Prenez un petit ovale d'un tiers de mille. Mettez-y 150 voitures. Et demandez à tout ce beau monde, dont la moitié n'a à peu près aucune expérience, de faire une course d'endurance. Bienvenue au Challenge 200 et à l'Enduro 250, les deux courses qui soulignent la fin de la saison à l'Autodrome Saint-Eustache.

«C'est tout un défi de dépasser des vingtaines et des vingtaines de véhicules en l'espace de 10-15 tours. C'est vraiment stimulant d'essayer de rouler le plus vite possible comme si on était sur une autoroute en plein trafic.» Celui qui parle est Maxime Pelletier, vice-champion de la série Sportsman, catégorie reine à Saint-Eustache. Pourtant, le jeune vétéran de Mascouche va troquer sa rutilante Cadillac de course pour une modeste Chevrolet Cavalier usagée de tout juste 120 chevaux et participer aux deux courses de fin d'année, le Challenge 200, le dimanche 28 octobre, réservée aux petites voitures quatre-cylindres, et l'Enduro 250, le week-end suivant, compétition ouverte aux quatre, six et huit-cylindres. Attention, aucune modification n'est permise, il doit s'agir de voiture de tourisme, sans turbo, compresseur ou tout autre accessoire de haute performance. On ne vient donc pas ici pour voir des bolides exotiques.

Bien au contraire, car n'importe qui peut participer à la course! «La majorité des voitures est constituée d'autos qui viennent d'être retirées de la circulation, des bagnoles en fin de vie, qui comportent certaines irrégularités pour la route, explique Yves Ladouceur, organisateur des deux courses. Mais on vérifie les ceintures, les réservoirs d'essence, les conduits de carburant, les roues et les freins. On recommande aussi fortement aux gens d'installer des barres de renforcement dans les portières.» Quelques exigences, aussi: un filet de sécurité et du ruban gommé sur les phares et les vitres. On permet aussi de modifier un peu l'angle de carrossage des roues avant, ce qui constitue à peu près la seule modification qui peut améliorer la performance, mis à part les pneus.

«Pour gagner, il faut mettre entre 1000 et 1500$», soutient Maxime Pelletier, qui a justement remporté l'Enduro 200, l'autre course ouverte à tous à Saint-Eustache, disputée celle-là en ouverture de saison, au printemps.

Allez hop! Tout le monde en piste!

Par contre, si ça vous dit - vous pouvez même vous inscrire à la porte, dimanche - une Cavalier ou une Sunfire d'une douzaine d'années s'achète pour 200-300$ chez tout bon recylceur qui se respecte.

Cela dit, que les Jimmie Johnson et Tony Stewart en herbe soient bien avertis: les vétérans vous auront à l'oeil. «On ne peut pas tenir pour acquis que telle personne va être loyale envers les autres ou bien qu'elle connaît les rudiments de la course, soutient Jean-François Bouvrette, un autre ténor de la catégorie Sportsman qui vient s'amuser à l'Enduro 250. Dans ces courses-là, c'est sûr qu'on va trouver un fafouin qui n'a jamais rien fait mais qui va vouloir faire ses preuves.»

«On accepte tout le monde, pourvu qu'on réussisse l'inspection, explique Yves Ladouceur. Il y a des pousseux de crayon qui montent dans les bagnoles. Souvent, ce sont des gens qui viennent aux courses, mais qui n'ont jamais touché à la mécanique auto. Une chose est sûre: les nouveaux ne voient plus rien après quelques tours et, normalement, ils s'éliminent tout seuls!»

«Au bout de 80 tours, les gens qui restent en piste ont pas mal tous fait du sport automobile, soutient Maxime Pelletier. Les amateurs viennent ici pour s'amuser et se rentrer dedans.»

Car, oui, il y a de la casse. À la fin, il reste normalement entre 35 et 40 véhicules en piste. «Le lendemain, c'est effrayant. Ça prend toute la journée pour nettoyer les débris qui traînent un peu partout, dit Yves Ladouceur en rigolant. On trouve des ailes, des revêtements de pare-chocs, des rétroviseurs, des enjoliveurs, etc.»

Mais le public - nombreux - en redemande, les pilotes aussi: «On est des passionnés, on aime avoir un volant entre les mains, s'exclame Jean-François Bouvrette, policier à Saint-Jérôme quand il ne prend pas son pied à piloter. C'est la dernière course avant l'hiver. C'est notre party de fin d'année! Et on donne tout un show!»

Sécurité en tête

Plus de 150 voitures, ça nécessite des mesures de sécurité serrées. C'est pourquoi chaque auto est inspectée avec attention avant la course. Deux heures d'essais sont aussi prévues avant le départ.

En piste, on ne laisse plus de voitures en travers de la piste, comme autrefois. «Il y a de 20 à 25 drapeaux rouges pendant la course. On ne veut pas qu'un pilote se retrouve en danger», insiste Yves Ladouceur, organisateur des courses à Saint-Eustache.

Il y a aussi deux camionnettes à la carrosserie renforcée qui circulent en piste avec les autos. Leur rôle est de pousser les voitures qui sont en position fâcheuse. On a aussi aménagé des trous dans le plancher des deux véhicules de façon à épandre de la poudre absorbante quand il y a des fuites de liquide sur la piste.

> Informations: www.autodrome.ca

> Réglements et inscription: www.anca-qc.com

Photo fournie par Gérard Major

Plus de 150 voitures, ça nécessite des mesures de sécurité serrées.

Attention, journaliste au volant!

«La preuve que ça m'a marqué, c'est que le fond d'écran de mon ordinateur au bureau est une photo de moi avec l'auto aux couleurs de Rue Frontenac.»

Dominic Fugère, aujourd'hui directeur général du Grand Prix de Trois-Rivières, a participé à l'Enduro 200 au printemps 2010 alors qu'il était journaliste en lock-out pour RueFrontenac.com. «Alan [Labrosse, propriétaire de l'Autodrome Saint-Eustache; NDLR] m'avait demandé si je voulais essayer ça, s'est rappelé Dominic. Il m'a trouvé une voiture - une vieille Saturn familiale - et j'ai simplement demandé que l'on me donne le numéro 253, en référence au nombre de lock-outés du Journal du Montréal.»

C'est ainsi que le journaliste s'est retrouvé au milieu d'un peloton de 133 voitures. Intimidé, Dominic? «Non, j'avais hâte que ça commence! Et quand ça part, on a vraiment l'impression de faire de la course, assure-t-il. Chose certaine, ça brasse; ce n'est pas un derby de démolition, mais ça cogne!»

Sa journée s'est justement terminée sur trois roues... «J'ai eu une crevaison, a-t-il expliqué. Mais ma roue de secours n'était pas tout à fait appropriée; un peu plus tard, je l'ai vue me dépasser en piste... J'étais en furie. Je comprends maintenant comment les pilotes se sentent quand ils subissent des bris mécaniques!»

Cela dit, il recommande l'expérience à tout le monde. «Ce n'est pas dangereux, ça ne va jamais très vite, assure-t-il. Tu appuies sur l'accélérateur à fond, tu entends le moteur se plaindre, mais tu ne dépasses pas les 50 km/h. Mais j'ai eu du fun en masse!»

Photo fournie par Dominic Fugère

L'ex-journaliste et actuel directeur général du Grand Prix de Trois-Rivières, Dominic Fugère, avant le départ de l'Enduro 200.