Se réveiller au-dessus des nuages au Colorado, aider à construire une maison au Mexique ou se retrouver à Tadoussac l'espace d'un week-end? Il semble qu'il n'y ait pas grand-chose à l'épreuve des propriétaires de Westfalia, ces petits véhicules récréatifs dérivés de quatre générations de petits fourgons Volkswagen et dont les propriétaires forment, manifestement, une communauté tissée serrée. Une famille sans frontière, en quelque sorte.

En 1999, ça faisait déjà plusieurs années que Richard Bastien racontait son rêve à sa famille et à ses collègues de bureau: tout laisser pour partir en vadrouille sur le continent. À 55 ans, les enfants étaient partis, sa vie de couple s'effritait et son boulot l'ennuyait. C'était le moment ou jamais.

Ayant mis la main sur un Vanagon Weekender 1986, une version de la fourgonnette Volkswagen dotée d'un lit, d'une table, d'un évier et d'un auvent, il se décide enfin: direction la côte Ouest, puis l'Amérique centrale. «Ce n'était pas vraiment des vacances. À la maison, j'étais entre deux chaises. J'ai décidé de sacrer mon camp», raconte-t-il 10 ans plus tard, comme si c'était hier.

Le voyage a duré 11 mois. Richard Bastien a visité l'Alaska, le Montana, le Nevada, le Mexique et a terminé sa fuite en avant aux pieds du Guatemala. Il s'est fait des amis, dont un Mexicain chez qui il a passé un mois à construire une maison, et qu'il fréquente encore aujourd'hui.

«Avant de partir, on entend plein d'histoires sur ce qui va se passer. Je suis parti en pur néophyte, mais après quelques jours, je dormais en moyenne 10 heures chaque nuit. Je récupérais d'une vie entière de stress. Une chose est sûre: ça change une vie. Quand on revient, nos proches sont jaloux ou ne comprennent pas ce qui s'est passé, alors on garde son bonheur pour soi.»

Un Westfalia, ce n'est pas très gros: ça se gare dans une rue, en bordure d'un parc, dans un lieu réservé aux campeurs extrêmes, dans des endroits où tentes, roulottes et véhicules récréatifs n'ont pas tous accès. «On se fond dans le décor. C'est comme ça qu'on fait des rencontres imprévues. C'est difficile à comprendre si on ne l'a pas vécu soi-même.»

C'est pour ça que la communauté des propriétaires de Westfalia constitue un monde à part, conclut ce banlieusard aujourd'hui retraité: entre eux, il suffit d'un regard pour comprendre. «On passe des mois à vivre au rythme du soleil, et quand on revient, on reste pris dans la circulation du pont Champlain. On a de la difficulté à se réadapter...»

Concours de réfrigérateurs

N'est cependant pas propriétaire d'un Westfalia qui veut. Même si le constructeur allemand Westfalia-Werke a produit des véhicules récréatifs de 1951 à 2003, rares sont ceux qui sont encore capables de traverser le continent. Ceux qui en possèdent un en sont fiers et se regroupent souvent selon la génération de leur modèle.

Il existe de ces clubs au Québec; grâce à l'internet, on les trouve assez facilement. Le plus imposant, le Club international de camping-car Westfalia, ne fait aucune discrimination: moyennant un abonnement annuel, tous sont les bienvenus. Les membres échangent conseils, adresses et plus, au cours de rencontres organisées un peu partout en province durant la belle saison.

Les Wests d'l'aut bord d'la gate, eux, se limitent aux Westfalia de la première mouture, jusqu'en 1979. Ce sont les plus maniaques du lot, vivant dans des véhicules parfois en état exceptionnel, d'autres fois, repeints au rouleau ou bricolés à la va-vite.

Entre les deux se trouve le club des Mononcs en folie, qui accueille les propriétaires de Vanagon, troisième génération de fourgonnette de Volkswagen, produite entre 1979 et 1990. Les Eurovan, les seuls dotés d'une mécanique moderne avec cylindrée logée à l'avant, remplaçants des Vanagon en 1990, sont aussi les bienvenus.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces clubs ne se prennent pas trop au sérieux. Sauf quand vient le temps de parler boutique. «Il y en a qui gardent leur véhicule 3 ans, d'autres 20, mais la passion est la même: quand on se rassemble, on échange énormément d'informations techniques, sur la façon de réparer un évier, d'améliorer son frigo, et on s'entraide constamment», explique Guy Boivin, retraité de Molson, qui s'occupe aujourd'hui du regroupement Mononcs en folie.

Fondé en 1999, le club dit compter au-delà de 600 membres et organise des rencontres deux fois l'an. Au menu, concours de réfrigération (!), feux de camp et guitare. «On réunit des gens de partout au Québec pour socialiser et chez qui on peut camper quand on est de passage. C'est comme une grande fête de famille, en fin de compte. «

Une famille au sens large: à travers les babillards électroniques, il arrive qu'un membre dépanne un parfait inconnu en panne à des milliers de kilomètres de son domicile. M. Boivin en a été témoin récemment, aidant un «Mononc» à envoyer des pièces au Mexique à un autre «Mononc» devant remettre son Westfalia sur ses roues, mais ne trouvant pas les ressources nécessaires sur place.

Après tout, qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour la famille...

Photo: Guy Boivin, collaboration spéciale

Les clubs de Westfalia du Québec se réunissent régulièrement. «C'est comme une grande fête de famille, en fin de compte», dit Guy Boivin, des Mononcs en folie.