Le gaz naturel anime de nombreux - et houleux - débats depuis plusieurs mois. Sans faire de bruit, l'industrie automobile lui découvre certaines vertus. Des véhicules au gaz naturel circulent un peu partout dans le monde. Va-t-on réellement «gazer» nos voitures à l'avenir? Et est-ce bien raisonnable?

Le 17 novembre dernier, la Honda Civic GX a été élue «voiture verte de l'année» au salon automobile de Los Angeles, au nez et à la barbe des hybrides et des tout électriques du marché. Étonnant? Et pour cause. Cette voiture roule au gaz naturel compressé, une source d'énergie qui a les faveurs de Sergio Marchionne.

Au dernier salon de Detroit, le président de Fiat et de Chrysler a non seulement réitéré sa foi dans cette option qu'a choisie le constructeur italien en Europe, mais il a aussi confirmé que des voitures Chrysler fonctionneront au gaz naturel en Amérique du Nord.

Ce type de véhicule n'est pas rare dans certains pays d'Europe, d'Asie et surtout d'Amérique latine. Les entreprises sont des clients particulièrement convoités par les Volkswagen, Renault, Fiat et Mercedes de ce monde. Sur notre continent, Honda est actuellement le seul constructeur à vendre, aux États-Unis, une voiture de production au gaz naturel - la Civic GX, justement. General Motors vend depuis 2010 des camionnettes commerciales au gaz naturel.

Pourquoi cet intérêt croissant pour cette énergie? De plus en plus rare, le pétrole devient plus difficile et plus cher à importer, en raison essentiellement des instabilités politiques qui secouent certains pays producteurs.

Toujours aussi insatiables, les États-Unis se sont récemment découvert des réserves de gaz naturel insoupçonnées jusqu'alors. Des réserves par ailleurs sous-estimées à l'échelle planétaire. «Comme les réserves sont plus abondantes et que les prix du gaz naturel chutent, on cherche de nouvelles applications pour écouler son gaz», ajoute l'auteur et physicien Pierre Langlois.

L'industrie automobile invoque un argument de poids: l'environnement. Un moteur alimenté au gaz naturel émet environ 25% moins de dioxyde de carbone qu'un moteur à essence ou au diesel. Dans un pays comme les États-Unis, où plus de 40% de l'électricité provient de centrales au charbon, «l'empreinte carbone» des véhicules électriques y est présentée comme un désavantage. Pour faire de l'ombre aux voitures électriques, on rappelle que leur autonomie est deux fois moins importante que celle d'une voiture au gaz naturel.

Faiblesses

Le gaz naturel a cependant ses talons d'Achille, la voiture qu'il propulse également.

«Le gaz naturel émet moins de pollution que l'essence seulement au moment de la combustion dans le moteur. Il n'est pas une solution de remplacement du pétrole, cela va émettre autant de gaz à effet de serre d'un bout à l'autre de la chaîne», croit M. Langlois.

«Le réseau de distribution de gaz est inexistant et sera très onéreux à mettre en place. Pour s'alimenter en gaz, il faut un compresseur. L'autonomie est insuffisante [environ 300 km] et varie selon le volume du réservoir et le compresseur», énumère de son côté Stéphane Deschamps, directeur du développement des affaires chez Budget Propane.

La voiture au gaz naturel a des faiblesses qui ne sont pas sans rappeler celles de la voiture électrique actuelle. Son coût est également plus élevé que celui d'une voiture à essence. Il faut compter plus de 10 000$ US supplémentaires pour une Civic au gaz comparativement à une Civic équivalente à essence.



Intérêt des constructeurs

«Est-ce que le gaz naturel représente l'avenir? C'est seulement l'une des nombreuses solutions sur lesquelles travaille actuellement Honda avec l'hydrogène, les hybrides, l'électricité, le diesel propre, les moteurs à essence améliorés, etc. Le marché, c'est-à-dire les clients, décidera du futur, pas les constructeurs», affirme Richard Jacobs, directeur des communications de Honda Canada.

«Le gaz naturel compressé est l'une des nombreuses options que nous explorons. La question concerne surtout le système de distribution et les infrastructures», confirme son homologue chez Chrysler Canada, Lou Ann Gosselin.

Cette source d'énergie pourrait être une solution temporaire d'ici à l'avènement des voitures électriques. «Au Québec, le gaz naturel va servir à autre chose qu'aux véhicules personnels, ce n'est vraiment pas une solution pour les voitures. Et un réseau de distribution de gaz naturel n'est pas réaliste», soutient Kim Cornelissen, consultante en développement régional et international.

Grand responsable des émissions de CO2, le camionnage est le plus susceptible d'adopter le gaz naturel. Parce que ce dernier est moins cher et nettement moins polluant que l'essence à la sortie du pot d'échappement, et parce qu'il répond mieux que la technologie électrique aux besoins de l'industrie qui peut se doter de stations de ravitaillement.

Véhicules commerciaux pour la plupart, seulement 9500 voitures roulent au gaz naturel au Canada pour 2500 camions et autobus. L'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel milite pour cette source d'énergie. «Nous nous intéressons à tout: voitures et camions. Mais à court terme, les poids lourds et les bus sont notre priorité», dit sa présidente, Alicia Milner.

L'avenir appartiendra-t-il à la voiture au gaz naturel ou à la voiture électrique? «C'est un débat entre l'énergie fossile et l'énergie non fossile», résume Kim Cornelissen.

Gaz de schiste et coup de grisou

Combustible fossile, le gaz naturel - composé à 95% de méthane - existe sous différentes formes.

> Le gaz dit «conventionnel» est la forme de gaz naturel la plus exploitée dans le monde. Son processus de formation est similaire à celui du pétrole.

> Le gaz naturel est dit «associé» quand il est présent dans le pétrole. Lorsqu'un puits de pétrole brûle, c'est en fait ce gaz qui brûle en torchère.

> Le méthane est également présent dans le charbon, d'où le nom «gaz de charbon». Il est connu auprès des mineurs sous le nom de «grisou».

> Ce gaz peut aussi se trouver dans le schiste. Cette roche sédimentaire est à la fois la source et le réservoir du gaz logé alors dans les fissures. Ce «gaz de schiste» est présent en petite quantité dans un énorme volume de roche.