Comme la plupart des collectionneurs de voitures anciennes, j'ai commencé par m'intéresser aux modèles qui m'avaient fait rêver alors que j'étais petit. Ou simplement trop jeune pour les acquérir.

Cela explique pourquoi j'ai craqué pour une Ur-Quattro de 1985, achetée à l'état d'épave, puis minutieusement restaurée depuis sept ans. À titre indicatif, l'opération complète représente un budget de l'ordre de 60 000$ tout compris. Retenez bien ce montant.

Depuis qu'elle vit chez moi, cette «chère» compagne mécanique n'a roulé que 3357 kilomètres. Elle ne connaît ni la pluie ni la neige. Que le soleil ou les tubes néon des garages... Ses sorties sont rares, mais remarquées. Surtout à la station-service du coin qui, à chacune de mes visites, encaisse autour de 150$ pour la ravitailler en essence super. Elle consomme beaucoup et pollue tout autant. Je le sais, mon pompiste le sait, mais l'ennui est que le ministre québécois du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, le sait aussi.

Voilà ce qui nous amène au vif du sujet: le projet de loi 148.

Celui-ci vise l'inspection obligatoire des véhicules. Quand le gouvernement s'en mêle, le pire est toujours à craindre. Ça énerve pas mal de monde, moi le premier. Des autos comme la mienne seront toutes recalées et jamais elles ne pourront satisfaire aux objectifs visés par ce projet de loi. Ce n'est pas une question d'argent, mais de technologie. Au moment de sa commercialisation, mon auto respectait - et rencontre toujours - les normes de l'époque. Les règles ont changé. Pas mon auto. Est-ce à dire qu'elle est condamnée à finir ses jours en silence dans un musée ou à s'expatrier dans de lointaines contrées?

Publiquement, le ministre Arcand se veut rassurant. Les voitures anciennes (1) seront exemptes de toutes inspections.

La Fédération québécoise des voitures anciennes (FQVA), organisme à but non lucratif qui chapeaute 10 clubs d'automobiles anciennes du Québec, est tout de même inquiète. La FQVA presse le ministre de joindre la parole aux actes et d'enchâsser cette promesse à l'intérieur du projet de loi. Le FQVA s'inquiète de l'approche du ministre «qui consiste à proposer à l'Assemblée nationale l'adoption d'une loi-cadre qui ne contient pour ainsi dire aucun paramètre permettant d'encadrer la discrétion du gouvernement ou du ministre», écrit son président, Pierre-André Ouimet, dans une lettre adressée à Pierre Arcand, le mois dernier.

Si un jour on en venait à exiger que TOUS les véhicules immatriculés au Québec respectent les normes environnementales, sans égard à leur date de construction, l'inestimable patrimoine automobile du Québec serait dilapidé. Fini les belles expositions, les beaux défilés où il est possible de voir l'élégance d'une Jaguar XKE, la taille des pneus (10 pouces) d'une Mini d'origine ou d'entendre la voix éraillée d'une Ferrari Dino. Surtout, cela serait la fin d'un rêve pour des milliers d'automobilistes qui savent plus que quiconque que les anciennes redonnent du piquant à une conduite devenue insipide avec les modernes.

Si le ministre veut bien s'asseoir pour discuter, je m'engage à lui en faire la démonstration. Dans ma voiture?

1: Véhicules de 25 ans ou plus.