En se portant acquéreur de cette reine déchue qu'était la marque Bentley au début des années 2000, Volkswagen connaissait déjà l'avenir qu'on réservait à l'ancienne consoeur de Rolls-Royce. Emprisonnée dans un style immuable de berlines de haut standing, cette dernière ne pouvait se donner une vocation populaire. Par ailleurs, la notoriété et le passé sportif de Bentley offraient une certaine souplesse à ses nouveaux propriétaires. Celle de créer une voiture telle la Bentley Continental GT, la GTC sa cousine décoiffée et, plus récemment, l'audacieuse GT Speed avec ses 600 chevaux et une caisse un brin allégée.

Malgré un prix qui frise le quart de million de dollars (taxes incluses), la GT « de base » ne s'adresse pas particulièrement à la classe populaire ; il se situe néanmoins bien au-dessous de la facture qu'on doit acquitter pour s'offrir une Rolls-Royce.

Chez Volkswagen, lors du lancement de l'extravagante VW Phaeton, j'étais très sceptique sur les chances de succès d'une voiture du peuple à près de 100 000 $. J'avais donc demandé au réputé Ferdinand Piech, qui présidait alors les destinées de VW, ce qu'il allait faire si la voiture était un échec. Et c'est là qu'il m'avait lancé sur un ton un peu moqueur : « Nous en ferons une Bentley. » Et c'est précisément ce qui est arrivé. La Phaeton a été un bide et elle revoit le jour sous les traits des divers modèles de la gamme Continental.

Tout ce branle-bas explique pourquoi ces Bentley ont du sang allemand dans les veines. C'est ainsi que le châssis et le moteur proviennent de la Phaeton. Le moteur n'est pas le dernier venu puisqu'il s'agit d'un W 12 biturbo de 6 litres développant 552 chevaux et un couple de 479 livres-pieds. On a même eu recours à la traction intégrale Quattro héritée de l'appartenance d'Audi au groupe VW.

BIENVENUE AU SALON

Si les lignes extérieures sont proprement ravissantes, le charme n'est pas rompu quand on prend place à l'intérieur, où on a l'impression de se retrouver dans un salon particulier avec des cuirs surpiqués, des boiseries en ronce de noyer (ou en fibre de carbone dans la Speed) et une abondance de chrome vif argent. On trouve même une montre Bretling au milieu du tableau de bord et une pléthore d'accessoires de grand luxe.

Malheureusement, ma voiture d'essai était affligée d'une profusion de bruits de frottement provenant de la région du tableau de bord. Le moteur s'anime en émettant une sonorité fort agréable, et les accélérations sont absolument foudroyantes si on tient compte des deux tonnes et demie de ce quasi-poids lourd. Ce moteur est aussi performant qu'il est affamé et constitue une véritable usine à gaz avalant autour de 20 litres aux 100 sans même trop s'exciter. On dit que la Speed est moins vorace, mais j'ai aperçu 80 litres aux 100 km sur l'ordinateur de bord lors d'un départ pied au tapis.

La flotte entière des voitures de livraison de St-Hubert doit consommer moins. Sur la route, la Bentley Continental est trahie par ses pneus de 20 pouces qui rendent la suspension un peu sèche sur mauvaise route. On peut cependant compenser en variant les réglages à l'aide d'une mollette sur la console centrale. Pour le reste du comportement routier, rien à redire. La tenue de route est celle d'une GT bien élevée et les freins sont à la hauteur de la tâche.

Dans le cas de la version de 600 chevaux, les quatre disques ventilés sont rehaussés de l'option « céramique » assurant une endurance remarquable et une force de décélération supérieure aux freins ordinaires en acier. L'agrément de conduite est au rendez-vous, mais il n'est pas ici dans le même registre qu'une MX-5 (Miata).

CHEVEUX AU VENT

Les versions découvertes étant une tradition chez Bentley, la GT devient la GTC en perdant son couvre-chef en acier. Elle le troque pour une capote triple épaisseur qui, par rapport à ces nouveaux toits durs escamotables, a l'avantage d'être offert en des couleurs contrastant avec la carrosserie.

Ce cabriolet figure parmi les plus lourds du marché, affichant presque 2500 kg à la balance. En revanche, ces Bentley n'iront jamais se colleter avec une piste de course et se contentent d'afficher la réussite de leurs conducteurs dans les artères riches et branchées des quatre coins de la planète. Il ne vous reste qu'à évaluer si tout cela vaut le prix d'entrée.

Passionnément vôtre...

Cet essai est tiré du livre L'auto 2009, disponible à La librairie.

Bentley Continental 2009

Couverture du livre L'Auto 2009 des éditions La Presse.