Duel sur trois roues: le BRP Spyder vu par nos experts

Qui sera le plus séduit par l'insolite création de Bombardier? Nos experts des deux et quatre roues se livrent un duel sur trois roues.

La gamme Spyder

La gamme de Spyder offerte par BRP Can-Am ne compte que trois modèles: le RS sportif, le ST de sport-tourisme et le RT de tourisme de luxe. Dans tous les cas, une boîte de vitesses semi-automatique est offerte moyennant un supplément de 1600$, tandis que chaque modèle est aussi proposé en version S - mieux équipée et avec une finition supérieure.

Les variantes ST et RT sont également proposées en version Limited - encore mieux équipée et plus chère. Les prix de base, incluant les frais de transport et de préparation, sont respectivement de 17 874$, 22 074$ et 26 474$ pour le RS, le ST et le RT. Ils peuvent néanmoins grimper rapidement lorsque les options sont ajoutées: notre RT Limited d'essai se détaille à peine sous les 35 000$. Chacune des versions propose une expérience de pilotage différente et comble un besoin particulier. Le RS est le modèle le plus sportif.

Son style n'est pas alourdi par des valises ou un pare-brise élevé, tandis que ses suspensions plus fermes lui permettent de moins «rouler» en virage. Le ST est, d'une certaine façon, un RS modifié afin d'offrir un confort et un côté pratique supérieurs.

Ses selles sont plus généreuses, sa protection au vent est plus élevée, sa position est plus détendue et ses suspensions sont plus souples. Tant le RS que le ST sont animés par un V-Twin de 1 litre Rotax marié à une boîte à 5 rapports. Quant au RT, il s'agit du Spyder le plus confortable et le mieux équipé. Destiné au tourisme, il se distingue des deux autres par sa mécanique complètement différente, un tricylindre en ligne Rotax de 1,3 litre jumelé à une boîte à 6 rapports.

- Bertrand Gahel

L'avis du «gars de char»: une motoneige, mais sans les skis

D'abord, on ressent comme une appréhension. Il faut dire que la vue d'un BRP Spyder laisse profondément perplexe.

Ni auto ni moto, l'engin vise-t-il les motocyclistes repentis ou bien les automobilistes claustrophobes? La question se pose. Je laisserai à mon collègue Bertrand Gahel, le soin de répondre au premier volet de mon interrogation et m'efforcerai de disserter sur le deuxième.

Bien calé sur la selle - qui tient plutôt du fauteuil sur la version Touring - le BRP Spyder installe ses occupants en tandem, comme sur une moto. Au-dessus du guidon trône un bloc d'instrumentation complet et un pratique GPS amovible, une option. On range ses affaires dans l'un des quatre réceptacles dont le volume n'a, finalement, rien à envier à celui d'une Infiniti Q60 cabriolet.

À l'exception de l'accélérateur, tout le reste ressemble beaucoup à une auto. On retrouve les commandes des clignotants et de phares qui s'actionnent au volant - pardon, au guidon - comme sur une Lamborghini; des palettes pour escalader ou dévaler les rapports de la boîte de vitesse; et un pare-brise dépourvu d'essuie-glace sans doute, mais rétractable pour augmenter ou diminuer la poussée du vent ou repousser la pluie. On retrouve même une pédale de frein sous le pied droit... Ce descriptif fait oublier l'essentiel: l'automobiliste s'étonne de la position de conduite inhabituelle - relaxante tout de même - qui lui donne l'impression de conduire les coudes sur les genoux.

La mise en marche de l'engin pose problème. Il y a bien sûr une clé, mais la procédure de départ est inutilement compliquée et incite à consulter de toute urgence le feuillet de rappel collé dans le tableau de bord. Ça y est, ça fonctionne. On enclenche le premier rapport avec le pouce et d'un bref mouvement du poignet, c'est parti. Au guidon, il faut faire abstraction de ses réflexes d'automobiliste. Il n'y a ni ceinture de sécurité ni coussins gonflables. Les zones de déformation en cas d'impact sont plutôt minces.

