Si le Québec cherche à être un des chefs de file en matière de recherche sur les véhicules électriques, l'Ontario a choisi de s'affirmer sur le marché de la voiture autonome. Il vient d'autoriser l'accès à ses routes à ces voitures de demain, à des fins d'expérimentations. Et l'Université de Waterloo est en première ligne.

C'est une première au Canada et il était temps. Depuis les premières expérimentations de Google sur les routes californiennes en 2010, jamais une voiture sans conducteur actif n'avait circulé librement sur le territoire canadien. En donnant son feu vert, il y a une semaine, à un projet-pilote en ce sens, le gouvernement ontarien concrétise sa politique instaurée au tout début de l'année lorsqu'il a fixé un cadre réglementaire. Seulement voilà, il fallait des volontaires pour essayer ces voitures. Et on les a trouvés.

Des volontaires au premier rang desquels on trouve l'Université de Waterloo, un des établissements pionniers au pays en matière de recherche sur les véhicules. L'an dernier, son Centre de recherche automobile a fait circuler sur le campus une voiturette de golf autonome équipée de la même manière qu'une voiture expérimentale.

Cette fois-ci, l'expérience va être on ne peut plus concrète, comme nous l'explique Steve Waslander, professeur au département de génie mécanique et mécatronique de l'université ontarienne. «Jusqu'alors, on a toujours fait des tests sur la piste d'essais de l'Université de Waterloo. Nous ne sommes pas encore allés sur des routes publiques. [...] Pour la première année, on circulera sur des routes résidentielles dans un premier temps puis sur des autoroutes et en environnement urbain», dit celui qui est aussi directeur du Laboratoire sur les véhicules autonomes de Waterloo.

L'Ontario a autorisé la libre circulation de ces véhicules sur n'importe quelle route. Sans restriction majeure si ce n'est la présence en tout temps d'une personne dans le siège du conducteur. 

«La personne doit être capable de reprendre le contrôle de la voiture si nécessaire», précise le professeur Waslander. La voiture, une Lincoln MKZ, a été transformée. «On peut conduire la voiture à partir d'un ordinateur ou d'une manette.»

Waslander et ses collègues chercheurs vont travailler pendant 10 ans sur leur voiture autonome. «Ce que nous faisons en termes de recherche concerne deux domaines principaux pour lesquels on pense qu'il y a des manques: la capacité des systèmes autonomes à naviguer sous toutes les conditions météorologiques, notamment les conditions routières canadiennes typiques, et l'assurance que c'est sécuritaire. Fondamentalement, on va essayer de prouver que ces véhicules sont aussi fiables que les conducteurs humains, qu'on peut leur faire confiance, qu'ils peuvent être conduits de manière complètement autonome sous une supervision humaine.»

Les essais des différentes équipes de recherche ne sont aucunement destinés à élaborer une législation permettant la circulation des véhicules autonomes.



Pleine autonomie dans 20 ans

Sur une échelle conventionnelle de 1 à 5 en matière d'autonomie, définie dans l'industrie automobile, le niveau 2 correspond à une voiture capable de gérer les marches avant et arrière et les changements de voie dans un cas d'utilisation préalablement défini et sous contrôle permanent du conducteur. C'est ce que l'on pourrait voir sur les routes, de manière sporadique, d'ici cinq ans.

«Nous, nous sommes actuellement au niveau 2, on sera au niveau 4 lorsque nous serons sur des routes publiques, précise justement Steve Waslander dont le travail de son équipe est financé par des fonds publics. On pousse pour travailler en niveau 4 d'autonomie. Le but est de conduire tout le temps sans intervention humaine. Nous avons conçu très rapidement un système au complet pour ça. Nous travaillons sur de vraies voitures depuis juin seulement.»

Le niveau 4 correspond également à une voiture capable de gérer les marches avant et arrière et les changements de voie dans un cas d'utilisation préalablement défini mais dans toutes les situations possibles. Le conducteur n'est pas nécessairement requis dans ce cas-ci.

Contrairement aux apparences, on est très loin du niveau 5 où la voiture est 100 % autonome dans n'importe quelles circonstances dans le temps et dans l'espace et où le conducteur n'est aucunement requis.

«Je pense qu'on en est encore loin, malheureusement. Pour que cela soit complètement autonome, cela va prendre un autre 20 ans au moins. Le principal problème est l'assurance que ce soit sécuritaire. Au rythme actuel, à ce niveau-là, ce ne sera pas avant 20 ans, semble-t-il. Même si des systèmes comme l'Autopilot de Tesla vont être de plus en plus offerts», conclut Steve Waslander.

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Photo fournie par l’Université de Waterloo

Un conducteur devra toujours être présent à bord du véhicule.

Trois équipes de recherche

Ils sont trois à avoir obtenu la permission de conduire des voitures autonomes sur les routes publiques de l'Ontario: l'Université de Waterloo, représentée par son Laboratoire sur les véhicules autonomes et son Centre de recherche automobile; QNX, une filiale de BlackBerry spécialisée dans les systèmes d'exploitation; et Erwin Hymer Group, constructeur européen de véhicules récréatifs qui possède une société à Kitchener. Ce dernier a transformé un fourgon Mercedes Sprinter en véhicule autonome, alors que les deux premiers cités utilisent une Lincoln MKZ modifiée.

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Une université spécialisée

De la robotique au design mécanique en passant par la résistance aux collisions, l'Université de Waterloo possède une grande expertise en matière d'automobile. «Nous avons une longue tradition de recherche dans l'industrie automobile. Nous avons beaucoup de grands chercheurs qui travaillent sur différents aspects. Nous sommes bien positionnés dans l'industrie automobile et nous avons les installations pour faire nos essais: une piste, un dynamomètre, etc. Nous sommes naturellement le lieu où expérimenter et développer la conduite autonome au Canada», explique Steve Waslander, directeur du Laboratoire sur les véhicules autonomes. Cette université n'est pas la seule du genre au pays, Windsor et Western Ontario travaillent également sur la conduite autonome.

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Chef de file

Que l'Ontario se pose en chef de file de la recherche sur la voiture autonome au Canada n'a rien de surprenant. Il est le siège de l'industrie automobile canadienne avec sur son territoire les usines de production des constructeurs Ford, Chrysler, GM, Honda et Toyota. «Nous travaillons à la pleine autonomie des véhicules. Je pense que chacun peut constater que ce sera la réalité un jour. En plus d'essayer de permettre l'arrivée de cette technologie, la responsabilité première du Ministère est aussi la sécurité routière», a résumé le ministre ontarien des Transports, Steven Del Duca.