Une certaine ironie plane sur l'avenir de la moto puisqu'il semble que ce complexe véhicule à deux roues se soit tellement spécialisé au fil des ans que les constructeurs se voient aujourd'hui presque forcés de simplifier la formule, ou à tout le moins de la démocratiser afin d'élargir leur clientèle potentielle.

La catégorie sportive représente probablement le meilleur exemple de l'hyperspécialisation de la moto, un phénomène qui se poursuit d'ailleurs en 2010.

 

Dans cette classe, l'une des nouveautés les plus attendues de 2010 est aussi l'une des plus inattendues puisqu'il s'agit de la première sportive pure d'un litre non japonaise de l'histoire moderne du motocyclisme, l'audacieuse S1000RR de BMW. Née de la volonté du manufacturier de Munich de diversifier sa gamme et de continuer de rajeunir son image, la S1000RR représente un défi remarquable pour la marque allemande puisque celle-ci s'attaque à un quatuor de montures japonaises toutes plus sophistiquées les unes que les autres et, surtout, à un créneau où les constructeurs nippons sont essentiellement devenus intouchables, celui des super sportives de 1000 cc. Annoncée à 193 chevaux pour une masse tous pleins faits d'à peine 204 kg, la nouvelle S1000RR sera non seulement le plus puissant modèle de sa catégorie, mais aussi, possiblement, le plus avancé d'un point de vue électronique avec son système de contrôle de traction et son freinage ABS de nouvelle génération.

 

Aussi impressionnante soit-elle, du moins sur papier, la nouvelle S1000RR se veut aussi l'incarnation même de l'hyperspécialisation de la moto et des problèmes que génère cette tendance. Car, on s'en doute, une bête de piste d'un tel calibre n'est certes pas destinée à toutes les mains. Or, lorsqu'on multiplie les modèles semblables, ce que les constructeurs ont fait ces dernières années, on met carrément de côté une nouvelle génération de motocyclistes, une relève dont le sport a pourtant plus que jamais besoin aujourd'hui. On néglige également, en offrant des produits aussi spécialisés, les nombreux motocyclistes vieillissants n'ayant tout simplement plus l'âge de piloter des engins de la sorte.

 

Faire échec à l'hyperspécialisation

 

Cette relève et ces motocyclistes vieillissants formant les groupes que la plupart des grands constructeurs ont aujourd'hui dans leur ligne de mire, croissance oblige, on semble commencer à assister à un genre de phénomène de simplification des modèles contraire à celui de l'hyperspécialisation, phénomène plus évident que jamais en 2010.

L'arrivée sur le marché canadien de la Honda CBF600S en est un bon exemple puisqu'il s'agit d'une monture dont la nature sportive a été adoucie au point d'en faire une moto destinée soit à l'initiation, soit à la progression. Construite autour d'un châssis en aluminium relativement simple et propulsée par une version retravaillée de la mécanique de la CBR600RR annoncée à 77 chevaux, cette petite soeur de l'excellente CBF1000 est la dernière venue d'une série de machines à la fois sportives et abordables qui commencent à former une catégorie dont le motocyclisme a depuis belle lurette besoin.

Tous les nouveaux arrivants au motocyclisme ne sont pas nécessairement des passionnés de motos. En fait, ils sont plutôt, souvent, tout bonnement à la recherche d'un mode de transport simple et économique, bref d'une alternative à l'automobile.

 

 

La très forte progression des ventes de scooters ces dernières années est en partie attribuable à l'intérêt grandissant de ces utilisateurs. Si ces derniers ne manquent décidément pas de choix en ce qui concerne les populaires modèles de moins de 50 cc, le scooter électrique, lui, représente par ailleurs une solution parfaitement logique pour ce genre de besoins, bien qu'il commence seulement à être offert sur le marché. La compagnie taiwanaise SYM songerait à offrir le très intéressant Envie au Canada en 2010, un scooter urbain non seulement électrique, mais aussi pliable! Propulsé par un moteur de 350 watts et alimenté par une pile au lithium de 48 volts, il atteindrait les 45 km/h et proposerait une autonomie de 50 km, selon le constructeur. Avec un poids de 40 kilos et la capacité de se replier sur lui-même, il pourrait presque être rangé dans une armoire de cuisine entre les utilisations...

 

Rassurantes trois-roues

 

L'introduction récente de divers modèles à trois roues représente un autre signe clair de l'intention qu'ont certains constructeurs de s'adresser à des motocyclistes autres que ceux visés par les montures hyperspécialisées. Le concept a en effet pour but de permettre non plus aux habiles spécialistes, mais désormais au grand public de piloter une «moto».

 

Bien que «moto» et «trois-roues» semblent a priori des concepts inconciliables, surtout pour les motocyclistes de longue date, deux compagnies, BRP et Harley-Davidson, offrent déjà chacune leurs propres interprétations de la moto à trois roues. Alors que le Spyder de BRP propose un design inédit à deux roues avant et une roue arrière, le Street Glide Trike de Harley-Davidson, lui, est essentiellement construit comme une moto traditionnelle propulsée par deux roues arrière.

 

Si la «moto» à trois roues continuera probablement longtemps de faire sourire les «vrais» motocyclistes, ceux-ci voyant en elle un genre d'aberration roulante, force est d'admettre que l'idée semble parfaitement faire l'affaire d'une clientèle bien particulière pour laquelle le pilotage d'une moto traditionnelle est tout simplement trop complexe et trop exigeant.

 

Après les excès en tout genre qui ont marqué la première décennie de ce millénaire, 2010 semble ainsi annoncer une décennie porteuse d'au moins quelques bouleversements au sein de l'univers de la moto. Comme dit le cliché, à suivre.

 

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.

Photo SYM

Le Envie, un étonnant scooter électrique pliable qui peut rouler à 45 km/h.