Tous les trois mois, Tesla publie un rapport de sécurité qui indique le nombre de kilomètres entre deux accidents lorsque les conducteurs utilisent le système d’aide à la conduite de l’entreprise, l’Autopilot, et le nombre de kilomètres entre deux accidents lorsqu’ils ne l’utilisent pas.

Ces chiffres montrent toujours que les accidents sont moins fréquents avec le système Autopilot, un ensemble de technologies capables de diriger, de freiner et de faire accélérer les véhicules Tesla de manière autonome.

Mais ces chiffres sont trompeurs. L’Autopilot est principalement utilisé pour la conduite sur autoroute, qui est généralement deux fois plus sûre que la conduite dans les rues d’une ville, selon le ministère des Transports. Il se peut qu’il y ait moins d’accidents avec Autopilot simplement parce qu’il est généralement utilisé dans des situations plus sûres.

Tesla n’a pas fourni de données qui permettraient de comparer la sécurité de l’Autopilot sur les mêmes types de routes. Les autres constructeurs automobiles qui proposent des systèmes similaires ne l’ont pas fait non plus.

L’Autopilot est présent sur les routes publiques depuis 2015. General Motors (GM) a introduit Super Cruise en 2017, et Ford Motor a sorti BlueCruise l’année dernière. Mais les données accessibles au public qui mesurent de manière fiable la sécurité de ces technologies sont rares. Les conducteurs américains – qu’ils utilisent ces systèmes ou qu’ils partagent la route avec eux – sont effectivement des cobayes dans une expérience dont les résultats n’ont pas encore été révélés.

Les constructeurs automobiles et les entreprises technologiques ajoutent de plus en plus de fonctions aux véhicules qui, selon eux, améliorent la sécurité, mais il est difficile de vérifier ces affirmations. Pendant ce temps, le nombre de morts sur les routes et dans les rues du pays n’a cessé d’augmenter ces dernières années, atteignant son plus haut niveau depuis 16 ans en 2021.

Il semblerait que toute la sécurité supplémentaire apportée par les avancées technologiques ne compense pas les mauvaises décisions des conducteurs au volant.

« Il y a un manque de données qui donneraient au public la certitude que ces systèmes, de la façon dont ils sont déployés, sont à la hauteur des avantages attendus en matière de sécurité », a affirmé J. Christian Gerdes, professeur de génie mécanique et codirecteur du Centre de recherche automobile de l’Université de Stanford, qui a été le premier responsable de l’innovation pour le ministère des Transports.

GM a collaboré avec l’Université du Michigan pour une étude qui a exploré les avantages potentiels de la Super Cruise en matière de sécurité, mais a conclu qu’elle ne disposait pas de suffisamment de données pour déterminer si le système réduisait les accidents.

PHOTO FOURNIE PAR GENERAL MOTORS

Le système Super Cruise de General Motors sur une Cadillac

Dévoiler les chiffres

Il y a un an, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), l’organisme gouvernemental de réglementation de la sécurité automobile, a ordonné aux entreprises de signaler les accidents potentiellement graves impliquant des systèmes avancés d’aide à la conduite de type Autopilot dans la journée suivant leur découverte. L’ordre stipulait que l’agence rendrait les rapports publics, mais elle ne l’a pas encore fait.

L’agence de sécurité a refusé de commenter les informations qu’elle a recueillies, mais a déclaré dans un communiqué que les données seraient publiées « dans un avenir proche ».

Tesla et son PDG, Elon Musk, n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. GM a déclaré avoir signalé deux incidents impliquant Super Cruise à la NHTSA : un en 2018 et un en 2020. Ford a refusé tout commentaire.

Il est peu probable que les données de l’agence fournissent un tableau complet de la situation, mais elles pourraient encourager les législateurs et les conducteurs à examiner de beaucoup plus près ces technologies et, en fin de compte, à changer la façon dont elles sont commercialisées et réglementées.

Malgré ses capacités, l’Autopilot ne déresponsabilise pas le conducteur. Tesla demande aux conducteurs de rester vigilants et d’être prêts à prendre le contrôle de la voiture à tout moment. Il en va de même pour BlueCruise et Super Cruise.

Mais de nombreux experts craignent que ces systèmes, parce qu’ils permettent aux conducteurs d’abandonner le contrôle actif de la voiture, ne les amènent à penser que leur voiture se conduit toute seule. Ensuite, lorsque la technologie fonctionne mal ou ne peut pas gérer une situation par elle-même, les conducteurs peuvent ne pas être préparés à reprendre le contrôle aussi rapidement que nécessaire.

Les technologies plus anciennes, comme le freinage automatique d’urgence et l’alerte de franchissement de ligne, offrent depuis longtemps des filets de sécurité aux conducteurs en ralentissant ou en arrêtant la voiture ou en les avertissant lorsqu’ils dévient de leur voie. Mais les nouveaux systèmes d’assistance au conducteur inversent la donne en faisant du conducteur le filet de sécurité de la technologie.

Les dangers

Les experts en sécurité sont particulièrement préoccupés par l’Autopilot en raison de la façon dont il est commercialisé. Pendant des années, M. Musk a affirmé que les voitures de sa société étaient sur le point d’atteindre une véritable autonomie, c’est-à-dire se conduire elles-mêmes dans pratiquement toutes les situations. Le nom du système implique également une automatisation que la technologie n’a pas encore atteinte.

Cela peut conduire à une certaine complaisance de la part du conducteur. L’Autopilot a joué un rôle dans de nombreux accidents mortels, dans certains cas parce que les conducteurs n’étaient pas prêts à prendre le contrôle de la voiture.

M. Musk a longtemps fait la promotion de l’Autopilot comme un moyen d’améliorer la sécurité, et les rapports trimestriels de Tesla sur la sécurité semblent lui donner raison. Mais une étude récente du Virginia Transportation Research Council, une division du département des Transports de la Virginie, montre que ces rapports ne sont pas ce qu’ils semblent être.

« Nous savons que les voitures utilisant l’Autopilot ont moins d’accidents que lorsque l’Autopilot n’est pas utilisé », a déclaré Noah Goodall, chercheur du Conseil qui explore les questions de sécurité et de fonctionnement des véhicules autonomes. « Mais sont-ils conduits de la même manière, sur les mêmes routes, au même moment de la journée, par les mêmes conducteurs ? »

En analysant les données de la police et des assurances, l’Insurance Institute for Highway Safety, un organisme de recherche à but non lucratif financé par le secteur de l’assurance, a constaté que les anciennes technologies, comme le freinage d’urgence automatique et l’alerte de franchissement de ligne, ont amélioré la sécurité. Mais l’organisme affirme que les études n’ont pas encore démontré que les systèmes d’assistance au conducteur offrent des avantages similaires.

Le problème vient en partie du fait que les données de la police et des assurances n’indiquent pas toujours si ces systèmes étaient utilisés au moment de l’accident.

L’agence fédérale de sécurité automobile a ordonné aux entreprises de fournir des données sur les accidents dans lesquels les technologies d’assistance au conducteur étaient utilisées dans les 30 secondes suivant l’impact. Cela pourrait donner une image plus large de la performance de ces systèmes.

Mais même avec ces données, il sera difficile, selon les experts en sécurité, de déterminer si l’utilisation de ces systèmes est plus sûre que leur désactivation dans les mêmes circonstances.

Consultez le texte dans sa version intégrale (en anglais)