Depuis des semaines, General Motors a toutes les misères du monde à décider à qui elle va vendre sa filiale européenne Opel. À présent, elle semble se demander si la garder ne serait pas la meilleure idée.

L'agence de presse Bloomberg rapporte ce matin que des conseillers de GM lui recommandent maintenant de rejeter les scénarios de vente d'Opel, soit à l'équipementier canadien Magna, soit au holding belge RHJ. Le gouvernement et les syndicats allemands poussent très fort pour la vente à Magna. La situation de financière de GM s'est améliorée, tout comme celle d'Opel (qui demeure cependant déficitaire), et les conseillers de GM trouvent, en fin de compte, que garder Opel permettrait de conserver une plus grande présence en Europe et d'augmenter sa pénétration en Russie, un marché en pleine expansion.

 

Les deux scénarios de vente impliquent que l'État allemand (gouvernement fédéral et quatre gouvernements provinciaux) injectent jusqu'à 4,5 milliards d'euros dans Opel pour l'aider à se relancer. Mais les gouvernements provinciaux ont déjà indiqué publiquement que seul Magna aurait de l'aide financière provinciale.

 

GM n'aime pas l'idée de vendre à Magna, qui est un sous-traitant faisant affaire avec GM mais aussi avec des dizaines d'autres fabricants automobiles. GM ne veut pas que sa technologie se retrouve dans les voitures de ses concurrents via Magna. Par ailleurs, les stratèges de GM n'aiment pas du tout le plan publiquement annoncé par Magna et son banquier russe Sberbank, qui est de lancer Opel dans une offensive majeure pour prendre une grande part du marché russe, en pleine expansion. Le plan implique que Sberbank céderait rapidement sa participation dans Opel à un de ses clients russes actifs dans la construction automobile, probablement le groupe G.A.Z.

 

La Russie : un marché lucratif

 

GM a elle-même des investissements importants en Russie, et ne veut pas qu'une Opel appartenant à un rival vienne la concurrencer dans ce nouvel eldorado automobile.

 

Selon des sources anonymes citées par Bloomberg, les conseillers de GM lui suggèrent de solliciter elle-même l'aide directe des pays où Opel a des usines (l'Allemagne, la Belgique, l'Angleterre, l'Espagne et la Pologne), pour relancer elle-même sa filiale allemande achetée en 1929.

 

La vente d'Opel avait été annoncée en février dernier, à l'époque où GM était sur le point de se déclarer insolvable et de se restructurer devant un tribunal de faillite de New York.

 

Magna est rapidement devenue un candidat intéressant, entre autres grâce à ses relations de longue date comme fournisseur de GM et d'Opel. Les syndicats et les gouvernements allemands ont rapidement donné leur appui à Magna, parce que le fabricant de composantes et de systèmes automobiles d'Aurora, en Ontario, prévoit ne pas faire de mises à pied importantes.

 

GM., elle, préfère depuis longtemps l'offre du holding belge RHJ, qui a déjà plusieurs placements importants dans des fournisseurs automobiles. GM estime que l'offre de RHJ est beaucoup plus simple à exécuter et qu'elle ne contient aucun danger de voir les technologies d'Opel se répandre chez la concurrence.

 

RHJ demande beaucoup moins d'aide financière gouvernementale et implique une restructuration et un certain nombre de licenciements. Mais surtout, GM aurait l'option de racheter Opel de RHJ dans quelques années, une fois la restructuration faite.

 

Le spectre d'un retour de GM

 

L'idée de revoir GM redevenir actionnaire majoritaire d'Opel donne de l'urticaire aux syndicats allemands (et à certains politiciens provinciaux), qui ont clairement indiqué qu'ils ne veulent plus jamais vivre sous l'autorité de Detroit. Déjà, avant les difficultés financières vécues depuis un an, ce n'était pas l'amour entre la direction américaine de GM et le personnel allemand d'Opel. On a qu'à visionner la vidéo publiée en mars dernier par une émission allemande, pour mesurer combien il manque d'atomes crochus entre ces gens.

 

Mais les membres du nouveau conseil d'administration de GM (la plupart ont été nommés par le gouvernement du président Barack Obama) remettent en question la décision de leurs prédécesseurs de céder le contrôle d'Opel pour la sauver de la faillite.

 

Cela repousse dans le temps la décision. Et ce délai est une contrariété majeure pour le gouvernement de la chancelière allemande Angela Merkel, qui a des élections générales d'ici peu et qui aimerait bien conclure ce dossier de façon à pouvoir l'utiliser pour mousser sa campagne électorale (sans compter l'appui inconditionnel qu'elle obtiendrait des syndicats si Magna l'emporte).

 

La prochaine rencontre du conseil d'administration de GM est prévue à la fin septembre.

 

Les détaillants Opel d'Europe ont augmenté la pression sur GM en appuyant l'offre de Magna, qu'ils considèrent comme la « meilleure option ». Ils considèrent que l'incertitude actuelle serait néfaste aux affaires, surtout que l'important Salon de l'auto de Francfort arrive à grand pas, en septembre.

 

Les travailleurs d'Opel ont indiqué que des moyens de pression spectaculaires sont à prévoir si GM ne cède pas Opel à Magna d'ici la fin de la semaine, a dit le chef syndical Klaus Franz à la station de radio Deutschlandfunk. Selon lui, la proposition de RHJ n'assure aucunement la survie d'Opel parce que RHJ n'a pas une expertise suffisante de l'industrie automobile et parce que son plan implique des coupes de personnel "irréalistes".

 

Opel a 55 000 employés en Europe, dont 25 000 en Allemagne, où se trouve aussi son siège social.

 

Pour Christoph Stürmer, analyste chez Global Insight, General Motors n'aurait jamais été très chaud à l'idée de céder Opel, mais avait dû s'y résoudre lorsqu'il était en quasi-faillite. À présent que le groupe est sauvé, «ce plan initial est remis en cause et de nouvelles réflexions sont en cours», a-t-il expliqué à l'AFP.

 

L'expert automobile Willi Diez est du même avis: GM «pense de nouveau à long terme et, dans ce cadre, Opel et les ventes en Europe constituent un facteur important», a-t-il indiqué dans la Berliner Zeitung.

 

Cette pilule serait toutefois difficile à faire avaler aux responsables politiques allemands, mais aussi aux salariés d'Opel, qui n'imaginent plus leur avenir sous la férule du constructeur américain.

 

Sources : Bloomberg, AFP

 

Photo: Reuters

Klaus Franz, représentants des syndiqués d'Opel.