(Detroit) Le constructeur automobile Ford retarde de deux ans le début de la production de véhicules électriques dans son usine d’Oakville, en Ontario, ce qui pourrait affecter des milliers d’emplois.

Le constructeur américain avait prévu de lancer la production dans l’usine canadienne, qui emploie 2700 personnes, en 2025, mais il repousse cette date à 2027.

L’année dernière, Ford a annoncé son intention de dépenser 1,8 milliard pour transformer son usine d’assemblage d’Oakville en un centre de fabrication de véhicules électriques, notamment pour l’assemblage de véhicules et de blocs-batteries.

Les travaux de rénovation de l’usine commenceront comme prévu au deuxième trimestre de cette année, mais le lancement des nouveaux véhicules électriques à trois rangées qui seront produits dans l’usine n’aura pas lieu avant 2027.

Selon l’entreprise, ce retard donnera au marché de la consommation plus de temps pour se développer et permettra de poursuivre le développement de la technologie des batteries pour véhicules électriques.

Certains employés resteront sur le site pendant la transformation de l’usine, mais il y aura des licenciements, a déclaré jeudi Said Deep, porte-parole de Ford.

Il a précisé que les employés ont droit à des prestations de sécurité du revenu pendant une période qui varie en fonction de leur ancienneté.

L’entreprise a ajouté qu’elle collaborerait avec Unifor, qui représente 3200 travailleurs de l’usine, afin d’atténuer l’impact du retard sur sa main-d’œuvre.

Unifor a déclaré souhaiter que Ford envisage toutes les options possibles pour atténuer les effets négatifs sur les travailleurs du « retard substantiel » dans le lancement de la production de VÉ à l’usine d’Oakville.

La présidente nationale du syndicat, Lana Payne, s’est dite extrêmement déçue par cette décision. Mme Payne a déclaré dans une interview qu’elle comprenait que la transition vers les véhicules électriques n’était pas facile, « mais rien de tout cela ne change la réalité à laquelle des milliers de travailleurs sont confrontés aujourd’hui, à savoir une grande incertitude et un retard de plusieurs années dans la production de véhicules électriques ».

Mme Payne a ajouté que le syndicat faisait tout ce qu’il pouvait pour « pousser l’entreprise à tenir les promesses faites à nos membres et les engagements qui ont été pris d’avoir une usine de production de véhicules robuste à Oakville qui inclut la construction de véhicules électriques ».

Le président-directeur général de Ford, Jim Farley, a expliqué que ce retard était une décision à long terme.

« Nous apprécions nos coéquipiers canadiens et comprenons que ce retard aura un impact sur cette excellente équipe, a dit M. Farley, président-directeur général de Ford, dans un communiqué. Nous nous engageons pleinement à produire au Canada et pensons que cette décision nous aidera à construire une entreprise rentable et en croissance sur le long terme. »

Le site d’Oakville comprend trois ateliers de carrosserie, un atelier de peinture et un atelier d’assemblage.

Ford a indiqué que les changements prévus sur le site comprennent une nouvelle usine de batteries où les ouvriers assembleront des pièces produites dans les usines américaines de Ford pour en faire des batteries qui seront ensuite installées dans les véhicules assemblés sur le site.

Les projets de dépenses de l’entreprise ont été annoncés pour la première fois en 2020 dans le cadre des négociations syndicales, les travailleurs souhaitant obtenir des engagements de production à long terme. Les trois constructeurs automobiles de Detroit ont finalement accepté d’investir dans les activités canadiennes dans le cadre d’accords de dépenses conclus avec les gouvernements fédéral et de l’Ontario.

Les deux gouvernements ont accepté de fournir 295 millions chacun pour garantir l’investissement de Ford.

Ford a aussi révélé jeudi que la construction d’une nouvelle camionnette électrique dans une nouvelle usine du Tennessee, qui a fait l’objet d’un grand battage médiatique, sera retardée d’un an, jusqu’en 2026.

Ce recul intervient alors que la croissance des ventes de véhicules électriques aux États-Unis s’est ralentie à 2,7 % au premier trimestre de l’année, bien en deçà de l’augmentation de 47 % qui avait permis d’atteindre des ventes record et une part de marché de 7,6 % l’année dernière. Les ventes de nouveaux véhicules ont augmenté de près de 5 % et la part de marché des véhicules électriques est tombée à 7,1 %.

Les ventes d’hybrides ont toutefois augmenté de 45 % de janvier à mars, tandis que les hybrides rechargeables, qui peuvent parcourir une courte distance sur leur batterie avant qu’un système essence-électricité n’entre en action, ont progressé de 34 %, selon Motorintelligence.com.

Ford a également déclaré qu’il « prévoit d’offrir » des versions hybrides de tous ses véhicules de tourisme à essence d’ici la fin de la décennie en Amérique du Nord.

Les analystes du secteur expliquent que la plupart des premiers adeptes de la technologie et les personnes désireuses de réduire les émissions ont déjà acheté des véhicules électriques. Les constructeurs automobiles doivent maintenant convaincre les acheteurs sceptiques de passer à l’électrique, mais ces clients craignent une autonomie limitée et un manque de stations de recharge.

Ford s’attend à ce que les pertes avant impôts de son unité de véhicules électriques passent de 4,7 milliards US l’année dernière à une fourchette de 5 à 5,5 milliards US cette année. En revanche, il prévoit que les véhicules commerciaux réaliseront un chiffre d’affaires de 8 à 9 milliards US, contre 7,2 milliards US l’année dernière. Les véhicules à essence et les hybrides devraient rapporter entre 7 et 7,5 milliards US, soit à peu près autant que l’année dernière.