La fébrilité autour du véhicule tout électrique me fait sourire. Pas vous? Il est vrai que la technologie progresse. Vrai que les constructeurs présenteront d'ici 2015 une multitude de nouveaux modèles qui font «bizbiz». Vrai que les gouvernements travaillent en sourdine à la préparation de mesures fiscales pour faciliter sa diffusion. Vrai aussi que plusieurs villes, États et provinces se préparent à l'accueillir et s'apprêtent à dérouler un tapis de bornes de recharge.

Tout cela est vrai. Mais est-ce véritablement la direction à suivre?

 

Sur le plan environnemental, le véhicule électrique tire une remorque de contre-vérités. La première étant qu'avec le tout-électrique, la question de la pollution liée aux transports sera résolue. D'accord, le véhicule en lui-même est vertueux, mais il faut produire l'électricité pour l'alimenter. Au Québec, aucun problème, même si à ce stade-ci on ne sait toujours pas si Hydro-Québec sera aussi insensible que les pétrolières. Mais ailleurs?

 

Pas propre partout

 

L'électricité n'est pas toujours très propre selon les sources énergétiques utilisées pour la produire. Ainsi, la Chine, qui cherche à s'affranchir de sa dépendance au pétrole et tente de convertir 20% de son parc automobile à l'électrique d'ici 10 ans, produit son électricité à partir de charbon... Autre problème posé par l'arrivée de véhicules électriques, les batteries. Quel sort (ou lieu d'enfouissement) leur réserve-t-on au terme de leur vie utile?

 

Un autre problème - celui-là me fait réellement sourire - est celui lié à la congestion. Le véhicule électrique occupera-t-il moins d'espace sur la chaussée qu'un modèle conventionnel? Sera-t-il plus facile à garer? À une époque où des élus (y compris à Montréal) cherchent à repousser les véhicules en dehors des centres-villes, pourquoi accueillerait-on le véhicule électrique à bras ouverts? Parce qu'il ne pollue pas? Oui! Parce qu'il n'émet aucun son? Cela serait bien aussi pour la pollution sonore (imaginez l'autoroute métropolitaine plus silencieuse encore qu'à l'aube un dimanche matin), mais dangereux pour les autres usagers de la route et les piétons.

 

Il faudra peut-être alors inviter les propriétaires de véhicules électriques à épingler de vieilles cartes de hockey sur les rayons des roues, comme nous le faisions autrefois sur nos vélos, pour signaler leur présence.

 

Par ailleurs, l'engouement des villes à l'égard du tout-électrique ne masque-t-il pas le souhait d'empocher encore et toujours les revenus des péages qu'elles s'apprêtent à nous imposer?

 

Seule certitude, une seule, le problème de la congestion routière, lui, demeurera entier et les belles promesses d'un réseau de transports en commun fiable, efficace, sécuritaire et flexible seront - encore - sans lendemain. Il faudra se faire une idée. On vide ou pas le centre-ville de ces voitures?

 





Et nous, les consommateurs?

 

Enfin, il y a le consommateur. Comment le convaincre de relever (et d'assumer aussi) le pari du tout-électrique? En le contraignant? C'est du moins l'hypothèse soulevée par certains dirigeants de l'industrie automobile qui craignent de devoir produire à perte des véhicules tout électriques pour être en mesure de vendre encore des véhicules à essence (ou au gazole). Bientôt, a dit l'un d'eux, le consommateur sera rationné pour permettre aux constructeurs de se conformer aux normes de plus en plus sévères touchant la cote de consommation globale. En d'autres mots, vous vouliez cet utilitaire mû par un moteur thermique? Désolé, le quota de fabrication de ce modèle a déjà été atteint pour cette année. Que diriez-vous d'une voiture électrique à la place?

 

Et il y a le climat. Le nôtre! D'ailleurs, pourquoi les essais menés par l'industrie se déroulent-ils généralement sur des terrains favorables, loin des vallons et du froid? Pourquoi GM, par exemple, refuse-t-il encore de s'engager sur une date de commercialisation pour la Volt au Québec et non en Colombie-Britannique?

 

Dans cette industrie où tout est à revoir, l'heure est à la concertation et non à la confrontation. Victimes de leur entêtement, et aussi parce qu'ils ont des «usines à faire fonctionner», les constructeurs ne mesurent toujours pas l'ampleur du travail à faire, à savoir recréer un modèle de toutes pièces. Mais encore faut-il que les politiciens définissent la place qu'ils entendent donner à l'automobile.

 

Photo Better Place

L'électricité nécessaire au rechargement des voitures électriques n'est pas toujours très propre selon les sources énergétiques utilisées pour la produire.