La crise économique et le séisme au Japon ont chamboulé la filière automobile, forçant équipementiers et constructeurs à repenser leurs relations avec l'objectif d'être mieux armés en cas de nouvelle tempête.

La plupart des grands équipementiers mondiaux ont affiché au premier semestre des résultats solides. Mais ils reviennent de loin: en 2009, nombre d'entre eux ont essuyé des pertes et n'ont redressé la barre qu'au prix d'importantes restructurations. Certaines entreprises, plus petites et plus fragiles, ont dû mettre la clé sous la porte.

Le risque de voir disparaître certains sous-traitants avec pour conséquence des ruptures d'approvisionnement et de possibles arrêts d'usines a conduit le secteur à revoir son mode de fonctionnement, explique Laurent Hebenstreit, directeur général adjoint de la division automobile de Plastic Omnium, un grand équipementier français.

«Les constructeurs se sont rendu compte qu'ils étaient très dépendants de leurs équipementiers et de leurs fournisseurs et qu'il leur fallait travailler sur un mode beaucoup plus proche», dit-il.

75% de la valeur et 50% environ des pièces d'un véhicule proviennent actuellement des équipementiers, rappelle Bertrand Rakoto, analyste chez Polk.

Or les relations entre les constructeurs, qui se concentrent souvent sur la carrosserie et le moteur, et les sous-traitants à qui ils ont délégué de plus en plus de tâches (fabrication des sièges, pot d'échappement, pare-chocs, planches de bord, etc.) au fil du temps, ne sont pas toujours des plus faciles.

«Les constructeurs avaient tendance à se montrer despotiques avec leurs fournisseurs et à s'en servir comme amortisseur de crise», souligne Carlos da Silva, analyste chez IHS Global Insight.

En France, les pouvoirs publics s'en sont mêlés pour tenter d'apaiser ces relations. Ce qui a abouti à la mise en place il y a deux ans de la Plateforme de la filière automobile (PFA), à la signature d'un code de bonne conduite entre donneurs d'ordre et fournisseurs et à la création de deux fonds (FMEA) pour aider financièrement les sous-traitants en cas de besoin, avec le soutien de Renault et de PSA Peugeot Citroën.

Ces mesures ont permis de consolider et de renforcer certaines branches, comme l'emboutissage, se félicite Yannick Bézard, responsable des achats chez PSA, qui estime qu'en cas de nouvelle crise, elles «seraient capables de résister».

Mais d'autres secteurs, comme la fonderie, restent fragiles, ajoute-t-il.

Ces mesures n'ont pas empêché la filière de se trouver de nouveau prise au dépourvu en mars, lorsque le séisme et le tsunami au Japon ont interrompu dans l'archipel la production de composants électroniques et de pigments utilisés par de nombreux fabricants automobiles à travers le monde.

Cet épisode a soulevé le problème de l'approvisionnement auprès d'un fournisseur unique. Pour Peter Tyroller, membre du directoire responsable des ventes chez Bosch, «cela va peser sur les stratégies d'approvisionnement à l'avenir».

Ces catastrophes ont eu le mérite de rendre les relations «plus transparentes», selon Franz Fehrenbach, le patron de l'équipementier allemand.

Une opinion partagée par M. Hebenstreit, qui estime qu'elles ont renforcé l'attention portée aux sous-traitants. «L'alerte a été très forte chez les constructeurs, cela leur a coûté beaucoup d'argent et ils n'ont pas envie que ça recommence».

Il n'est pas sûr toutefois que les leçons aient été tirées, juge M. Rakoto. «Il y  a un semblant de volonté de partenariat, mais aussi tricherie: du côté des équipementiers pour préserver leurs marges et du côté des constructeurs pour mettre la main dessus».