Sergio Marchionne, le président de Fiat, a une chance de faire sa marque sur l'industrie automobile américaine, avec Chrysler, comme il l'a faite en cinq courtes années avec Fiat.

Quand ce gestionnaire non conformiste a pris les rênes de Fiat, en juin 2004, le constructeur était dans le rouge depuis 1998. Il devait 12 milliards US et semblait se diriger vers la faillite. La division automobile a renoué avec le profit en 2005 en éliminant des postes et en lançant de nouveaux modèles. En 2007, Fiat a versé des dividendes (359 millions US) pour la première fois depuis cinq ans.

 

«Nous avons craché du sang pour nettoyer la place et relancer Fiat. Quand je suis arrivé, ça sentait la mort, ici», a déjà déclaré M. Marchionne pour décrire ses débuts dans l'automobile.

 

Marchionne est né en Italie mais a été élevé et éduqué en Ontario. Il a la double citoyenneté et est aussi à l'aise en italien qu'en anglais. Il était un double étranger en arrivant chez Fiat: non seulement il est, professionnellement, un Nord-Américain, mais il n'était pas un gestionnaire automobile. Bien qu'il ait fait un MBA à l'Université de Windsor (la ville ontarienne en face de Detroit), il est d'abord et avant tout comptable agréé et avocat et a fait ses premières armes en affaires à titre de fiscaliste chez Deloitte Touche au Canada, en 1983, avant d'être gestionnaire de diverses compagnies, comme Glenex Industries (une firme torontoise de services cinématographiques) et le producteur d'aluminium Alusuisse Lonza (maintenant partie de RioTinto-Alcan).

 

Chez Fiat, il a congédié plusieurs anciens gestionnaires, réduit le nombre de dirigeants et remplacé la vieille garde par de jeunes loups. Son équipe de hauts gestionnaires est composée de 25 jeunes dirigeants qu'il a choisis lui-même. «La seule chose qui m'empêche de dormir le soir, c'est que l'un d'eux s'en aille. Ils n'ont pas connu l'échec, ils n'ont pas peur.»

 

Il a avorté la production de modèles qu'il jugeait laids ou ennuyants, engagé de nouveaux stylistes et remis de l'ordre dans le réseau de concessionnaires Fiat en Europe. Il veut que sa filiale Alfa Romeo double ses ventes et, dès 2007, il avait annoncé le retour d'Alfa et de Fiat en Amérique du Nord. La crise financière et la faillite de Chrysler lui ont donné une occasion en or.

 

Le plan de restructuration de Chrysler donne à Fiat la direction et 30% des actions de la «New Chrysler» et près de 10 milliards de dollars en aide fédérale américaine et canadienne. Fiat ne paie pas un rond et apporte à la table sa technologie et sa capacité de gestion.

 

Marchionne, qui aura 57 ans le 17 juin, a présidé au lancement européen de la Fiat Bravo, il y a trois ans, et de la voiture étendard de Fiat, la 500 (la «Cinquecento»), l'an dernier. La 500 devrait être produite en Amérique du Nord et commercialisée par les concessionnaires Chrysler, si tout fonctionne comme prévu.

 

La 500 est, «comme la Mini Cooper», une réincarnation moderne et cool d'une voiture iconique des années 60. Au sujet de la nouvelle version, M. Marchionne a déjà dit: «Nous sommes désormais l'Apple de l'automobile et la nouvelle 500 est notre iPod.»

 

M. Marchionne a la réputation d'être une tête à chiffres, mais d'avoir du panache, du flair et une capacité d'aller hors des sentiers battus. Il n'est pas un amateur du complet trois pièces et on le voit le plus souvent en chemise sans cravate, avec un chandail bleu marine.

 

En 2007, il a fait les manchettes des journaux européens en envoyant sa Ferrari 599 GTB Fiorano dans le décor, en Suisse. Ferrari est une filiale de Fiat.

 

Quand il a pris la direction de Fiat, la firme centenaire avait vu sa part de marché en Europe de l'Ouest tomber à seulement 6,5%. Le mois dernier, pour la première fois en huit ans, Fiat a obtenu 10% de ce marché, en haussant de 5% ses ventes, à contre-courant de toutes les grandes marques actives en Europe, qui ont toutes signalé des ventes en baisse.

 

M. Marchionne compte beaucoup sur les stylistes italiens pour produire des Fiat et des Alfa Romeo au goût des consommateurs. Mais il a aussi commencé à instaurer une grande discipline chez les ingénieurs et dans les usines.

 

Il veut que Fiat, «dont la mécanique a mauvaise réputation», élève sa qualité de production au niveau de Toyota: «Nous devons ravaler notre orgueil et apprendre de ceux qui sont meilleurs que nous, a dit M. Marchionne. La machine Toyota a une exécution sans faille et nous devons exceller à ce niveau.»

 

Il affirme que la relance de Fiat est avant tout une révolution culturelle: «Nous avons fondamentalement changé la façon de gérer Fiat Auto. Cette boîte est incroyablement agile et rapide. Notre force, c'est la rapidité et la simplicité.»

 

Il a la réputation d'être un gestionnaire iconoclaste, très direct, qui n'aime pas les formalités. Une nuit de sommeil de quatre heures lui suffit et il lui arrive de convoquer des réunions de direction le samedi et le dimanche matin.