Elle devait prendre son envol à Earls Court, au Salon de l'auto de Londres en 1940, mais sa naissance a été retardée jusqu'en 1947, question de donner à la Grande-Bretagne le temps de se remettre de la destruction qui a déferlé sur toute l'Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Elle est donc née avec cet air vieillot qui caractérise les voitures d'avant-guerre: formes carrées, imposante calandre droite, ailes avant détachées de la carrosserie et coiffées de deux phares proéminents. Un air vieillot mais charmant, du moins pour ceux qui affectionnent l'allure des classiques limousines de luxe anglaises.

 

Certes, avec un prix de 525£ en 1951, il ne peut pas s'agir d'une limousine de luxe à la Bentley ou à la Rolls-Royce. En effet, ce sympathique minisalon anglais est une MG. Oui, une MG quatre portes, conçue en 1938 pour élargir la gamme de la marque anglaise si connue pour ces roadsters vénérés jusqu'à aujourd'hui par une horde de nostalgiques, tant en Europe qu'en Amérique.

Une Midget quatre portes

MG (Morris Garage pour ceux qui ne le savaient pas) a été fondée en 1921 par William Richard Morris, qui possédait déjà Morris Motors depuis 1912.

 

C'est lorsqu'il a recruté Cecil Kimber que Morris a adopté le nom MG pour désigner les voitures produites sous la direction de Kimber, les plus célèbres étant les minuscules Midget (un mot qui signifie nain).

 

Ces adorables roadsters ont longtemps symbolisé le parfait «petit char anglais» que de nombreux GI américains ont ramené dans leurs bagages. Rudimentaires, inconfortables, exiguës, dégoulinant d'huile par le bas et laissant passer la pluie par le haut, ces bagnoles d'apparence fragile ont fait néanmoins des merveilles en course, initiant toute une génération de jeunes Nord-Américains aux plaisirs du sport automobile à l'européenne.

 

Mais MG souhaitait prendre de l'expansion et a décidé d'ajouter une petite quatre places à sa gamme de berlines SVW. La nouvelle venue, baptisée Série Y, empruntait des éléments mécaniques à ses petites soeurs sportives, notamment le moteur d'un litre et quart (1250 cm³), un moulin certes robuste mais qui cachait mal ses origines «agricoles», comme d'ailleurs plusieurs moteurs anglais de l'époque.

 

C'est peut-être ce qui explique que ces moteurs aux tolérances généreuses plus propices à des tracteurs ne se gênaient pas pour perdre leur huile par tous les interstices... Comme le dit si bien Gilles Bachand, propriétaire de notre vedette de la semaine: «Une voiture anglaise ne perd jamais son huile; elle marque son territoire!»

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

M. Bachand raconte que sa MG-Y, dont il est le fier propriétaire depuis Noël 2006, a été restaurée en Angleterre en 1996 et qu'elle a passé les 10 années suivantes en compagnie d'un vieux résidant des îles Shetland, au nord de l'Écosse.

La voiture est revenue ensuite en son sol natal où elle est passée aux mains d'un fervent de la marque MG. Malheureusement pour lui, son épouse a poussé des cris d'épouvante à la vue de «cette laideur» et a sommé le pauvre homme de l'échanger tout de suite contre un cabriolet. «Il a confié son chagrin au registraire du Club des MG-Y avec lequel je m'étais entretenu quelques semaines auparavant. Celui-ci m'a alerté sur-le-champ et c'est ainsi que l'affaire a été conclue», ajoute M. Bachand, un collectionneur averti.

«Pourquoi une MG-Y? Je possédais une Ford 1936 qui me coûtait cher et se comportait comme un camion. Je cherchais donc une voiture ayant la même allure mais plus moderne et plus agréable à conduire. La MG-Y a répondu parfaitement à mes attentes, à un prix fort raisonnable... et ma femme l'aime beaucoup aussi.»

Malgré son allure dépassée, la nouvelle venue propose en effet quelques solutions techniques modernes pour l'époque, notamment la suspension indépendante à l'avant, conçue par Alec Issigonis, le génial père de la Mini (1959), et une direction à crémaillère digne d'une voiture sport, deux éléments qui contribuent sensiblement à l'agrément de conduite. Quant au dessin de la carrosserie, on le doit au designer Gerald Palmer, qui s'est servi de la Morris Eight à laquelle il a greffé une partie arrière plus fluide et, à l'avant, la traditionnelle calandre verticale MG, flanquée des phares détachés et des ailes séparées de la carrosserie.

Les quatre roues en l'air

Autre particularité intéressante de ce petit salon (que les Américains appellent sedan): le Jackall System, un ensemble de quatre crics hydrauliques fixés aux quatre coins du châssis et qui permettent de soulever la voiture pour changer une roue. Ce même système existe aujourd'hui sur certaines voitures de course modernes...

Comme quoi, nous n'avons rien inventé.

Mais là où cette MG se démarque, c'est par le soin apporté à la réalisation de l'habitacle. La planche de bord en bois de noyer est ornée d'instruments octogonaux qui reprennent la forme de l'emblème MG. Ce même bois sert de garniture sur les portes.

Summum du luxe: le beau volant à trois branches réglable en profondeur, les sièges habillés de cuir, le toit ouvrant et le petit store qui se déploie sur la lunette arrière pour donner plus d'intimité. Sans oublier la «climatisation» qu'autorise l'ouverture du pare-brise par le bas...

En somme, le charme indéniable d'un classique intérieur british.