Sur la route, la puissance est adéquate, le passage de vitesses un peu sec. Tant qu'il s'inscrit en ligne droite, on maîtrise sans problème cette étrange création québécoise. Mais vient inévitablement une courbe et l'expérience devient alors un peu plus stressante. Surtout si on l'aborde trop vite. Le Spyder ne s'incline pas comme une moto ni ne vire comme une auto. Le train avant, très réactif, répercute la difficulté de la tâche jusque dans la direction alors que la grosse roue arrière reste parfaitement inflexible. Pour surmonter ce handicap, la solution - du moins celle que j'ai trouvée -: balancer mon poids dans le sens du virage comme sur une motoneige... Et ça marche plutôt bien. La confiance revient.

En ville, le Spyder affronte avec aise les bouchons et les interminables feux de circulation, et ce, sans jamais forcer son pilote à mettre le pied à terre. En revanche, ses dimensions sommes toutes imposantes - par rapport à une moto, s'entend - imposent de faire comme si l'on conduisait une voiture. Pas très maniable, le Spyder bénéficie d'une indispensable marche arrière.

Finalement pas très amusant à piloter, le BRP Spyder. Peut-être l'aurait-il été davantage avec des skis...

- Éric LeFrançois

L'avis du gars de «bicycle»: le Spyder et le motard

Le Spyder et ses trois roues, c'est la machine que les motards - les «vrais», s'entend - aiment détester. Pour ces derniers, qui roulent sur de «vraies» motos, si on ne penche pas, on n'est pas. Pas question, donc, d'accepter dans leur famille cette machine mutante qui tourne à plat.

En fait, ça tombe bien, puisque les gens de BRP ont imaginé le Spyder en faisant abstraction des motards. C'est pour faciliter au maximum l'accès à quelque chose qui ressemble à une moto qu'ils ont créé le Spyder. Avec cette prémisse en tête, on comprend qu'un motocycliste expérimenté n'éprouve pas de plaisir particulier à piloter le trois-roues de Valcourt. J'ai beau avoir pris l'habitude d'y faire référence en tant que «moto à trois roues», parce que l'environnement ressemble beaucoup à celui d'une moto, le fait demeure que, selon moi, une fois aux commandes et en route, il reste très peu de l'expérience de la moto.

Tout d'abord, on tourne sans contrebraquer, comme avec un VTT ou une motoneige. Ensuite, non seulement on ne penche pas en tournant, mais on se bat avec la force centrifuge tout au long des virages, ce qui oblige à garder un rythme assez modéré en courbe.

Et puis, franchement, il y a tellement peu à faire qu'on se demande si on doit encore parler de pilotage. Puisque le poids de l'engin n'est plus un facteur et qu'il n'est plus nécessaire de poser les pieds au sol lors des arrêts, les manoeuvres lentes ne demandent plus qu'un minimum d'habileté. La crainte de «perdre l'avant» au freinage ou en courbe est éliminée par l'architecture à trois roues. D'ailleurs, freiner n'est plus le résultat de ce fin et délicat engagement simultané du levier du frein avant et de la pédale du frein arrière. Tout ça est remplacé par une bonne grosse pédale au pied, comme dans une voiture. Et lorsqu'on choisit la boîte semi-automatique optionnelle, monter les rapports du pouce, avec un bouton, devient la seule tâche du pilote. Tout le reste se fait automatiquement.

Il existe bien entendu une tout autre façon de voir les choses. Si, pour le «vrai» motard, toute cette simplification devient finalement ennuyeuse, pour les «autres», la perception du pilotage d'un Spyder est très différente. D'abord, il y a ceux - et celles, bien sûr - que la conduite d'une moto attire et terrifie en même temps. Pour ceux-là, le fait, justement, de ne pas avoir grand-chose à faire prend la forme d'une bénédiction. La réalité, pour ces derniers, c'est que le Spyder EST une moto, mais sans toutes les complications inhérentes de la formule traditionnelle à deux roues.

Mais les acheteurs de Spyder peut-être les plus inattendus sont... des motocyclistes! Pas les «vrais», pas ceux qui ne vivent que pour pencher et pour jouer à ce constant jeu d'équilibre, mais plutôt ceux qui ne sont jamais arrivés à appeler ça un jeu. Ceux pour qui éliminer les problèmes de poids, de hauteur de selle, d'inclinaison et d'adhérence en courbe ou au freinage devient ni plus ni moins qu'une délivrance.

Le Spyder n'est pas une moto et il n'est pas conçu pour des pros, mais il ne fait aucun doute qu'il a sa place et qu'il répond à un besoin - n'en déplaise aux «purs».

