Essai routier Jeep Wrangler 4xe : le cœur a ses raisons

Tirant profit de son exceptionnelle relation avec une clientèle passionnée, Jeep a vogué pendant plusieurs années dans des eaux passablement calmes. La marque de VUS traverse maintenant une période tumultueuse caractérisée par un flétrissement de la loyauté des acheteurs. Pilier de sa gamme, le légendaire Wrangler essuie également des tirs nourris de Ford (Bronco) et Toyota (Land Cruiser et 4Runner). Un contexte difficile pour un modèle 2024 retouché qui est tiraillé entre ses obligations modernes et son héritage sacré.

Le design 

L’emblématique calandre à sept fentes du VUS se fait maintenant plus modeste visuellement et plus texturée. En plus de moderniser la présentation, cela assure un meilleur refroidissement de la mécanique et ajoute de l’espace pour un puissant treuil optionnel d’une capacité de 3,6 tonnes. Ce Wrangler reste grandement attaché à ses origines utilitaires et à sa carrosserie cubique aux larges ailes qui nous laisse jouer au Playmobil avec certaines de ses pièces. Les costauds et élevés pare-chocs sont les seuls porte-à-faux visibles, pour mieux négocier les obstacles. Les possibilités de personnalisation, tant mécanique qu’esthétique, sont très vastes, ce qui implique davantage l’acheteur dans son achat, qui relève nettement plus de la passion que d’une simple transaction. Notons que la version 4xe enfichable, qui se démarque par ses accents bleutés, n’est livrable qu’avec la carrosserie Unlimited à quatre portières.

À bord 

On ne prend pas évidemment pas place à bord du Wrangler aussi aisément que dans un Honda CR-V. Le baroudeur n’a que faire des conventions avec ses étroites portières et sa garde au sol haut perchée. Une fois l’exercice fait, c’est une planche de bord remaniée qui nous accueille à l’avant avec une nouvelle sélection de matériaux surpiqués qui donnent une impression de meilleure qualité avec un nouvel écran horizontal. L’ergonomie demeure litigieuse en raison de la proximité de la planche de bord qui camoufle certaines commandes. On affectionne toutefois leur simplicité et leur aspect palpable qui tranchent avec bien des nouveaux produits qui s’égarent dans le numérique. Malgré l’étroitesse de son habitacle inhérente à sa conception, ce Wrangler étale un espace chaleureux et aéré grâce à un bon dégagement pour la tête.

Sous le capot 

Depuis 2021, le Wrangler est le seul VUS de son segment à être proposé avec une mécanique hybride rechargeable optionnelle. C’est un quatre-cylindres de 2 L turbocompressé qui est la matière de base. Un démarreur-alternateur de 44 ch et un moteur électrique intégré à la transmission de 134 ch permettent de préserver les quatre roues motrices en mode électrique. Ajoutez à cela une batterie de 17,4 kWh et on obtient près de 40 km d’autonomie dans les meilleurs contextes et environ 30 km lorsque l’on fait un parcours autoroutier par temps clément. Du reste, cette mécanique de 375 ch présente une très bonne souplesse, rendant les dépassements aisés. Le niveau sonore est toutefois élevé, même en mode électrique, alors qu’un cillement – parfois strident – se faufile dans l’habitacle. La faute revient à l’insonorisation sommaire de ce Wrangler.

Derrière le volant

Conduire un Wrangler constitue une expérience qui déborde du banal. Perché sur un haut châssis en échelle, le conducteur peut facilement placer dans l’espace le véhicule grâce au positionnement plus bas du capot et des ailes. Un avantage en conduite hors route. Comme VUS à usage quotidien, il impose néanmoins nombre de compromis. Sa direction est approximative, ce qui oblige à constamment faire des corrections pour garder le VUS en ligne droite. L’ajustement des amortisseurs à grand débattement et l’usage de ponts rigides à l’avant et à l’arrière font aussi amplifier l’effet des bosses sur le châssis, exposant un évident manque de cohésion sur l’asphalte. Il y a aussi l’indéniable problème d’insonorisation, accentué par le toit en tissu rétractable du modèle d’essai. Mais la somme de ces défauts fait le charme de ce Wrangler et lui permet d’être une redoutable monture pour conquérir des sentiers escarpés.

Les technologies embarquées 

Un nouvel écran tactile horizontal de 12,3 po fait son entrée au rayon technologique, élément qui permet de rajeunir ce Wrangler, du moins numériquement. La dernière cuvée du système Uconnect fait ainsi son apparition. Elle présente une meilleure définition d’image ainsi qu’un traitement des commandes plus rapide. Le positionnement des onglets verticaux à gauche, même quand CarPlay est en fonction, est une caractéristique fort appréciée pour rendre la navigation plus fluide. Les fonctionnalités sont en outre très complètes et exposent de manière intelligible le fonctionnement du groupe hybride. La qualité de l’image de la caméra de recul, qui devient excessivement granuleuse à la noirceur, détonne toutefois avec l’aspect moderne du système. La calibration du régulateur de vitesse adaptatif s’est aussi révélée problématique lors de l’essai en freinant lors de manœuvres de dépassement, sans raison apparente.

Le verdict 

À plus de 90 000 $ sans tenir compte des taxes, le Wrangler Rubicon 4xe mis à l’essai expose le fait que ce baroudeur aux manières plutôt crues est devenu au fil du temps un produit de luxe. La faible autonomie de son groupe hybride rechargeable et la consommation pas si basse de son moteur thermique ne permettent assurément pas de justifier un tel prix. Il faut plutôt s’en tenir ici à l’émotivité d’une telle acquisition pour l’expliquer et peut-être une quête de connexion avec un produit authentique et farouchement franc. En ce sens, Jeep reste une marque fascinante et captivante grâce à l’indéniable efficacité de sa mise en marché misant sur les atouts hors route de ses produits. Le Wrangler est en somme toujours aussi parfait dans ses imperfections, dont on s’amourache bien malgré soi. On ne peut empêcher un cœur d’aimer.