Les produits Acura, Volkswagen et Lincoln inscrits à ce match ne risquent pas de renverser l'ordre établi, ni même de menacer l'hégémonie des Audi-BMW-Lexus-Mercedes dans le créneau des berlines de 40 000$ et plus. Acura, Lincoln et Volkswagen avancent toutefois, ici, des arguments qui trouveront écho auprès d'une clientèle disposée à sortir de «l'ordinaire».

En lisant le titre en une (la belle, la bête et la perdue), vous avez sans doute deviné que la belle, ici, c'est la Passat CC. Pour séduire, elle sacrifie une partie de sa fonctionnalité à l'esthétique. Volkswagen tente ici un pari qu'a déjà osé Mercedes avec le CLS. Ceinture de caisse inclinée et élevée donnant aux vitres des allures de meurtrières, toit en goutte d'eau, portières aux flancs travaillés, roues géantes, Wolfsburg a visiblement eu la main aussi heureuse que Stuttgart.

La pureté des lignes de l'allemande contraste ici fortement avec le style complexe de l'Acura. L'effet ne manque pas d'air certes - «c'est une bête», dira n'importe quel ado; mais le trait n'a, dans le détail, rien d'élégant non plus. La calandre, surtout, qui ressemble à... la première incisive dans la bouche d'un bébé. Chose certaine, cette nouvelle identité visuelle ne fait pas l'unanimité, et nombreux sont les carrossiers invités à noircir (ou colorer) cette «dent» sortie de nulle part.

Reste la Lincoln, qui inspire un peu la nostalgie avec sa calandre à fanons. L'américaine est plus enveloppée que les deux autres. Erreur de casting? Dans les faits, oui. Lincoln vise en effet un peu plus haut que les TL et CC.

Toutefois, malgré ses dimensions plus importantes, sa fiche technique a plusieurs similarités avec les deux autres; et elle est sensiblement dans la même fourchette de prix si on prend le rouage intégral.

Vie à bord

En matière d'habitabilité, la Lincoln échappe à toute comparaison. Ses fauteuils invitent à quadriller la province, le pays, voire le continent tout entier. Le moelleux des sièges, l'immense surface vitrée et la disposition de la banquette arrière, légèrement surélevée par rapport aux places avant, ne manqueront pas de plaire à tous les occupants. Bagages compris.

Avec ses quatre baquets individuels, la Passat CC fait plus intime. L'accès et la sortie sont plus délicats pour les occupants des places arrière étant donné la courbe du pavillon. Une fois assis, cependant, le dégagement est somme toute assez étonnant. Bien calé dans son siège, le passager se sentira sans doute un peu confiné en raison de la hauteur des glaces, mais le dégagement est très correct et le volume du coffre, très décent.

Plus enveloppée que l'allemande, mais moins que l'américaine, la japonaise donne, sur papier, l'impression de représenter le juste compromis. Nenni. Contre toute attente, l'Acura ne parvient pas à utiliser l'espace intérieur aussi bien que d'autres créations de la maison mère (Honda). Est-ce pour ménager son modèle haut de gamme, la RL? Toujours est-il que la banquette arrière de la TL peut accueillir seulement deux personnes et que le volume de son coffre est aussi vaste que celui d'une Civic... Comme dans le cas des deux autres, impossible d'accroître le volume de rangement en rabattant les dossiers; mais les trois ont un tunnel derrière l'accoudoir central pour faciliter le transport de longs objets (skis, bâtons de hockey, etc.).

Sur le plan de l'ergonomie, la Passat CC est de loin la plus simple à apprivoiser: toutes ses commandes tombent sous le sens. C'est cependant loin d'être le cas de la TL, dont la console centrale contient une quantité abominable de boutons. Quant à la MKS, on ne peut rien lui reprocher à part l'absence de rangements pratiques et le trop grand nombre d'accessoires (clignotants, essuie-glace) actionnés par un seul et même levier.

Au chapitre de la qualité de la fabrication, la Lincoln a l'avantage. Oui, une américaine. Le souci du détail est tangible, la qualité des matériaux aussi. La TL ne démérite pas, pas plus que la Passat CC; mais si la finition est sérieuse, la qualité des matériaux nous est apparue inégale.

