Pour Martin Deschênes, appliquer les méthodes de conduite prônées par Wayne Gerdes est une sorte de jeu.

«C'est un défi continuel de chercher à obtenir la meilleure économie d'essence possible et, dans la plupart des cas, faire mieux que la cote de consommation de carburant que Transports Canada a attribuée à ma voiture», explique l'homme de 27 ans, qui se définit comme un hyperkilométreur modéré.

Ses résultats sur la route sont surprenants: à bord de sa Hyundai Elantra 2008 à transmission manuelle, ses techniques de conduite se sont révélées 26% plus économiques que celles de l'auteur de ces lignes.

Pour les besoins du test, Martin Deschênes a d'abord établi un tracé de 10 kilomètres dans l'arrondissement de Lachine, comprenant 8 kilomètres de circuit urbain et 2 kilomètres d'autoroute. Les résultats obtenus proviennent d'une jauge de marque «Scan Gauge» (environ 160$ à l'achat), installée sur le tableau de bord de la voiture, qui affiche en temps réel la consommation d'essence. Trois personnes se trouvaient à bord du véhicule, dont la cote de consommation d'essence est évaluée à 8,4 litres par 100 km en ville et 6 litres aux 100 sur l'autoroute.

En conduisant normalement et en respectant scrupuleusement les limites de vitesse, le journaliste de La Presse a terminé le circuit avec un ratio de 8,1 l/100 km.

M. Deschênes, lui, avec la même voiture, s'en est tiré avec une consommation de 6 l/100 km.

Son secret? L'hyperkilométreur utilise une méthode appelée pulse and glide: au démarrage, il accélère normalement, mais passe les vitesses très rapidement, de façon à ne jamais faire tourner le moteur à plus de 2000 ou 2500 tours par minute. «Dans l'idéal, il faut toujours utiliser la vitesse la plus haute possible pour maximiser l'économie d'essence. On peut même utiliser la cinquième vitesse à partir de 60 km/h. Il faut juste s'assurer que le moteur ne force pas.»

Une fois la vitesse de croisière obtenue (par exemple 50 km/h), il débraye au point mort et... coupe le moteur! Il se laisse alors glisser jusqu'au prochain arrêt, ou jusqu'à ce que sa vitesse ait descendu d'une dizaine de kilomètres à l'heure.

«Quand je veux reprendre de la vitesse, je n'ai qu'à mettre le levier de vitesse en cinquième vitesse et à redémarrer le moteur par la compression en embrayant doucement», explique M. Deschênes, analyste pour une entreprise de pièces hydrauliques dont le travail consiste à «optimiser les marges de profit pour chaque produit». Nul besoin d'activer le démarreur, sauf lors d'un départ après un arrêt complet.

Entre chaque pulsion et glissement, la voiture franchit facilement quelques centaines de mètres sans consommer la moindre essence. Pendant la période d'extinction du moteur, la servodirection continue de fonctionner, mais les servofreins ne peuvent être utilisés qu'un nombre limité de fois avant de perdre leur réactivité. «Mais ce n'est vraiment pas nécessaire de couper le moteur, précise M. Deschênes. On peut aussi obtenir d'excellents résultats en mettant seulement la transmission au neutre.» Fait à noter, sa conduite, bien que plus lente, peut paraître dans les courbes un peu plus sportive: Martin Deschênes n'hésite pas à prendre des tournants serrés pour réduire la distance.

CAA-Québec n'encourage pas cette pratique du pulse and glide, qu'il juge non sécuritaire. «En mettant l'embrayage au neutre, on perd la possibilité d'accélérer rapidement si c'est nécessaire, affirme Roxanne Héroux, porte-parole de l'organisme. Quant à l'extinction du moteur en mouvement, CAÀ estime qu'il s'agit d'une pratique illégale en vertu de l'article 327 du Code de la sécurité routière, qui interdit «toute action susceptible de nuire aux autres véhicules». «C'est un article fourre-tout qui est appliqué à la discrétion des policiers», explique Mme Héroux.

Éviter de freiner

Sur l'autoroute, la technique pulse and glide perd un peu de son efficacité et devient vite fatigante pour le conducteur. Les hyperkilométreurs préfèrent alors maintenir leur vitesse de pointe autour de 90 km/h, où l'économie est à son plus haut.

Les hyperkilométreurs mettent aussi beaucoup l'accent sur l'anticipation. «Il faut conduire comme si on n'avait pas de freins, explique Pierre Morissette, propriétaire d'une voiture hybride qui applique seulement quelques-unes des techniques de base dont Wayne Gerdes fait la promotion. Plutôt que de freiner à la dernière minute, il faut prévoir le coup et ralentir le plus doucement possible. Ça évite de devoir utiliser l'accélérateur inutilement», explique-t-il.

Dans les côtes ascendantes, ils évitent aussi de compenser en augmentant le régime pour maintenir leur vitesse. Ils profitent toutefois de la pente descendante pour reprendre de la vitesse en plaçant le levier de vitesse au point mort.

Pour obtenir de meilleurs résultats, les adeptes de l'hyperkilométrage gonflent aussi leurs pneus à la pression maximale recommandée par le manufacturier du véhicule. Martin Deschênes, lui, les gonfle au-delà de cette limite, mais maintient la pression en dessous du seuil maximal fixé par le fabricant de pneus.