Drame à Trollhätten. Le 7 janvier dernier, le constructeur automobile suédois Saab était placé sur le respirateur artificiel en attendant que l'on trouve un remède qui lui permettrait de retrouver sa santé financière.

General Motors était montré du doigt comme le principal responsable de cette descente aux enfers pour les milliers d'employés d'une compagnie qui avait bâti sa réputation sur l'unicité de ses voitures. Au lieu de miser sur un tel atout, GM a fait de Saab une marque comme une autre, sans image distincte. On avait beau rappeler les activités aéronautiques du groupe Saab Scania, ce ne fut pas suffisant pour contrer le rôle de figurant que le géant américain infligea à la marque suédoise. Sa mise en liquidation par son tuteur américain équivalait presque à une condamnation à mort.

Quel triste spectacle de voir ses usines vides et fermées pendant que l'on s'apprêtait à inscrire le nom de Saab à la liste des firmes tombées au combat durant la crise économique de 2008-09.

Il aura fallu 130 longues journées d'efforts et de tergiversations pour que le gouvernement suédois accepte d'injecter 550 millions de dollars pour relancer la compagnie. Mais contrairement à ce qui s'était passé aux États-Unis, le gouvernement ne voulait pas se retrouver propriétaire d'un constructeur automobile et l'on devait trouver un autre investisseur pour remettre l'entreprise dans le droit chemin. Ce rôle fut assumé par nul autre que Victor Muller, président et directeur de la petite firme néerlandaise Spyker, qui fit un bref séjour en Formule 1 et dont les voitures sport participent chaque année aux 24 Heures du Mans. «C'est là la seule façon d'améliorer nos produits», a affirmé M. Muller, un homme d'affaires dans la quarantaine aux allures de playboy. D'un enthousiasme débordant quant à l'avenir de Saab, il nous a raconté comment le sauvetage de la compagnie s'est effectué. «Saab comme tel n'existait plus. Pas d'inventaire, pas de fournisseurs, pas de pièces pour relancer la production, pas de concessionnaires, pas de services financiers et le reste et le reste, a énuméré Victor Muller. Le geste de General Motors avait littéralement tué l'entreprise. En quatre mois seulement, avec l'aide des employés et de tous ceux qui ont soutenu la marque tout au long de ses 62 années d'existence, nous avons tout remis sur pied.»

En quête d'individualité

Saab a même embauché un ancien designer de chez Ferrari à qui l'on doit notamment la dernière 599 GTB Fiorano. L'un des objectifs de la nouvelle direction est de faire renaître l'esprit de la marque par des touches uniques qui lui permettaient de se démarquer des autres, comme ces boutons rotatifs servant à l'orientation des aérateurs. On tient à ce que les origines scandinaves de Saab soient mieux exploitées. Pour respecter cette consigne, toutes les activités de la compagnie seront concentrées à son siège social de Trollhätten, en Suède.

La nouvelle 9-5, qui remplace un modèle vieux d'une douzaine d'années, sera épaulée par la 9-3, inchangée pour 2011 mais qui subira une transformation complète en vue de 2012. On mise aussi sur un nouveau VUS qui sera partiellement construit par General Motors et, bien entendu, de véhicules hybrides et électriques dans le cadre d'une entente avec Beijing Automotive.

Malgré tout, et comme l'argent ne coule pas à flot, on est en mode «économie» chez Saab: pas de stylo ou carnets de notes aux couleurs de la compagnie, pas de pochette de presse ou clé USB pour les journalistes présents pour le lancement de la 9-5 dans des installations d'une grande sobriété.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

La nouvelle Saab 9,5 constituera le cheval de bataille de la marque en 2011.

Des concessionnaires Spyker-Saab

Incidemment, la 9-5 est à ajouter à votre liste d'emplettes si vous recherchez une berline de luxe dans le style de l'Audi A6 ou de la BMW série 5. Pionnier de la turbocompression en 1977, Saab l'a doté de deux moteurs suralimentés, un quatre-cylindre 2 litres de 220 chevaux et un V6 de 2,8 litres développant 300 chevaux.

Le nouveau réseau de concessionnaires Saab au Canada comprendra une vingtaine d'adhérents alors que les États Unis en accueilleront environ 200. Dans certaines grandes villes, des concessionnaires triés sur le volet pourront aussi être autorisés à vendre les fameuses Spyker, des voitures exotiques très particulières utilisant une mécanique Audi enveloppée dans des carrosseries dessinées par Victor Muller et qui ne ressemblent à rien d'autre.

Cela fait beaucoup de pain sur la planche pour une compagnie qui était à l'article de la mort il y a 5 mois à peine. L'équipe en place manifeste toutefois une ardeur débordante et une énorme passion devant la tâche à accomplir. Il ne reste plus qu'à transmettre cet enthousiasme à une clientèle qui ne souhaite pas se retrouver avec une orpheline comme cela est venu bien près de se produire en début d'année à la suite du coup de matraque de General Motors...

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Quelques concessionnaires Saab en Amérique seront accrédités pour vendre la Spyker Spyder C8, la voiture exotique néerlandaise conçue par le nouveau propriétaire du constructeur suédois, Victor Muller.