Sur la route

Contre toute attente, la MKS occupe à ce stade-ci la tête de notre classement provisoire. Une performance qu'elle ne sera pas en mesure de répéter sur la route. L'américaine se révèle à cette étape-ci la plus confortable, mais ses deux rivales se montrent à la fois plus dynamiques et plus fougueuses.

Handicapé par le poids qu'il doit traîner, le moteur de 3,6 litres de l'américaine est incapable de suivre le rythme imposé par les deux autres voitures. Qui plus est, la gestion de sa boîte de vitesses est confuse. Lincoln n'est pas sans le savoir et proposera d'ici quelques mois une option avec un moteur suralimenté plutôt prometteur (puissance estimée à 340 chevaux) arrimé à une boîte plus alerte. D'ici là, la MKS doit s'incliner face à ses rivales dans tous les domaines, y compris la consommation... Seule consolation, des trois, elle est la seule à utiliser de l'essence ordinaire.

Même avec un seul arbre à cames et une boîte à cinq rapports, avec ses 305 chevaux, la TL met moins de sept secondes pour atteindre les 100 km/h après un départ arrêté; elle escalade ou rétrograde vivement. Musclé et plein de tonus, son 3,7 litres va même jusqu'à enregistrer la meilleure consommation de ce match.

Le V6 de 3,6 litres de la Volkswagen ne manque pas d'allant non plus (voir notre tableau technique) et doit en grande partie sa bonne performance à son bon couple à bas régime (2750 tr/mn). En revanche, sa mécanique manque de caractère et de souplesse, surtout quand vient le moment de la faire monter dans les tours. La boîte semi-automatique à six rapports compte sur une gestion précise, mais qui s'en tient au «programme», sans plus.

D'un point de vue dynamique, la TL en remet encore et creuse l'écart. Sa direction taille avec précision les virages; son freinage puissant et son châssis maîtrisent les mouvements de caisse avec fermeté. Trop de fermeté, estimeront certains automobilistes, qui préféreront sans doute la belle homogénéité de la Passat CC. Équilibrée et d'une stabilité rassurante, cette Volkswagen est, des trois, celle qui réussit le meilleur compromis entre tenue de route et confort. D'accord, la direction gomme en partie les sensations ressenties au volant, et les éléments suspenseurs gagneraient à s'assouplir davantage sur les petites déformations pour mieux se tendre sur les grandes. Globalement, l'allemande demeure cependant celle dont la conduite au quotidien exige le moins de compromis.

Quant à la MKS, si les aficionados de la marque ne manqueront pas de relever la gravité de la direction sur les routes sinueuses ou dans les manoeuvres à basse vitesse, les autres relèveront qu'elle est loin d'être un modèle d'agilité et qu'elle manque de souplesse et de fluidité dans les changements de cap. Son poids (encore et toujours) la prive de toute aspiration sportive et son freinage est le premier à en pâtir.

Budget

Si la TL remporte la deuxième manche, au cumulatif, c'est la Passat CC qui déboule en tête. Une position qu'elle conservera jusqu'à la fin devant une TL plutôt farouche, comme en fait foi le faible écart entre elles. La victoire de la Passat CC se résume en un mot: homogénéité. Moins typée que les deux autres, la Volkswagen est parvenue à se détacher du peloton en réalisant le meilleur des compromis. La TL est certes beaucoup plus athlétique et la MKS beaucoup plus routière, mais la Volkswagen est parvenue à une meilleure synthèse, un meilleur équilibre.

Sa valeur de revente n'est pas la plus élevée, pas plus que sa garantie n'est la plus complète. À ce chapitre, soulignons les révisions gratuites pendant la durée de la garantie chez Lincoln. Cela dit, la Volkswagen a atteint, sous son élégante carrosserie, un niveau de mise au point élevé, et sa consommation demeure somme toute raisonnable pour un véhicule d'une telle cylindrée. De plus, son rouage intégral n'est sans doute pas aussi sophistiqué que celui de la TL, mais il est assurément aussi performant que celui de la MKS.