À compter de jeudi prochain, la voiture à basse vitesse (VBV) électrique sera autorisée à circuler sur certaines voies publiques du Québec. Mais elle risque d'être aussi silencieuse sur la route que discrète sur le marché puisque trois grands obstacles - toujours les mêmes - se dressent sur son chemin: son prix élevé, son autonomie insuffisante et, surtout, une difficile adéquation aux contraintes urbaines actuelles.

La ministre des Transports, Julie Boulet, l'avait annoncé et elle tient promesse. Dès le 17 juillet, la voiture à basse vitesse (VBV) électrique arrivera en ville. Et nulle part ailleurs. En effet, il lui sera permis de circuler uniquement sur des routes où la vitesse maximale est de 50 km/h et à la condition qu'elle ne s'attaque pas à des pentes de plus de 15 degrés - vous avez une boussole d'inclinaison dans votre poche? - sous peine de manquer de souffle et de s'appuyer sur le pare-chocs de la voiture qui la précède. Elle devra en outre avoir un triangle rouge à l'arrière, comme un tracteur, et circuler à droite, sauf si elle doit virer à gauche. Et n'abordons pas la question de la sécurité passive, elle est totalement inexistante. Toujours intéressé?

L'ennui avec ce projet pilote d'une durée de trois ans est qu'il renvoie aux consommateurs l'image d'une voiture électrique totalement obsolète. En effet, le ministère des Transports du Québec propose aux citoyens un véhicule électrique aussi performant qu'une voiture à essence des années 20. En d'autres mots : un véhicule qui s'est heurté et se heurtera toujours à des inconvénients majeurs: la faible autonomie et le coût des batteries, ainsi que le temps de recharge important.

Bref, à moins de trouver le moyen de le faire circuler au bout d'un fil, on voit mal comment le véhicule tout électrique peut s'imposer et susciter la convoitise, même du plus écologique des consommateurs. D'autant plus qu'il est peu compatible avec l'idée que l'on se fait d'un moyen de transport individuel, toujours accessible, fort d'un bon rayon d'action et de performances satisfaisantes et que tout le monde peut acquérir à prix raisonnable.

Utilisation professionnelle

En proposant des véhicules à des prix variant de 16 000 à 25 000$, les deux constructeurs autorisés par le ministère des Transports du Québec - Zenn et Nemo - savent qu'ils mettent la barre très haut. Pour le moment, on considère que le seul véritable marché est celui des utilisations professionnelles. Lesquelles? Les sociétés de distribution, les sites de villégiature ou les aéroports, pour ne nommer qu'eux, pourraient avoir intérêt à intégrer à leur parc des véhicules électriques limités à de si courts trajets.

Bien qu'insuffisante, l'autonomie des voitures électriques à basse vitesse (une soixantaine de kilomètres au maximum) n'empêche pas leur utilisation professionnelle. Les véhicules électriques, qui ne se posent pas en concurrents mais en compléments des véhicules «classiques», semblent a priori bien adaptés à ces déplacements à la condition de ne pas faire face à un imprévu, à une surface trop pentue ou à des températures polaires.

Paradoxalement, c'est lorsqu'elle ne se déplace pas que la voiture électrique risque de faire face aux difficultés les plus grandes. Où, en effet, recharger les batteries? À la maison, au bureau?

Une crainte supplémentaire est formulée sur le site Internet de Transports Canada, qui rappelle qu'il «n'encourage pas l'utilisation de véhicules à basse vitesse (VBV) tout électriques sur les routes publiques, car ils roulent beaucoup plus lentement et ne sont pas aussi sécuritaires que les véhicules ordinaires». Avec une vitesse maximale de 40 km/h, plusieurs automobilistes les percevront en effet comme une nuisance dans la circulation. Un vélo ou une moto, passe toujours, mais une auto? Aurez-vous la patience? Pas la peine de répondre.

Pour toutes ces raisons, ce projet pilote d'une durée de trois ans (on fait quoi avec l'auto, après?) s'en va droit dans le mur, et ce, même dans la perspective où une subvention était accordée à ses utilisateurs. Chose certaine, Julie Boulet vient d'écrire le scénario parfait pour donner envie au réalisateur américain Chris Paine de tourner une suite à son documentaire un peu tordu Who Killed the Electric Car?