-Bertrand Gahel

Une moto ou une auto ?

Comme pour une moto 

On enfourche le Spyder, on s'assied dessus, on en prend le guidon et on en change les rapports avec un embrayage à main et un levier de vitesses au pied (avec la boîte manuelle). L'instrumentation est également très similaire à celle d'une moto.

Comme pour une voiture

On freine en appuyant sur une pédale unique sous le pied droit. Il s'agit d'une différence fondamentale avec le freinage d'une moto qui demande d'actionner les freins avant et arrière séparément, ce qui peut s'avérer assez complexe pour les non-initiés.

Comme pour une voiture

Une panoplie de systèmes «anti» empêchent le Spyder de sortir d'une zone d'intensité que le constructeur juge sécuritaire. Ainsi, si l'on s'engage trop rapidement en virage, l'ordinateur coupera instantanément la puissance jusqu'à ce que la vitesse ait diminué suffisamment. Si l'arrière se met à déraper en tournant, l'ordinateur recommencera son manège et coupera la puissance jusqu'à ce que l'adhérence du pneu soit rétablie. Le freinage ABS est installé en équipement de série et fait partie de l'arsenal sécuritaire du Spyder.

Comme pour une moto de tourisme

On peut profiter, sur le RT, de poignées chauffantes (mais étrangement, pas de selles chauffantes), d'une chaîne audio, d'un pare-brise à ajustement électrique et de coffres multiples dont le volume total est impressionnant.

Comme pour une voiture

Le Spyder reste à plat en virage et utilise donc des pneus plats de 15 pouces qui ressemblent à s'y méprendre à ceux d'une compacte.

Comme pour une voiture

On peut attacher une remorque derrière le Spyder. BRP Can-Am offre non seulement tout le système d'attache, mais il vend aussi une remorque spécifiquement conçue pour cette utilisation.

Comme pour une voiture

Un système de navigation peut être fixé au Spyder. En réalité, il s'agit d'un GPS spécifiquement conçu pour les motos.

- Betrand Gahel

Ce qu'il faut savoir sur le BRP Spyder

Le coût de l'immatriculation d'un Spyder

Au Québec, le coût d'immatriculation du Spyder est rigoureusement identique à celui d'une motocyclette «régulière» (dixit la Société de l'assurance automobile du Québec) de 401 cm³ et plus. Son propriétaire devra donc acquitter la somme de 562,68$ pour l'immatriculer.

125 cm³ et moins 246,12$

126 cm³ à 400 cm3  354,53$

401 cm³ et plus (régulière)* 562,68$

401 cm³ et plus (à risque) 1127,08$

*Catégorie du BRP Spyder

Assurances

En raison des nombreux paramètres susceptibles de varier (âge, lieu de résidence, expériences antérieures, protection requise, etc.), il serait hasardeux de donner le coût moyen de l'assurance. Cette précision faite, le Spyder ne coûte ni plus cher ni moins cher qu'une motocyclette standard. De façon générale, les propriétaires et les compagnies d'assurances contactés par La Presse affirment qu'il en coûte généralement 300$ par année pour une couverture complète.

Permis de conduire

Au Québec, la conduite d'un Spyder requiert l'obtention d'une classe 6E. Si vous êtes détenteur d'un permis de conduire de la classe 5 (automobile), vous devez suivre une formation spécifique à la conduite d'un véhicule à trois roues. Celle-ci est offerte par des écoles de conduite de motos. Ce cours dure une journée. Les détenteurs d'un permis de classe 6A (toute motocyclette), B ou C n'ont pas à suivre de cours.

À l'extérieur du Québec

Créée en 2010, la classe 6E ne figure pas sur le permis de conduire du titulaire. Vous recevez plutôt une attestation écrite - que vous prendrez soin de garder avec votre permis de conduire de classe 5. Elle est valide pour la même période que votre permis de conduire de classe 5, même si la perception du droit est prélevée à une date ultérieure. La SAAQ offre, sur demande, une traduction anglaise des informations apparaissant sur l'attestation. Demande-la. Des propriétaires de Spyder disent avoir eu des soucis avec les forces de l'ordre à l'extérieur du Québec. Celles-ci ne reconnaissent pas toujours la validité de cette attestation. Plusieurs propriétaires ont eu à débattre de ce droit en cour.

