, la Montréalaise

C'était il y a bien longtemps, dans une autre vie. Plusieurs décennies plus tard, le souvenir de Fifi renaît avec l'éclosion de la grisaille sur la tête de l'étudiant devenu chroniqueur. J'apprends un jour qu'il y a à vendre une Abarth qui a appartenu à Richard Petit, collectionneur bien connu qui voue une admiration sans borne à la minuscule Fiat 500 sous toutes ses formes.

L'Abarth en question est une authentique 595 SS 1968, donc une dérivée de l'icône italienne qu'est la Cinquecento (la 500, à ne pas confondre avec la 600), et elle réside au garage de Frank Marino, rue Saint-Jacques. Mais, avant de la vendre, Frank veut s'assurer que je connais la marque Abarth. Je passe le test et Frank accepte de me vendre la voiture, que je baptise illico Fifi II.

Aussitôt immatriculée, Fifi II prend la route des Cantons-de-l'Est et décide, sans crier gare, de me faire comprendre qu'on ne bouscule pas de la sorte une vénérable italienne. Trois heures et quatre arrêts forcés plus tard, je termine le parcours de 100 km, suivi de ma fidèle et patiente compagne qui me couvrait au volant de sa fiable Acura.

Les années passent et les pannes se succèdent. Mais, étant plus entêté que la microscopique italienne, je finis par dompter la petite bête, devenue aujourd'hui fort docile. Par la même occasion, j'approfondis ma connaissance de la marque, trouve des fournisseurs de pièces, des ouvrages de référence. Bref, j'effectue le parcours du collectionneur typique dont l'intérêt du début se transforme en passion pour devenir, assez rapidement, obsession.

DANS LE RÉTROVISEUR DE LA FIAT ABARTH 595 SS 1968:

Type : microberline deux portes, quatre places, moteur arrière

Empattement/longueur/largeur/hauteur (cm): 184/297/132/132

Poids : 500 kg

Moteur : deux cylindres, 595 cc, refroidi à l'air, 32 ch à 5000 tr/min

Transmission : propulsion, boîte manuelle quatre vitesses

Suspensions : indépendantes, ressort transversal à lames à l'avant, ressorts hélicoïdaux à l'arrière

Freins : tambours

Pneus : 145 x 12

Vitesse de pointe : 125 km/h (avec le vent dans le dos...)