Par définition, le sport automobile exige une performance du pilote et de la machine. Pendant des décennies, il a fait progresser l'industrie de la voiture ordinaire. Petit rappel historique.

À la fin du XIXe siècle, les compétitions automobiles ressemblent plus à un concours qu'à une véritable course. Les premiers constructeurs - que l'on pourrait considérer comme des artisans à l'époque - ont besoin de valider leurs découvertes et leurs innovations. On met donc rapidement à l'épreuve ses travaux dans des concours organisés par les premiers clubs automobiles de l'histoire.

Mais dès les premiers tours de roues des premiers véhicules motorisés, la compétition devient le moteur du progrès. Le jeu dépasse rapidement l'enjeu technologique. Parce qu'un compétiteur a atteint les 100 km/h, on cherche à le... dépasser. Et on innove.

La vitesse, l'aérodynamisme, le freinage ou encore l'accélération sont améliorés dans un contexte où la production de masse et ses contraintes sont inexistantes. Les changements sont donc d'autant plus rapides.

Les 20 premières années du XXe siècle apportent énormément d'innovations à la voiture que l'on connaît aujourd'hui. Et elles sont toutes issues de la compétition. La liste est très longue, du châssis au moteur en passant par les suspensions.

Mais le transfert de ces progrès à la voiture de monsieur et madame Tout-le-Monde est particulièrement lent. Il faudra par exemple attendre 50 ans avant de voir la dimension aérodynamique prise en compte dès la conception d'un véhicule. Jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, le processus de démocratisation et d'industrialisation de la voiture n'est pas totalement enclenché.

À partir des années 70, l'industrie automobile connaît une seconde grande vague d'innovations. L'informatique et les matériaux de synthèse font leur apparition. Des progrès sont effectués surtout en matière de motorisation et d'électronique. Le tout sous l'impulsion du sport motorisé. Encore une fois.

Essoufflement

La course est réellement un banc d'essai jusqu'au début des années 90. Une décennie à partir de laquelle l'innovation technologique dans le sport n'est presque plus au service de la voiture de production. Ou du moins pas de manière aussi perceptible qu'auparavant.

Résultat, la voiture de série a aujourd'hui moins besoin de la voiture de course.

Instructeur technique en chef chez Honda, Yves Noël a suivi de près l'investissement du constructeur japonais dans le milieu de la Formule 1. «Jusqu'au début des années 90, le sport automobile, et la F1 surtout, était un banc d'étude pour tous les ingénieurs chez Honda, témoigne-t-il. Cela a permis de faire du développement sur les composants mécaniques. Sur l'Acura TL par exemple, la forme des soupapes a été développée en F1.»

Ces temps semblent révolus. Le bolide de course et la voiture ordinaire ont pris des chemins différents. Leurs contraintes et leurs besoins sont devenus très différents.

«En Formule 1, le moteur tourne à environ 17 000 tours par minute. On n'a pas d'intérêt à avoir une voiture de série à ce régime», illustre Patrice Seers, professeur spécialisé en motorisation et combustion interne au département de génie mécanique de l'École de technologie supérieure.

Dans le domaine de l'aérodynamisme, la Formule 1 innove dans le souci d'aller plus vite, l'industrie automobile le fait dans le souci d'économiser du carburant.

Si la contribution du sport est moindre, c'est parce que ses règlements et le manque d'argent sont venus mettre des bâtons dans les roues. «Il y a très peu de places au développement dans le sport automobile en général, car la règlementation est très sévère, dit M. Noël. Tout le monde utilise les mêmes composants. Donc, on ne fait plus de développement technologique dans le sport automobile. La série Le Mans reste peut-être la seule où on peut en faire. Le sport automobile a voulu réduire les coûts, donc les budgets de recherche.»

Christian Tortora et Patrice Seers ne sont pas tout à fait de cet avis.

Pour le journaliste de Formule 1, «il y a beaucoup de transferts de technologies de la F1 aux véhicules de série que l'on ne voit pas aujourd'hui». S'il reconnaît que l'innovation a un coût exorbitant, il estime que «dans le milieu de la F1, ce sont tous des chercheurs qui travaillent continuellement».

«On va souvent voir les transferts de technologies 10 ans plus tard. Il y a un aspect secret», rappelle le professeur de l'ETS.

Certains estiment que la compétition automobile n'a plus beaucoup d'intérêt pour les voitures de série. Mais quand on sait qu'une roue de F1 ne comporte qu'un seul écrou de 50 grammes en magnésium, d'autres anticipent une nouvelle preuve de l'apport futur du sport automobile.

Photo AFP

La série Le Mans est peut-être la seule forme de course automobile à toujours faire du développement technologique, selon Yves Noël, instructeur technique en chef chez Honda.