Alors que l'américain Ford connaît du succès en Chine avec ses petites voitures, le géant indien Tata Motors s'apprête à révolutionner le monde de l'automobile avec un véhicule à 2500$.

Cette petite merveille ne sera pas vendue chez nous, mais elle pourrait obliger les grands constructeurs à fabriquer des véhicules moins coûteux dans l'avenir. Entre-temps, les Canadiens pourront se consoler avec les rabais sur les véhicules neufs, attendus au printemps.

 

Avis aux consommateurs près de leurs sous: la voiture la moins chère au monde sera dévoilée aujourd'hui (jeudi) en Inde.

 

Construite par le fabricant indien Tata Motors, la «voiture du peuple» ne coûtera que 2500 $ US. Une aubaine qui vient sans radio ni air climatisé et dont le moteur - d'une puissance équivalente à celle d'un mini tracteur pour le gazon - ne peut rouler à plus de 120 km/h.

 

Pas de chance pour les acheteurs canadiens toujours intéressés, la dernière vedette du monde automobile sera vendue exclusivement en Inde.

 

«Cette voiture n'est pas adaptée au marché nord-américain. Si Tata veut l'exporter à l'extérieur de l'Inde, l'entreprise devra l'adapter aux normes de sécurité des pays développés, qui sont plus exigeantes que celles de l'Inde», dit Mark Nantais, président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, un organisme regroupant le célèbre «Big Three» américain - General Motors, Ford et Chrysler.

 

De toute façon, les constructeurs automobiles doutent que les Canadiens soient vraiment intéressés à la «voiture du peuple», conçue avant tout pour augmenter le nombre d'automobilistes en Inde, un pays émergent où la classe moyenne augmente.

 

Beaucoup d'Indiens aimeraient se procurer une voiture, mais ils n'ont pas les moyens de s'en payer une aux prix de l'Occident.

 

Selon l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, les consommateurs attirés par le prix alléchant de la «voiture du peuple» déchanteront vite après l'avoir examinée.

 

«Les Canadiens se sont habitués à une voiture confortable avec des options. Ils ont des attentes plus élevées car ils passent plus de temps dans leur voiture», dit son président Mark Nantais.

 

L'analyste Denis DesRosiers ne croit pas non plus à l'arrivée imminente d'une nouvelle voiture au rabais au Canada.

 

«C'est déjà possible d'acheter une automobile pour moins de 10 000$: ça s'appelle une automobile usagée», tranche le président de la firme DesRosiers Automobile Consultants.

 

«Le marché des autos usagées représente 2,5 millions de véhicules au Canada, et la moitié de ces véhicules sont vendus pour moins de 15 000$. Une nouvelle voiture à bas prix comme celle de Tata ferait concurrence au marché des voitures usagées, pas à celui des voitures neuves.»

Une influence sur les autres?

L'initiative de Tata Motors pourrait-elle inciter d'autres constructeurs à commercialiser une voiture à bas prix au Canada?

 

Actuellement, seules six voitures de l'année se vendent moins de 15 000$. La Chevrolet Aveo 2008 est à moins dispendieuse à 12 995$.

 

«Il y a toujours une place pour des autos moins chères dans un marché concurrentiel comme le nôtre», dit Richard Gauthier, président de la Corporation des Associations de détaillants d'automobiles.

 

«Si un fabricant arrive avec un véhicule à très bon marché, il y aura alors un effet domino.»

 

«À l'exception des fabricants qui se spécialisent dans les voitures haut de gamme, tous les fabricants veulent développer des modèles à bas prix. Le défi, c'est de le faire tout en respectant les normes canadiennes de sécurité», dit David Adams, président de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada, un organisme regroupant 13 fabricants étrangers, dont Honda, Nissan et Toyota.

 

Afin de réduire le prix des voitures neuves au Canada, les fabricants étrangers proposent d'adopter les normes américaines de sécurité.

 

«À mon avis, les différences entre les normes canadiennes et américaines sont négligeables, dit Davis Adams. Elles occasionnent pourtant un coût supplémentaire pour les fabricants, ce qui a un effet à la hausse sur le prix.»

 

Mais il n'y a pas que les normes de sécurité de l'Inde, plus permissives, qui ont permis à Tata Motors de réaliser son projet. Certains fournisseurs appelés à travailler sur la «voiture du peuple» ont été impressionnés par la créativité de l'entreprise indienne.

 

«Tata a décidé de laisser tomber les concepts traditionnels de structure de coûts et de recommencer à zéro», a dit Daryl T. Rolley, chef des opérations asiatiques de Ariba, l'un des fournisseurs de pièces de Tata, au New York Times.

 

Si la «voiture du peuple» est couronnée de succès, les autres constructeurs automobiles devront désormais prendre le plan d'affaires de Tata Motors au sérieux.

 

«Dans notre industrie, quand quelqu'un a une bonne idée, tous les autres l'étudient attentivement, dit David Adams, président de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada. Prenez l'exemple de Toyota, dont les techniques manufacturières ont révolutionné l'industrie automobile mondiale au cours des années 90.»

La Tata à 2500$ US

Le moteur, d'une valeur de 700$, est deux fois plus petit que celui de la moyenne des voitures. Il produit entre 30 et 35 chevaux-vapeur, soit la puissance d'une tondeuse.

 

La Honda Fit, l'une des plus petites voitures vendues aux États-Unis, dispose de 109 chevaux-vapeur.