(Kaboul) « La plus fantastique des voitures » : en Afghanistan, les conducteurs vouent une véritable passion à la Toyota Corolla qui grâce à sa robustesse a conquis les routes du pays en mauvais état et traversé les ans.

Humble voiture japonaise, réputée pour sa fiabilité, la Toyota Corolla est considérée comme la voiture la plus populaire au monde, avec plus de 50 millions d’exemplaires sortis des chaînes de production depuis 1966.

Robuste, simple et abordable, elle est parfaitement adaptée à un pays aux routes cahoteuses où les réparations dépendent de chaînes d’approvisionnement déclinantes et dans lequel des décennies de privation ont développé l’art du bricolage.

« Ces voitures ont toujours été là pour les gens. Si vous voyagez avec ces voitures, elles peuvent vous emmener n’importe où », explique Mohammad Aman, mécanicien.

« Les Corolla sont rapides, leur carrosserie est résistante, elles fonctionnent bien », encense ce quinquagénaire auprès de l’AFP. En comparaison, les autres marques sont aussi solides que du « papier », argumente-t-il.

Les hommages à la marque fleurissent sur les véhicules couverts d’autocollants en anglais tels que « Happiness is a Toyota feeling » (Le bonheur est en Toyota) ou encore « Beautiful Corolla » (Magnifique Corolla).

Le modèle a progressivement remplacé la marque russe Lada qui dominait le marché afghan jusqu’au retrait des forces soviétiques du pays en 1989 et l’effondrement de l’URSS.

Depuis, les Corolla ont traversé l’histoire du pays. Lorsque Washington a lancé des frappes aériennes après les attentats du 11 septembre, le fondateur des talibans, le mollah Omar, a fui son refuge de Kandahar à bord d’une Corolla blanche.

Elle a été enterrée en 2001, mais a été triomphalement déterrée l’été dernier, « toujours en bon état », a déclaré un porte-parole du gouvernement taliban. « Elle devrait être exposée publiquement en tant qu’“important monument historique” ».

Au cours des vingt années d’insurrection des talibans, la Corolla est devenue leur véhicule de prédilection. Peu coûteuses et passant inaperçues, elles étaient bourrées d’explosifs pour foncer sur leurs cibles.

Engouement particulier

Aujourd’hui, il est fréquent de voir des familles nombreuses s’entasser dans l’habitacle et que les passagers soient bien plus nombreux que les sièges disponibles.

« En Afghanistan, les gens ne se soucient guère des normes », relève Azizullah Nazari, concessionnaire automobile.

Cet homme de 39 ans vend des Corollas importées allant de 1500 à 14 000 dollars, dont beaucoup semblent avoir emprunté un chemin détourné pour arriver dans le pays.

Comme ce modèle d’un blanc immaculé qui semble provenir du Canada. Son intérieur est tapissé de papier journal coréen et sa plaque d’immatriculation est ghanéenne. Un autre modèle porte un autocollant sur le pare-chocs d’une université américaine, quand un autre porte les armoiries d’un district du centre de l’Allemagne.

Mais toutes leurs routes mènent à l’Afghanistan, où « les gens ont un engouement particulier pour Toyota », insiste Nazar.

La marque est en effet omniprésente et particulièrement plébiscitée par les chauffeurs de taxi au volant de modèles souvent cabossés. Il n’est pas rare non plus de voir l’une de ces voitures, lancée en pleine course, doubler un 4X4 sur une route montagneuse en côte.

« Ultra-rapide »

À Shuhada-e Salehin, dans le plus grand marché de réparation de la capitale où une jungle de pièces détachées s’entasse, les Corolla sont également louées pour leur fiabilité au quotidien.

« Les véhicules de certaines personnes sont simples, mais d’autres ont la passion de les rendre fantaisistes », observe Aman, mécanicien.

Englués dans la graisse du moteur, ses collègues jettent un coup d’œil sous le capot d’un modèle de 1991 incroyablement abîmé. Certes la peinture est craquelée, mais l’autocollant « fantastic Corolla » collé sur la vitre bien qu’écaillé demeure.

« Ultra-rapide Toyota. La meilleure et la plus fantastique des voitures au monde. Adapté à toutes les conditions », vante le modèle d’à côté.

Chauffeur de taxi à Kaboul, Naqeebullah, 27 ans, qui pilote une Corolla décolorée par le soleil, de trois ans son aînée, résume le sentiment de beaucoup de conducteurs.

« Toutes les voitures n’ont pas donné satisfaction, à l’exception de la Toyota Corolla », explique-t-il en attendant les clients.

Une carte de prière est suspendue à son rétroviseur sur laquelle on peut lire : « Gloire à celui qui nous a asservi à ce moyen de transport ».