Il a quelque chose du castor, dans son museau ramassé, son physique compact et son efficacité faussement pataude. Il s'appelle Kangoo et il est fabriqué par Renault.

Nous n'avons pas de véhicule comme celui-là, chez nous. Dommage.

C'est un croisement typiquement français entre fourgon de livraison et voiture, avec l'ajout d'un gène rigolo et des transfusions d'exubérance lorsque nécessaire. Il se décline en versions pour le commerce, pour les particuliers... et pour les jeunes.

 

Il y a quelque chose de l'aigle, dans le nez busqué et l'acuité du regard. Il s'appelle Louis Morasse, il est typiquement québécois, et il est directeur du design pour la gamme des véhicules utilitaires de Renault.

Kangoo et Louis Morasse se sont rencontrés en 2005. C'était sans doute inévitable.

Déjà, durant ses études en design industriel à l'Université de Montréal, les projets de Louis Morasse orbitaient autour du transport: tracteur semi-remorque à cabine avancée, scooter... Sa route était tracée. En 1988, il entrait chez Renault. Pendant cinq ans, il a été le designer principal pour l'intérieur des voitures Mégane. C'est lui qui en a dessiné le tableau de bord.

En 1994, il est passé chez General Electric Medical Systems, toujours en France. «Après cinq ans sur le même projet, j'avais envie de voir autre chose», dit-il. Puis, au terme d'un intermède au Québec comme vice-président design chez BRP Produits récréatifs, il est revenu chez Renault en 2005. «À mon premier passage chez Renault, j'ai appris mon métier, relate-t-il. Chez GE, j'ai appris le business. C'est là que je suis devenu manager.»

Utile, le business. C'est ce qui lui permet de faire le pont entre les directeurs de programme, qui cherchent la rentabilité, et les concepteurs, qui cultivent des idéaux d'ergonomie et d'esthétique. «Je gère la créativité, tous les dessins, le suivi des pièces», explique-t-il.

Le designer de 47 ans ne manie plus le crayon - ou ce qui en tient lieu - depuis neuf ans. Pas de regret. «À un moment donné, on a fait pas mal de projets et il faut passer à autre chose.»

Il a passé l'essentiel de ses 24 ans de carrière en Europe, où il est venu, a vu et a vécu la révolution numérique. «J'ai vécu le passage du plâtre à la clay», raconte-t-il, cette terre glaise qui sert au modelage, dont l'usage, courant aux États-Unis, n'était pas encore installé en France. L'illustration 3D, la modélisation par éléments finis ont depuis fait leur apparition. «On lance tous les outillages et on n'a pas encore vu d'objet physique.» constate-t-il. «La première vague de prototypes qu'on voit est issue des outillages définitifs.» Mais les décisions esthétiques se prennent encore en face d'une maquette grandeur nature.

Au Technocentre Renault, à Guyancourt, au sud-ouest de Paris, Louis Morasse dirige une équipe d'une dizaine de designers. Le développement de la nouvelle fourgonnette commerciale Kangoo était déjà en cours à son arrivée, mais il a pu imprimer sa marque dans la version Be Bop, destinée à un public plus jeune. La partie arrière du toit glisse vers l'avant, pour offrir le ciel aux passagers.

Il a aussi guidé le projet prospectif Kangoo Compact Concept. «L'idée était de le ramener plus dans le monde urbain, de faire un véhicule plus surprenant, plus décalé», décrit-il. Il s'agissait d'y installer quatre jeunes et d'y associer un sport à leur image. La banquette peut pivoter pour faire face à l'arrière. La ridelle rabattable comporte des fentes de rangement pour des patins à roulettes.

L'année prochaine, Renault lancera son nouveau gros fourgon, dont Louis Morasse aura cette fois entièrement dirigé la conception: «Ce sera du moi à partir de zéro.»

Celui-là non plus nous ne le verrons pas ici. Dommage.