Les motoneiges font partie de la trame sonore hivernale. À leur pire, elles brisent le silence de la forêt comme le feraient des motos sur des skis. Mais les traîneaux motorisés qui bondissaient le long d’un sentier de montagne boisé en février étaient silencieux, à l’exception du bruit des patins métalliques sur la neige.

Les machines, construites par une jeune entreprise canadienne, Taiga, étaient alimentées par des batteries – les premières motoneiges électriques vendues à grande échelle – et symbolisent la manière dont les moyens de transport de toutes sortes sont en train de migrer vers une propulsion sans émissions. Taiga propose également des motomarines à batterie, une autre forme de loisir où la version à essence est considérée dans certains milieux comme un fléau.

Bien que les voitures électriques attirent le plus l’attention, les tondeuses à gazon, les bateaux, les bicyclettes, les scooters et les véhicules tout-terrain électriques prolifèrent. Dans certaines catégories, les machines alimentées par batterie gagnent des parts de marché plus vite que les voitures électriques ne conquièrent le monde de l’automobile. De jeunes entreprises courtisent les investisseurs en prétendant être les Tesla du secteur de la navigation de plaisance, du cyclisme ou de l’entretien des pelouses et des jardins.

Les avantages environnementaux sont potentiellement importants. Contrairement aux voitures et aux camions, les moteurs hors-bord ou les tondeuses à gazon ne sont généralement pas équipés de convertisseurs catalytiques pour réduire les émissions nocives. Ils sont bruyants et utilisent souvent un carburant de moindre qualité.

Selon le California Air Resources Board, une tondeuse à essence génère autant de pollution en une heure qu’un trajet de 480 km en voiture.

La Californie a adopté une loi visant à interdire les tondeuses à essence à partir de 2024, et tous les nouveaux véhicules à essence d’ici 2035. Mais les ventes de solutions de rechange électriques augmentent même sans l’impulsion du gouvernement.

L’un des premiers clients des motoneiges Taiga a été la Taos Ski Valley, au Nouveau-Mexique, qui se présente comme une station de ski soucieuse de l’environnement. La patrouille de ski de Taos et les employés chargés de l’entretien des pistes utiliseront les motoneiges électriques pour des tâches telles que le transport de skieurs blessés ou l’entretien des équipements de fabrication de neige, a déclaré David Norden, PDG de Taos Ski Valley. Lorsque le ski reprendra cette année, Taos prévoit également de déployer une dameuse électrique construite par Kässbohrer Geländefahrzeug, une entreprise allemande.

Bien que les motoneiges électriques, dont le prix de départ est de 17 500 $, soient plus chères que leurs homologues à essence, qui peuvent être achetées pour moins de 10 000 $, la station économisera de l’argent sur le carburant et l’entretien, a déclaré Norden.

« Si vous faites l’analyse coûts-avantages, vous êtes probablement proche du seuil de rentabilité, a-t-il déclaré. Ce ne sont pas seulement des décisions pour l’environnement, mais aussi de bonnes décisions pour notre résultat net. »

Mais parfois, les gens se convertissent à l’énergie électrique parce qu’elle offre des avantages pratiques.

Les acheteurs d’équipements électriques pour la pelouse et le jardin interrogés par le Freedonia Group, un cabinet d’études, ont cité la réduction du bruit, les faibles coûts d’entretien et la suppression de la nécessité de stocker des bidons d’essence dans le garage comme leurs priorités les plus importantes. Souvent, les souffleurs de feuilles ou les coupe-bordures électriques sont moins chers et plus légers que les versions à essence.

Les défis du bateau

Mais l’électrification des bateaux et des autres véhicules présente souvent des défis technologiques. L’énergie électrique fonctionne pour les petites embarcations ou les bateaux qui ne se déplacent pas très loin. C’est la seule option sur les centaines de lacs où les moteurs hors-bord classiques sont interdits en raison du bruit ou de la pollution.

Mais comme l’eau crée une grande résistance, les gros bateaux à moteur ont besoin d’une puissance continue supérieure à celle que les batteries actuelles peuvent fournir. (Les voiliers, bien sûr, fonctionnent à l’énergie éolienne depuis des milliers d’années.)

Les batteries sont « une partie de la réponse à l’avenir, mais pas nécessairement la réponse complète », a déclaré David Foulkes, PDG de Brunswick, qui fabrique les moteurs marins Mercury.

Pourtant, Mercury a dévoilé un prototype de moteur hors-bord électrique et observe attentivement le passage à l’électrification.

« Nous avons l’intention d’être un leader dans ce domaine, a déclaré M. Foulkes, qui conduit une Porsche à batterie. Même si le marché est petit pour le moment, nous voulons être là et voir ce que fait le marché. »

Samuel Bruneau, PDG de Taiga, a déclaré que l’électrification des motoneiges était un défi, car les batteries et les moteurs devaient supporter des températures extrêmes et des terrains accidentés.

« Personne ne venait dans ce marché, car cela nécessitait une nouvelle technologie, a-t-il déclaré. C’est l’occasion que nous avons vue. »

La concurrence arrive. BRP, une société établie au Québec qui construit les motoneiges Ski-Doo ainsi que des véhicules tout-terrain et des bateaux à moteur, a déclaré qu’elle proposerait des versions électriques de tous ses produits d’ici 2026. L’entreprise prévoit également d’entrer sur le marché des motocyclettes avec une gamme de deux-roues électriques en 2024.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

José Boisjoli, PDG de BRP

« Il y a là une tendance portée par l’automobile, a déclaré José Boisjoli, PDG de BRP, qui est le plus grand constructeur de motoneiges. Nous ne pouvons pas l’ignorer. »

Mais il a ajouté que la transition serait plus lente dans le secteur des loisirs. D’une part, les marchés sont beaucoup plus petits, et il est donc plus difficile de réaliser les économies de coûts qui découlent de la production de masse. Moins de 135 000 motoneiges ont été vendues dans le monde en 2021, comparativement à environ 60 millions de voitures.

De plus, les motoneiges et les bateaux à moteur ne bénéficient pas des subventions gouvernementales ou des allégements fiscaux qui peuvent réduire de plusieurs milliers de dollars le prix d’une voiture électrique. La recharge est également un problème dans les bois. Taiga a installé des bornes de recharge le long d’un réseau de sentiers de motoneige très fréquenté au Québec, et elle en prévoit d’autres.

Mais les motoneigistes qui s’aventurent dans les régions sauvages préféreront toujours l’essence, selon M. Boisjoli. « Le moteur à combustion sera présent dans les motoneiges longtemps », a-t-il dit.

Dominic Jacangelo, directeur général de la New York State Snowmobile Association, est d’accord pour dire que les motoneigistes de longue distance, qui peuvent facilement parcourir plus de 160 km par jour, seront sceptiques.

Néanmoins, M. Jacangelo a déclaré qu’il était impatient d’essayer une Taiga. « En matière de performance, vous avez une motoneige qui peut rivaliser avec n’importe quelle autre sur le marché », a-t-il déclaré.

Les motoneiges électriques étant plus silencieuses, elles pourraient contribuer à réduire les frictions entre les motoneigistes et les personnes qui considèrent ces machines comme un affront à la nature. Cela permettrait d’ouvrir davantage de terrains aux motoneiges.

« Il est certain, dit M. Jacangelo, qu’une luge électrique va changer l’opinion de beaucoup d’environnementalistes sur la motoneige. »

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