En roulant sur la bucolique route 257, dans les montagnes de l'Eifel, les indices se multiplient. D'abord, on croise des motards en combinaisons de cuir intégrales. Ensuite, une rutilante Ford GT-40. Dans les villages, des motos et des voitures de course sont peintes sur les bâtiments. Bienvenue dans l'Enfer vert, le légendaire Nürburgring.

Le circuit se passe de présentation. Avec ses quelque 20,8 km, la boucle nord du Nürburgring est la plus longue piste de course du monde. Belle, impitoyable, dangereuse, des courbes irrésistibles... Comme une femme fatale, elle se laisse séduire, mais jamais on ne peut la dompter. Car il faut savoir que la Nordschleife est accessible à tous. C'est une route publique.

Selon la réputée émission britannique Top Gear, près de 200 personnes sont mortes au détour de l'un de ses 174 virages. Des chiffres impossibles à vérifier auprès de la très discrète administration du circuit. Lors de mon passage, la piste a été fermée pendant une bonne heure à cause d'un accident. La police fait son travail. Personne ne pose de questions. On est ici entre adultes consentants. On attend patiemment la réouverture des barrières. Et on redémarre. En trombe.

Les vitesses maximales atteintes sur la piste construite en 1927 sont ahurissantes. Au-delà de 250 km/h à bien des endroits. J'en ai subi toute la mesure, assis sur la banquette arrière du «ring-taxi», une BMW M5 de 560 chevaux pilotée par des instructeurs de l'académie de pilotage de BMW. La piste n'en finit plus de finir. C'est un enchaînement incessant de virages aveugles et de lignes plus ou moins droites coupant à travers la forêt. Après quelques kilomètres agrippé à la poignée de la portière, je suis complètement désorienté et mon coeur réclame une pause. Mais je n'y peux rien, je suis passager du taxi le plus rapide du monde. Et je comprends parfaitement pourquoi Jackie Stewart a surnommé l'endroit l'Enfer vert, à l'époque où les Formule 1 y tournaient.

«C'est une piste qui peut être un peu dangereuse pour un néophyte», affirme Karl-Heinz Müller, mon «chauffeur» de taxi, qui a près de 8000 tours de la Nordschleife derrière la moustache, rousse et fournie. «Le mieux est d'y suivre une formation avant de se lancer en piste. Sinon, un seul conseil: ralentissez», recommande Karl-Heinz.

Robin, de Genève, pour qui il s'agissait d'un troisième séjour au Nürburgring cette année, n'avait jamais roulé sur la piste avant sa première visite, en juillet dernier. «Quand on tourne les premières fois, on regarde constamment dans ses rétroviseurs. Le plaisir vient avec le nombre de tours, explique le jeune Suisse. Il faut surtout respecter la piste, être humble, voire un peu craintif. Et surtout, ne jamais faire le tour de trop.»

Photo fournie par Nürburgring Automotive GmbH

En piste...

J'étais donc bien ambivalent quand est venu le temps de plonger moi-même en «Enfer». Au volant de ma Golf familiale de location, mue par un petit quatre-cylindres de 1,4 litre de 122 chevaux... D'accord, j'avais fait un tour avec Karl-Heinz. J'avais ses recommandations et celles de Robin bien en tête. Il n'y avait pas trop de circulation en piste. Mais ma seule expérience du circuit remontait à quelques boucles au volant d'une Chevelle 1970... sur Xbox. Bref, j'étais vierge. Et j'avais encore le coeur sur la flotte, merci à ma promenade en «taxi».

D'accord, j'ai roulé sur le Nürburgring. Les curieux avides d'accidents agglutinés le long du circuit, surtout en fin de journée, ont même eu l'occasion de m'applaudir quand j'ai complètement loupé un virage aveugle qui est venu gentiment me rappeler qu'on ne rigole pas en Enfer. Aucune affiche n'annonce les virages, mais il y en a qui nous indiquent combien de kilomètres on a franchis. Je sursaute quand je vois le panneau «11 km». Quoi? Il m'en reste encore neuf? La gorge sèche et l'estomac qui valse à chaque tournant, je finis mon tour peinard en étant doublé par à peu près tout le monde... Après quoi on annonce la fermeture de la piste pour la soirée, 15 minutes plus tôt que prévu. Fâché? Pas vraiment, et ce, même s'il me restait encore un tour à faire... Mais ça, ça reste entre nous, d'accord?

Photo fournie par Nürburgring Automotive GmbH

La Nordschleife est un enchaînement incessant de virages aveugles et de lignes plus ou moins droites coupant à travers la forêt.

Au paradis des bagnoles

Au-delà de la piste mythique du Nürburgring, il y a la faune qui s'y rend en pèlerinage chaque année. Et bien sûr, leurs voitures.

Je n'ai jamais vu une si grande concentration de bolides de rêve. Des Ferrari, un lot de Porsche, des Aston Martin, des Jaguar, des Maserati, des McLaren, des Audi RS, Mercedes AMG et BMW M de toutes déclinaisons.

On a même vu et entendu des Viper et des Mustang bien de chez nous. Sans compter sur les innombrables petites bombes survitaminées - Focus, Golf et autres Fiat -, taillées sur mesure pour la piste.

Personne n'est ici pour la parade. On ne vient pas au Nürburgring pour faire le coq. Ces voitures expriment ici haut et fort ce pourquoi elles ont été créées. Et cet endroit est fait sur mesure pour elles. Et ça, les pilotes le savent. On est ici en terre sacrée.

Photo Pierre-Marc Durivage, La Presse

On voit au Nurburgring des Ferrari, des Porsche, des Aston Martin, des Jaguar, des Maserati, des McLaren, des Audi RS, Mercedes AMG et BMW M de toutes déclinaisons.

Faillite? La Nordschleife épargnée

Quand on arrive du nord, par les collines, on s'arrête de facto à l'entrée de l'ancien circuit. C'est d'ici que l'on peut avoir accès à la Nordschleife, quand on a réservé sa place au préalable - un tour coûte 26 euros, un abonnement annuel se vend 1445 euros.

Par contre, si on continue son chemin vers et au travers du village situé sur les contreforts du magnifique château médiéval de Nürburg, on arrive au circuit moderne qui accueille les Formule 1 à tous les deux ans... du moins tant que l'organisation sera sauvée de la faillite.

Car le complexe, qui comprend un casino, un centre commercial, un hôtel et un musée, est devenu un véritable éléphant blanc. Le projet, qui a nécessité un investissement colossal de 610 millions de dollars, ne fait pas ses frais. La dette à laquelle fait face l'État de Rhénanie-Palatinat, propriétaire du complexe depuis le retrait inattendu d'investisseurs privés, est de 365 millions.

Heureusement, les activités de la Nordschleife sont rentables et seraient vraisemblablement sauvées des eaux en cas de naufrage financier du nouveau complexe. Fermer la Nordschleife? Vous n'y pensez tout de même pas!

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Photo fournie par Nürburgring Automotive GmbH

Les activités de la Nordschleife sont rentables et seraient vraisemblablement sauvées des eaux en cas de naufrage financier du nouveau complexe du Nürburgring.