Certains automobilistes paient 83$ pour faire un seul plein d'essence. Pierre Séguin, lui, a parcouru 9800 km avec sa voiture pour la même somme. Et ce, sans jamais s'arrêter dans une station-service. Jamais!

Le réalisateur de La petite vie ne plaisante pas. Pierre Séguin est l'heureux - et le mot est très, très faible - propriétaire depuis l'an dernier d'une Tesla entièrement électrique, premier véhicule du genre qui avait été autorisé à circuler sur les autoroutes du Québec et du Canada. Après 15 mois d'utilisation quasi quotidienne, son sourire est toujours aussi sincère quand il en parle. Pas de mauvaises surprises, pas de déceptions, pas de lassitude. «C'est la parfaite combinaison pour ceux qui veulent être verts, mais qui sont aussi des passionnés d'automobiles, dit-il au volant de son bolide. Je n'éprouve pas de remords quand je roule. Je peux faire des tours de voiture juste pour le plaisir, je ne pollue pas!»

Les sceptiques auront beau chercher: il n'y a aucun pot d'échappement dissimulé à l'arrière de la voiture pour évacuer du monoxyde de carbone, pas de réservoir à essence sous la carrosserie. La Tesla Roadster compte 290 chevaux, mais 0 cylindre... «Quand je suis passé au bureau d'immatriculation, on ne me croyait pas», se rappelle M. Séguin qui, avec le temps, a dû s'habituer à répondre aux mille et une questions des curieux. «Je donne des miniconférences de presse à tous les coins de rue! Des policiers m'ont même déjà arrêté pour savoir quelle voiture je conduisais.» Au total, 1850 Roadster ont été écoulées dans une trentaine de pays depuis la mise en marché de la voiture.

Le propriétaire n'a aucun souci mécanique à relever. «Je n'ai pratiquement pas d'entretien à faire: il n'y a que trois liquides qui circulent dans la voiture [du glycol pour réguler la température de la batterie, du liquide à frein et du lave-glace]. Il n'y a pas de radiateur, pas de ligne à gaz... c'est à peine plus complexe qu'une machine à coudre!» Il faut dire que sa Tesla n'a pas eu à affronter les rigueurs de l'hiver: modèle cabriolet oblige, elle a été remisée après les premières neiges, en décembre, et ressortie en avril.

Petits bémols

Ce n'est que parce que l'on insiste que Pierre Séguin finit par soulever quelques petits inconvénients. À commencer par l'usure précoce des pneus arrière, qu'il a dû changer après 11 000 km, causée sans doute par le lourd poids de la batterie et la friction en décélération qui permet la recharge de la batterie. En contrepartie, les freins devraient s'user moins rapidement, prévoit-il.

Puis, il faut avouer que l'autonomie de la voiture, limitée pour l'instant à 350 km environ, gagnerait à être bonifiée. Pour le métro-boulot-dodo, pas de souci: Pierre Séguin n'a qu'à brancher sa voiture quelques soirs par semaine à la ligne d'alimentation de 220 V qu'il a installée sur la place de stationnement de son condo. En quatre heures à peine, la recharge sera terminée, ou une douzaine d'heures si la voiture est alimentée par du 110 V.

La planification des voyages est toutefois un peu plus compliquée. Une grande virée en Gaspésie ou un long week-end à New York ne sont pas exclus d'office. Mais il faudra diviser la route et prévoir les arrêts pour refaire le plein d'énergie, idéalement pendant la nuit dans un hôtel. «Je ne peux pas faire 600 km d'une traite», concède-t-il. D'où l'importance de créer le réseau de bornes électriques, penser à en installer près des restaurants, des haltes routières, dans des stationnements publics.

Mais tous ces bémols sont facilement effacés par la satisfaction d'avoir le sentiment de pouvoir faire un «pied de nez» aux pétrolières «qui se fichent de nous en jouant au yo-yo avec le prix de l'essence. C'est un gros lobby et les gens en ont de plus en plus ras le bol». À commencer par lui.