Dans la dernière année, les constructeurs automobiles ont multiplié les essais de voitures autonomes, qui peuvent suivre le trafic sans l'intervention d'un conducteur. Plusieurs ont promis des régulateurs de vitesse qui peuvent également maintenir la voiture dans sa voie, ce qui élimine la nécessité de manier le volant. Cadillac vise 2016, Nissan 2020. BMW, Mercedes et Lexus sont aussi de la partie.

«Quand on pense aux voitures autonomes, on a souvent des voitures sans pilote en tête», explique Steffen Linkenbach, responsable du volet nord-américain du programme de voitures autonomes de Continental, en entrevue téléphonique. «Mais en fait, la première étape sera limitée: la voiture restera dans la même voie à moins d'une intervention humaine, et il faudra que le conducteur soit toujours prêt à reprendre le volant et à manier les freins en cas d'urgence. On devrait y arriver pour 2016. D'ici 2020, on devrait arriver à un système qui permettra au conducteur de poser ses mains sur ses genoux, tout en restant attentif à la route. Il est vraiment impossible de prédire quand il sera possible pour le conducteur de dormir ou de travailler à l'ordinateur.»

Le problème, c'est le niveau de redondance - c'est-à-dire le nombre de filets de sécurité. «On a déjà plusieurs manières d'actionner les freins en cas d'urgence, dit M. Linkenbach. Mais avec le volant, on n'en a qu'une seule. Si le système lâche, il faut que l'humain puisse prendre le relais au pied levé.»

Pourquoi Continental, fabricant de pneus, s'intéresse-t-il à la question? «Beaucoup de capteurs sont liés aux pneus, alors il est tout naturel de nous en occuper», dit M. Linkenbach. Les voitures autonomes de Continental, testées au Nevada, ont accumulé plus de 25 000 km.

De nombreux intrus

Il faut dire que les intrus abondent dans le domaine. Google, par exemple, fait des tests routiers depuis 2010. De la même manière, les sociétés qui font des systèmes audio, comme Pioneer, veulent envahir le secteur de l'instrumentation, notamment avec des pare-brise "à réalité augmentée».

Au départ, les voitures autonomes seront surtout utiles dans les bouchons et les voies réservées, selon Richard Wallace, directeur du Centre de recherche automobile au Michigan. «Ce sera très graduel», dit M. Wallace, qui a publié une étude sur les impacts à long terme des voitures autonomes. «On a maintenant des capteurs capables de sonner l'alarme si on dévie de sa voie ou si une autre voiture le fait. D'ici peu, ils pourront eux-mêmes réagir. Un jour, vous arriverez chez vous après le travail et vous vous rendrez compte que vous n'avez presque pas touché au volant, au frein ou à l'accélérateur. Les premières voies réservées aux voitures autonomes, selon moi, permettront de rouler à 100 km/h avec moins d'un mètre entre chaque voiture.»

Un système installé sur votre voiture?

Sera-t-il possible d'installer ce type de système sur des voitures actuelles non autonomes? «Je ne crois pas, parce que les autorités exigeront une foule de nouveaux équipements de sécurité pour autoriser les premières voitures autonomes, dit M. Wallace. Les propriétaires de voitures existantes n'ont jamais été obligés de modifier leurs voitures quand les technologies de sécurité ont progressé, par exemple les coussins gonflables.»

Éventuellement, par contre, les voitures deviendront de plus en plus comme des taxis. «Je crois que je verrai avant de mourir des voitures qui amènent papa au travail, puis reviennent chercher les enfants pour les amener à l'école, avant d'amener maman à son travail, dit M. Wallace. Au départ, ces voitures complètement autonomes seront limitées aux parcs d'autobus et de camions de livraison.»

Une question demeure: quelle place prendront les communications intervéhicules (V2V)? Il s'agit de réseaux similaires au WiFi, qui connecteront les véhicules directement entre eux et avec des bornes routières, plutôt qu'en utilisant les ondes cellulaires ou satellitaires. «On va améliorer les régulateurs de vitesse adaptatifs et lancer des avertissements pour les nids-de-poule et les plaques de glace à venir», explique Imran Hayee, un ingénieur de l'Université du Minnesota qui a mené plusieurs tests de V2V, notamment pour annoncer les travaux routiers sur les autoroutes. «On peut même penser à une modification automatique du système d'antipatinage si la voiture qui nous précède signale une plaque de glace ou de l'aquaplanage.»

D'abord des bornes

«Au départ, selon M. Hayee, on va installer des bornes aux abords des chantiers routiers, pour avertir des bouchons et proposer des itinéraires de rechange. Puis dans les grandes villes et aux abords de celles-ci. Éventuellement, quand la plupart des voitures seront équipées de V2V, les seuls endroits où un automobiliste ne sera pas connecté seront en rase campagne.»

Les autorités sont sur le qui-vive. Selon M. Hayee, elles pourraient imposer dès cette année aux constructeurs d'équiper leurs voitures d'antennes capables de s'adapter au V2V. Mais au printemps, les voitures autonomes ont connu la rançon de leur succès: le gouvernement américain a recommandé aux États qui ne l'avaient pas encore fait d'interdire l'utilisation de voitures autonomes sur leur territoire, sauf pour des tests, d'ici à ce que la technologie soit au point.