Des ingénieurs italiens viennent d'entamer une odyssée expérimentale de trois mois présentée comme le plus long voyage jamais accompli par des véhicules sans conducteur: 13 000 kilomètres entre l'Italie et la Chine, visant à tester les limites d'une technologie automobile futuriste.

Parties mardi de Parme, deux camionnettes électriques orange, munies de scanners laser et de caméras opérant de concert pour éviter les obstacles, devront notamment braver la circulation de Moscou, la chaleur estivale de la Sibérie et le froid vif du désert de Gobi avant l'arrivée finale prévue à Shanghaï fin octobre. Les véhicules rouleront sans chauffeur, mais un technicien à l'intérieur se tiendra prêt à en prendre le contrôle pour parer à toute urgence.

L'objectif est de «mettre à l'épreuve nos systèmes pour voir s'ils peuvent fonctionner dans un environnement réel, avec (...) des inconscients qui traversent la route devant vous ou un véhicule qui vous fait une queue de poisson», explique le chef du projet Alberto Broggi. Il s'agit également de déterminer précisément les situations dans lesquelles la technologie est inopérante et de la peaufiner en utilisant les données qui seront collectées durant le voyage.

Chaque véhicule sans conducteur sera occupé par deux techniciens, chargés de réparer d'éventuels problèmes techniques. Un des deux occupera la place du conducteur, se tenant prêt à en prendre le contrôle en cas d'urgence. Le trajet a été organisé en tandems: chaque véhicule suivra une camionnette conduite de manière «normale», qui lui fournira des indications et lui servira de guide.

«Nous aurons sans aucun doute besoin de l'aide d'humains. Il n'est pas possible d'avoir une conduite 100% sans conducteur», avoue M. Broggi. L'équipe a en tout cas obtenu l'autorisation préalable de tous les pays traversés pour mener l'expérience.

La technologie utilisée a été mise au point par VisLab, un laboratoire spécialisé dans la vision artificielle et les systèmes intelligents à l'université de Parme. Elle pourrait un jour être mise en oeuvre pour transporter des marchandises en Europe, ou pour des convois militaires se déplaçant dans des environnements hostiles.

Les experts jugent ce type de technologie envisageable à l'avenir, mais certains s'interrogent sur son utilité. «En Australie, il y a de gros camions qui tirent trois ou quatre remorques dans le désert. Pourquoi avoir un véhicule autonome si vous pouvez les relier entre eux par un bout de métal?», se demande Andrew Close, un analyste du cabinet IHS Automotive. Pour lui, il faudra au moins une décennie avant qu'un convoi de véhicules sans conducteur suivant un véhicule roulant en tête soit prêt à prendre la route pour transporter des marchandises. Selon M. Broggi, cela n'arrivera probablement pas avant vingt ans.

Mais certains aspects de la technologie pourraient trouver des applications plus rapidement. Par exemple, programmer des tracteurs pour labourer et ensemencer des champs la nuit, souligne M. Broggi. VisLab travaille également avec Caterpillar pour développer une technologie de véhicule sans conducteur pour des environnements extrêmes, comme des mines.

Par ailleurs, la technologie sera peut-être un jour utilisée dans des voitures ordinaires pour permettre aux conducteurs coincés dans les embouteillages de se détendre et de lire le journal, avance M. Broggi.

Les véhicules de l'expédition roulent à une vitesse maximale de 50 à 60km/h et doivent être rechargés en électricité pendant huit heures après deux à trois heures de route. Ils devraient rouler quotidiennement pendant quatre heures.

Les deux tandems se relaieront alternativement sur le parcours: chaque jour, un seul des deux duos roulera, l'autre faisant le même trajet, mais sur un camion. Le voyage sera filmé et diffusé sur le site web de VisLab. Le projet a bénéficié d'une subvention de 1,8 million d'euros du Conseil européen de la recherche et Vislab a aussi reçu le soutien de parrains, parmi lesquels Piaggio. AP

Sur internet:

www.IntercontinentalChallenge.eu

www.overland.org

https://vislab.it