Devenu, grâce à sa Prius, le principal apôtre de la technologie hybride, Toyota a également un sens de l'image affûté. En communiquant intensivement sur le thème de la voiture propre, le numéro un japonais parvient presque à faire oublier qu'il est un énorme producteur d'utilitaires «malpropres».

Devenu, grâce à sa Prius, le principal apôtre de la technologie hybride, Toyota a également un sens de l'image affûté. En communiquant intensivement sur le thème de la voiture propre, le numéro un japonais parvient presque à faire oublier qu'il est un énorme producteur d'utilitaires «malpropres».

Agacement. C'est ce que suscite, chez les constructeurs, la question «À quand votre hybride ?» Sauf chez Toyota et Honda bien sûr. Pour leurs rivaux, c'est «du pur marketing». Un «artifice», a déjà déclaré Carlos Ghosn, PDG de l'alliance Renault Nissan. Pour lui, mieux vaut vendre des millions de voitures classiques à consommation et pollution réduites qu'une poignée de modèles hybrides. Reste que les absents ont toujours tort, et qu'un boulevard s'offre aux deux japonais. À Toyota surtout, qui a fait de cette technologie son fer de lance.

Toyota entretient jalousement son image de constructeur le plus vert de la planète. Il n'y a qu'à voir les publicités du constructeur à cet effet. Cette image rapporte gros sur le plan de l'image, mais elle a un coût. Selon la concurrence, le numéro un nippon perd de l'argent sur chaque véhicule hybride vendu. Les chiffres avancés : de 1500 $ à 3500 $ l'unité. Toyota ne commente pas les rumeurs et les laisse courir, y compris celle voulant que le groupe efface toute différence de prix entre les modèles classiques à essence et les hybrides à compter de l'an prochain. Si tel est le cas, avec les subventions accordées par nos gouvernements, les consommateurs n'auront plus d'excuse. La solution hybride sera sans contredit la plus économique et la plus écologique de l'heure.

Toyota en a les moyens. Sa trésorerie actuelle lui permettrait de racheter comptant Ford et GM et sa valeur boursière représente un peu plus du quart de la capitalisation boursière de tous les constructeurs réunis. En outre, ses actionnaires ne sont pas du genre à réclamer des comptes. La direction des autres constructeurs aurait du mal à justifier des ventes à perte face à des actionnaires qui exigent des rendements.

Et les pertes (s'il y en a) sont limitées vu le nombre de véhicules hyrides qui ont trouvé preneurs dans le monde jusqu'ici. Une broutille, une peccadille, comparé aux quelque huit millions (bientôt neuf millions) de Toyota vendues parallèlement chaque année. Imaginez seulement les lucratives marges de profit du constructeur japonais sur le million d'utilitaires qu'il a vendus, l'an dernier ! D'un point de vue écologique, la pincée de CO2 épargnée d'un côté ne fait pas le poids face aux gaz à effets de serre générés de l'autre. Pensez au Tundra, au Sequoia et autres utilitaires proposés par Lexus, sa filiale. Sceptiques ? Seulement au Québec, l'année dernière, 548 Prius ont trouvé preneurs (une baisse de 13,6 % par rapport à l'année précédente) alors qu'il s'est écoulé 504 Tundra et Sequoia (en baisse, eux aussi). Je suis peut être nul en calcul, mais 504 Tundra et Sequoia consomment et polluent davantage que 548 Prius, non ?

Mais Toyota a au moins le mérite de faire avancer le sujet et de contribuer à l'amélioration de la qualité de l'air que nous respirons. Sa seconde Prius a été suivie des Highlander, RX400h, d'une GS450h, d'une Camry et bientôt d'une LS600h. Après être devenue un modèle de fiabilité, la marque est donc l'aiguillon qui pousse ses rivales à jouer, à leur tour, de l'hybride. Honda, Ford, GM, Nissan y sont symboliquement représentés et d'autres constructeurs s'apprêtent à les rejoindre. Sur la pointe des pieds, eux aussi.

Il est vrai que la solution hybride ne manque pas de pertinence, mais elle est surtout vertueuse en ville. En attendant l'hydrogène ou le tout électrique, moi, je privilégierais une diesel/hybride. Sur route, les diesels modernes se montrent plus sobres. Pourquoi ne pas combiner les deux. Qui sera le premier à me l'offrir ? DaimlerChrysler ? Ou Volkswagen, qui récemment présentait le prototype d'un moteur diesel/hybride capable de consommer moins de 4 L/100 km ?

À la réflexion, Toyota n'est pas le plus vert des constructeurs, comme s'essoufflent à le dire ceux qui confondent communication d'entreprise et mise en perspective. Mais saluons l'initiative, qui donne un autre relief au très lisse Toyota. Car sur les trois cordes de son shamisen, ni celle du style (inconstant et suiveur), ni celle de l'émotion au volant ou des éclats sportifs (insuccès en F1) ne nous ont vraiment fait vibrer... jusqu'à maintenant.