Le retour du péage a fait couler beaucoup d'encre dans les dernières années au Québec. Ses défenseurs soulignent à tout coup que la technologie a bien évolué et qu'il ne faudra plus s'arrêter complètement pour jeter des pièces de monnaie dans un sac percepteur. Le péage électronique peut même, en théorie, faire la perception à vitesse de croisière.

Ce côté pratique cache un inconvénient majeur: comme les désagréments sont limités, les tarifs sont généralement plus élevés. C'est du moins la conclusion d'une économiste du prestigieux Massachusetts Institute of Technology, dans un article publié l'an dernier par le Quarterly Journal of Economics. Selon ses calculs, basés sur 50 ans de données sur 123 routes à péage, les postes de péage électronique ont généralement des tarifs de 20% à 40% plus élevés que les postes percevant de l'argent comptant.

«Quand une taxe est cachée, il est plus facile de l'augmenter, explique Amy Finkelstein du MIT. C'est le principe de la taxe incluse dans les prix: elle cause moins de désagrément, donc on se rend moins compte de sa présence. En théorie, un contribuable devrait être capable de tenir compte de toutes les taxes qu'il paie, qu'elles soient évidentes ou non. Mais en réalité, ce n'est pas le cas.»

L'une des principales conséquences du péage électronique, du point de vue de la gestion de la circulation, est de réduire «l'élasticité de la demande», selon l'économiste bostonnaise. En temps normal, quand on augmente un péage, on incite les automobilistes à trouver un itinéraire alternatif. C'est le principe des péages à l'entrée des centres-villes et des péages différenciés en fonction de l'heure de la journée. Mais comme un péage électronique est moins apparent, il modifie moins les habitudes des automobilistes. Pour avoir la même diminution du trafic, il faut donc que les tarifs du péage soient plus élevés qu'avec un péage à argent comptant.

Se pourrait-il que les automobilistes soient prêts à payer davantage pour un péage électronique parce qu'il leur cause moins d'inconvénients?

«Oui, mais pas autant que les augmentations que nous avons vues, dit Mme Finkelstein. On calcule en moyenne que le temps perdu dans les files de postes de péage à argent comptant représente 15% des tarifs. Pour certains automobilistes plus fortunés ou plus pressés, c'est peut-être 40%, mais pour beaucoup, le coût est près de zéro. Quand on demande aux automobilistes s'ils seraient prêts à payer plus cher pour éviter ces files, beaucoup d'entre eux disent non. Donc ça n'explique pas toute la variation de 20% à 40% que nous avons calculée. Il s'agit bel et bien d'une taxe peu apparente (NDLR: non salient en anglais).»