Tout le monde n'est pas né dans une famille de chasseurs, et la plupart des gens sont incapables de s'imaginer tuant un animal. En fait, sauf aux États-Unis, où il y a autant d'armes à feu que de bibles, la grande majorité des urbains n'ont jamais tenu un fusil.
Ce n'est pas un handicap au parcours de tir au pigeon d'argile du Château Montebello, qui est situé dans le domaine Kenauk, à une dizaine de kilomètres de l'hôtel. Une demi-heure après son arrivée, le néophyte total peut crier pull! et commencer à tirer sur des disques de terre cuite de 10 cm de diamètre qui s'envolent comme des frisbees à une vitesse pouvant atteindre 60 km/h.
«Nous avons deux clientèles: des chasseurs qui viennent juste pour le plaisir de tirer ou s'entraîner avant la chasse à la sauvagine ou au petit gibier, et des gens qui tirent uniquement au pigeon d'argile pour le plaisir de ce sport», explique la guide et instructrice de tir Lynda Melanson.
Le domaine Kenauk, avec ses chalets chics rustiques cachés dans la forêt sur le bord des lacs, attire probablement plus de chasseurs au parcours de tir, mais l'Hôtel Montebello amène beaucoup de citadins venus vivre une fois un vieux fantasme macho de cow-boy en tirant du .12 sans crainte d'avoir sur les mains le sang de la mère de Bambi. En plus, c'est écrit «biodégradable» sur la cible volante.
Dans ces conditions, tirer au fusil est très amusant. Même avec les bouchons dans les oreilles, le bang! est satisfaisant. Mais pas autant qu'atteindre une cible en plein vol, ce qui n'est pas aussi difficile que ça en a l'air. Les Browning Citori à deux coups .12 ou .20 (ce dernier est plus court et léger) du domaine Kenauk sont chargés avec des cartouches de plombs. Les plombs se déplacent en nuage et il suffit d'un seul plomb pour arracher au moins une fraction du disque. Si on vise bien, le disque explose littéralement.
C'est très excitant et le niveau de difficulté monte vite, mais les instructeurs ne font pas exprès de vous emmener dans les étapes trop difficiles pour avoir du plaisir.
La clientèle néophyte est très variée, dit l'instructeur Olivier Maurais: «Avant, on avait beaucoup d'enterrements de vie de garçon, mais maintenant, on a beaucoup plus de groupes d'employés amenés ici en activité par leur entreprise; c'est bon pour l'esprit d'équipe. Et des familles, aussi.» Il note par ailleurs que de plus en plus de femmes s'intéressent à ce sport.
Le tir au pigeon d'argile vient de la grande bourgeoisie d'Europe et des États-Unis, mais ce sport s'est grandement démocratisé depuis 1927 quand le Français Émile Laporte a inventé le lanceur à ressort. Aujourd'hui, les lanceurs carrousels à 160 cibles, activés par télécommande, permettent de tirer beaucoup et rapidement.