- Éric LeFrançois

FICHE TECHNIQUE

> Modèle: Spyder RT

• Marque: BRP Can-Am

• Prix: 26 474$ à 34 474$ (transport et préparation inclus)

• Garantie 2 ans/kilométrage illimité

• Moteur tricylindre de 1330 cc refroidi par liquide

• Transmission à 6 rapports, entraînement final par courroie

• Poids 459 kg (à sec)

• Frein avant 2 disques avec étriers à 4 pistons et ABS

• Frein arrière 1 disque avec étrier à 2 pistons et ABS

• Pneus avant 165/55-15

• Pneu arrière 225/50-15

> Modèle Spyder ST

• Marque: BRP Can-Am

• Prix: 22 074$ à 28 424$ (transport et préparation inclus)

• Garantie: 2 ans/kilométrage illimité

• Moteur: V-Twin de 998 cc refroidi par liquide

• Transmission: à 5 rapports, entraînement final par courroie

• Poids: 392 kg (à sec)

• Frein avant: 2 disques avec étriers à 4 pistons et ABS

• Frein arrière: 1 disque avec étrier à 1 piston et ABS

• Pneus avant: 165/55-15

• Pneu arrière: 225/50-15

> Modèle Spyder RS

• Marque: BRP Can-Am

• Prix: 17 874$ à 22 874$ (transport et préparation inclus)

• Garantie: 2 ans/kilométrage illimité

• Moteur: V-Twin de 998 cc refroidi par liquide

• Transmission: à 5 rapports, entraînement final par courroie

• Poids 362 kg (à sec)

• Frein avant: 2 disques avec étriers à 4 pistons et ABS

• Frein arrière 1 disque avec étrier à 1 piston et ABS

• Pneus avant: 165/55-15

• Pneu arrière: 225/50-15

Le concept trois roues à d'autres sauces

> Campagna T-Rex 

Au Québec, un autre véhicule à trois roues est relativement bien connu, le T-Rex de Campagna. Souvent comparé au Can-Am Spyder à cause de son nombre de roues, le T-Rex n'a pourtant strictement rien à voir avec le véhicule construit par BRP. En effet, le T-Rex est essentiellement une voiture à trois roues, tandis que le Spyder est plutôt une moto à trois roues. La création de Campagna est par ailleurs nettement plus chère, avec un prix de détail débutant à 58 000 $.

> Polaris Slingshot 

Le Slingshot est une nouveauté 2015 venant tout juste d'être annoncée par le géant américain des produits récréatifs Polaris. La rumeur courait depuis un moment que ce dernier désirait concurrencer BRP et son Spyder, mais le Slingshot est fondamentalement différent et reprend plutôt la formule du T-Rex. Deux occupants y prennent place côte à côte sur des sièges et le pilotage se fait au moyen d'un volant et de pédales. La mécanique du Slingshot est cependant située à l'avant plutôt qu'à l'arrière et emprunte au monde automobile plutôt qu'à celui de la moto. Il est animé par un quatre-cylindres Ecotec de 2,4 litres produisant 173 chevaux et est offert à partir de 22 000 $.

> Piaggio MP3

Ce qui distingue le Piaggio MP3 de tout autre véhicule à trois roues actuellement sur le marché, c'est qu'il peut être penché. En fait, le MP3 est un scooter relativement commun à l'arrière, mais à l'avant, un ingénieux système de leviers lui permet de s'incliner en virage. Ses roues avant sont donc chaussées de pneus de moto ronds et non de pneus automobiles plats. L'avantage principal du concept est de combiner l'amusement associé à l'inclinaison et l'élimination de chutes dues à une perte d'adhérence de l'avant. Si le MP3 se met à glisser en courbe à cause d'une chaussée mouillée, il ne tombera pas et retrouvera la traction nécessaire pour compléter le virage.

> Morgan 3 Wheeler 

Dans la famille des engins à trois roues, la marque britannique Morgan remporte la palme de l'excentricité avec sa 3 Wheeler. Dessinée comme une voiture de course des années 20, la création peut accueillir un conducteur et un passager côte à côte et se distingue, entre autres, par sa mécanique. Il s'agit d'un gros V-Twin de moto refroidi par air de marque S&S cubant 2 litres positionné longitudinalement tout à l'avant de la voiture.

- Bertrand Gahel