La seule mine de lithium en activité au Québec aurait pu cesser ses activités avant que ses propriétaires lui donnent une autre chance. La réduction des coûts sera déterminante pour l’avenir du complexe Lithium Amérique du Nord à La Corne, en Abitibi-Témiscamingue, alors que le marché bat toujours de l’aile.

Après une évaluation qui s’est échelonnée sur un peu plus de deux mois et qui a emporté 15 cadres et l’ancien chef de la direction de la filiale québécoise de Sayona, l’entreprise et son partenaire Piedmont Lithium parient qu’une augmentation de la production combinée à une diminution des dépenses procurera une viabilité au complexe.

Ce dénouement aurait cependant pu être différent.

« Les partenaires ont également évalué divers scénarios d’entretien et de maintenance qui prévoyaient le ralentissement ou l’arrêt de l’exploitation minière, le traitement des stocks existants uniquement et l’interruption des activités pendant une période pouvant aller jusqu’à 12 mois », a indiqué Sayona, jeudi, en annonçant sa décision.

Il n’a pas été possible de s’entretenir avec les dirigeants de Sayona, qui est établie en Australie. La directrice des communications de sa division québécoise, Bianca Galimi, a indiqué par courriel que l’entreprise souhaitait démontrer à ses actionnaires que « toutes les options » avaient été analysées.

Si l’extraction de lithium continue à La Corne, il y aura des « évaluations régulières » des activités afin de déterminer s’il est possible ou non d’atteindre les objectifs, affirme Sayona.

« Nous sommes convaincus que cette approche permettra à Sayona de maximiser la valeur pour ses actionnaires dans une perspective de reprise attendue du marché du lithium », souligne son chef de la direction intérimaire, James Brown, dans un communiqué.

Un peu de répit

La nouvelle a permis au titre de Sayona de reprendre du poil de la bête. L’action s’est appréciée de 10,5 %, jeudi, pour clôturer à 4 cents. Depuis le début de l’année, le titre affiche néanmoins un recul de 40 %.

« Je pense qu’il faut voir la décision d’un bon œil, estime Éric Lemieux, analyste minier chez EBL Consultants. On donne la chance au coureur. Plutôt que de tirer la plogue et d’arrêter tout de suite, on essaie de faire progresser les choses. »

Lithium Amérique du Nord, qui appartient à Sayona (75 %) et à Piedmont (25 %), est loin d’être le seul complexe minier à pâtir de l’actuel cycle baissier.

En Australie – premier producteur mondial de lithium –, les annonces de compressions et les suspensions de plans d’expansion se sont accumulées depuis le début de l’année. Au Québec, l’extraction fait partie de l’écosystème des batteries que le gouvernement Legault tente de mettre en place.

Les prix du spodumène se sont effondrés depuis un peu plus d’un an. En janvier dernier, la tonne est passée sous la barre des 1000 $ US pour la première fois depuis août 2021, selon la firme londonienne Benchmark Minerals. Elle a depuis effectué une légère remontée pour se négocier aux alentours de 1135 $ US. On est loin du prix de 7640 $ US observé en janvier 2023.

Ce plongeon est notamment attribuable à ce qui se passe en Chine, marché où l’on retrouve le plus grand nombre de véhicules électriques. Même si les livraisons doivent grimper de 25 % cette année, d’après l’agence Bloomberg, la progression ne sera pas aussi prononcée qu’en 2023 (36 %) et 2022 (96 %). Ce coup de frein fait décliner la demande de minéraux critiques utilisés pour fabriquer des batteries.

Loin de la cible

En dépit de la remontée du prix de la tonne de spodumène, il y a encore du travail à faire à La Corne. Selon l’étude de faisabilité diffusée en avril dernier, les promoteurs tablent sur un prix moyen de 1352 $ US la tonne pendant la durée de vie de la mine, soit environ 20 ans. Le manque à gagner est d’environ 16 %.

Près de 13 000 tonnes métriques de concentré ont été produites en Abitibi-Témiscamingue le mois dernier. En décembre dernier, le coût de chaque tonne métrique était estimé à environ 840 $ US. On devrait avoir une idée de la réduction anticipée « plus tard » cette année lorsque la production aura augmenté.

« Le budget d’exploration de Sayona demeure le même, souligne M. Lemieux. Cela donne aussi de l’espoir. On a peut-être touché le fond du baril dans le lithium. »

Sayona est impliquée dans plusieurs projets au Québec. Elle est notamment propriétaire du gisement Authier (à 30 kilomètres d’Amos) et détient 60 % du projet Moblan (au nord de Chibougamau).

En savoir plus
  • 196 personnes
    Effectif total de Sayona au Québec
    Source : Sayona
    2019
    Année où la première mouture de Lithium Amérique du Nord s’est placée à l’abri de ses créanciers
    Source : La Presse