Malgré l'intention d'Ottawa de resserrer les normes de consommation des véhicules, le Canada continuera d'accuser du retard par rapport aux autres pays industrialisés.

Le gouvernement Harper a lancé hier une consultation visant à harmoniser sa réglementation avec celle des États-Unis. Ainsi, les véhicules neufs vendus au pays en 2020, autos et camions légers confondus, seraient limités à une consommation moyenne d'au plus 6,7 litres de carburant aux 100 km (par rapport à 8,6 l en moyenne, actuellement).

Présentée hier à Montréal, cette norme, la première du genre au pays, a été qualifiée d'«ambitieuse» et de «dominante» par Ottawa. Elle demeurera pourtant bien en deçà de celle qu'entendent fixer l'Europe, la Chine et le Japon par exemple, révèle une récente étude de l'International Council on Clean Transportation (ICCT).

Comparant les efforts de huit gouvernements, le rapport diffusé en juillet par l'ICCT révèle que le Canada et les États-Unis sont, à l'heure actuelle, en queue de peloton des pays qui travaillent à réduire la consommation des véhicules, loin derrière l'Europe et le Japon surtout.

On reconnaît que les États-Unis feraient un bond en avant en appliquant la norme adoptée par le Congrès, soit les fameux 6,7 litres aux 100 km (35 milles/gallon), mais cela ne leur permettraient pas de quitter le groupe des mauvais élèves pour autant.

Seule solution: adopter la norme californienne. L'administration Schwarzenegger souhaite en effet imposer une norme plus ambitieuse que le reste du pays, soit 5,3 litres aux 100 km, mais les tribunaux l'en ont jusqu'ici empêché. Plusieurs États américains envisagent d'emboîter le pas. Or, cette norme, que le Québec, la Colombie-Britannique et trois autres provinces envisagent également d'appliquer, pourrait, selon l'ICCT, propulser les États-Unis dans le groupe des bons élèves, et donc le Canada par le fait même.

Une norme «utopique»

Pourtant, le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, a levé le nez sur cette norme, en conférence de presse hier, laissant entendre qu'elle a quelque chose d'utopique. «Je rappelle que l'EPA (l'Agence environnementale américaine) a refusé de donner une exemption à la Californie pour qu'elle adopte ses propres normes. Or, nous souhaitons travailler avec ce qui est vrai, ce qui est connu.»

 

Cette fin de non-recevoir a fait bondir autant le gouvernement Charest que les écologistes, qui déplorent le manque d'ambition du fédéral. «La norme californienne est celle que nous devons poursuivre, a indiqué hier le premier ministre québécois, Jean Charest. Nous aimerions beaucoup que le gouvernement canadien s'engage aussi là-dessus.»

Avant d'arrêter pour de bon la norme qui sera en vigueur en 2020, Ottawa tiendra une consultation auprès des écologistes, des constructeurs d'autos et des provinces jusqu'au 15 mars. M. Charest compte profiter de cette occasion pour mettre de la pression sur son homologue fédéral, qui entend fixer la norme d'ici la fin de l'année.

 

En soirée, le ministre Cannon a répliqué aux critiques de Jean Charest. «J'invite M. Charest, qui dès juillet assumera les fonctions de président du Conseil de la fédération, à rallier les premiers ministres des provinces autour d'une norme nationale», a dit M. Cannon.

Les groupes écologistes promettent pour leur part d'appuyer le Québec et d'exiger que le Canada imite les provinces les plus volontaires. «Il est évident que les normes californiennes sont la référence à suivre, estime Sidney Ribaux, coordonnateur général d'Équiterre. Le Canada doit emprunter la voie de la Californie, pas celle de Bush!»

«Jamais les groupes écologistes n'appuieront la norme des États-Unis, a renchéri Arthur Sandborn, de Greenpeace. Nous voulons que les gouvernements fassent encore mieux que la Californie, pas moins!»

Des «inquiétudes»

Du côté des constructeurs automobiles, la réaction est plus mesurée, mais elle n'en est pas moins négative. «Nous ne sommes pas opposés à l'annonce d'Ottawa, mais nous avons des inquiétudes», a indiqué James H. Miller, vice-président de Honda Canada.Ce dernier se dit, par exemple, surpris que le ministre annonce une consultation de moins de deux mois, alors que la norme américaine ne sera pas précisée dans le détail avant neuf mois. Il laisse également entendre que le resserrement des normes pourrait se traduire par un coût plus important pour les consommateurs.

Précisons que la consommation moyenne de carburant des véhicules vendus aux États-Unis en 2006, autos, VUS et fourgonnettes confondus, était de 9,3 litres/100 km. Au Canada, elle était de 8,6 litres/100 km, soit 7 litres pour les automobiles et 10,4 litres pour les camions légers. La norme fédérale envisagée par le gouvernement Harper serait la première du genre au Canada.

L'Association canadienne des constructeurs de véhicules n'a pas rappelé La Presse, hier.