Deux experts ayant visionné une vidéo montrant l'accident mortel impliquant un véhicule autonome Uber sont formels : le système de conduite autonome aurait dû détecter la piétonne et freiner à temps pour ne pas la happer et la tuer. L'opinion des deux experts suit la diffusion par la police américaine d'une vidéo montrant l'accident qui a causé la mort d'Elaine Hertzberg, 49 ans, dimanche à Tempe, dans l'État de l'Arizona.

Sur ce document, diffusé mercredi et filmé depuis l'intérieur du véhicule --qui était équipé d'une caméra-- on peut voir l'expression horrifiée de l'opératrice, passive, juste avant l'impact.

On peut voir cette même personne regarder durant quelques secondes vers le bas, puis redresser la tête un instant avant que la voiture heurte une femme traversant à pied avec un vélo dimanche soir une route mal éclairée de Tempe, dans l'Arizona. 

Les phares n'illuminent la victime qu'une seconde ou deux avant l'impact. Mais les voitures autonomes sont équipées de radars et lidars censés, justement, apercevoir les obstacles avant les caméras.

Pourquoi, alors, l'Uber autonome n'a-t-il pas freiné à temps ?

La cheffe de police de Tempe a exprimé l'avis que l'accident lui semblait sans responsabilité du véhicule, mais deux experts qui ont vu la vidéo ont indiqué à l'agence Associated Press que les détecteurs lidar (au laser) et radar auraient du détecter Mme Herzberg et son vélo à temps pour freiner.

Photo : Police de Tempe via AP

«Échecs multiples d'Uber et de son système automatisé»

«La victime ne surgit pas de nulle part. Elle marche sur un chemin sombre mais c'est une route dégagée, alors le lidar et le radar auraient dû la détecter et l'identifier» comme un humain, affirme Bryant Walker, un professeur de droit de l'université de Caroline du Sud qui étudie les véhicules autonomes.

Me Smith note que la vidéo ne brosse pas nécessairement le portrait complet de l'accident, mais «elle est une forte indication d'échecs multiples d'Uber et de son système --son système automatisé- et de la conductrice de sécurité».

«C'est l'auto qui est dans le tort»

Sam Abuelsmaid, analyste chez Navigant Research et spécialiste de la conduite autonome, affirme que les lidars et radars peuvent voir dans l'obscurité bien mieux que les humains et les caméras. Or, Mme Herzberg était bien à l'intérieur de la portée de ces systèmes.  

«Le véhicule aurait dû la détecter, absolument. D'après ce que je vois dans la vidéo, on dirait certainement que c'est l'auto qui dans le tort, pas de la piétonne.»

Par ailleurs, Me Smith dit que l'opératrice Uber semble se fier trop au système de conduite autonome en ne regardant pas la route : «La conductrice de sécurité, de toute évidence, se fie au fait que la voiture se conduit toute seule. Ça illustre le vieil adage selon lequel si tout le monde est responsable, alors personne n'est responsable. Ceci est un échec total de ce que ces systèmes -s'ils sont mis en place de façon responsable-- sont censés prévenir.»

Au sujet de la conductrice, qui regarde vers le bas, les experts ont dit ne pas savoir si le véhicule était équipé d'un écran vidéo qu'elle aurait pu regarder.

Une porte-parole d'Uber, contactée mercredi soir par courriel, n'a pas répondu aux questions spécifiques d'Associated Press sur la vidéo ni sur les observations des deux experts.

La police locale absout Uber

La police locale a indiqué avoir publié la vidéo dans le cadre de son enquête, afin de déterminer toutes les responsabilités de cet accident. La chef de la police de Tempe avait néanmoins estimé mardi que, dans un premier temps, «il semble qu'Uber ne soit pas en tort», essentiellement car la victime traversait en dehors des passages piétons protégés.«Il est très clair qu'il aurait été difficile d'éviter la collision quelque soit le mode de conduite compte tenu de la manière dont elle (la victime) sort de l'ombre directement sur la route», a expliqué la chef de la police au quotidien californien San Francisco Chronicle.

En réaction à cet accident, l'entreprise américaine a suspendu ses tests de conduite autonome qui étaient menés à Tempe, San Francisco, Pittsburgh aux États-Unis et à Toronto au Canada. «La vidéo est très troublante et nous brise le coeur, et nos pensées sont avec les proches d'Elaine», a affirmé Uber dans un communiqué. «Nos véhicules sont immobilisés et nous apportons toute l'assistance possible aux autorités locales et fédérales», a ajouté la compagnie.

Rafaela ou Rafael ?

La police de Tempe a identifié la personne chargée de superviser l'Uber autonome et qu'on aperçoit derrière le volant dans la vidéo. Selon la police, il s'agit de Rafael Vasquez, 44 ans. L'Associated Press a trouvé au plumitif judiciaire un homme ayant le même nom et la même date de naissance que M. Vasquez, et ayant passé environ quatre ans en prison pour deux condamnations avant de commencer à travailler chez Uber. Il avait été condamné pour avoir fait de fausses déclarations en demandant des allocations de chômage, puis, en 2000, pour tentative de vol à main armée.

La police et le Conseil national de la sécurité routière des États-Unis (NTSB) ont refusé d'indiquer si le Vasquez impliqué dans l'accident et celui ayant un casier judiciaire étaient une seule et même personne. 

Les médias de l'Arizona ont identifié la personne comme Rafaela Vasquez, expliquant qu'elle s'identifie maintenant comme une femme et qu'elle a légalement obtenu un changement de nom à l'identité civile.

Les autorités n'ont pas souhaité commenter la différence de prénoms.