La comédienne et réalisatrice Andréanne Théberge décortique le cycle menstruel dans une série documentaire décomplexée, à la fois drôle et colorée, mais aussi pédagogique et engagée. Un visionnement qui peut difficilement nous laisser indifférents. Cinq choses à savoir sur SPM : splendeurs, peines et mystères du cycle menstruel, offerte dans la section Véro.tv d’ICI Tou.tv Extra.

Cinq ans avant que le projet soit approuvé

Offerte depuis la mi-mai, la série a mis cinq ans avant d’être acceptée. « Tout le monde, les boîtes de production, les diffuseurs, me disait qu’il n’y avait rien à dire », explique Andréanne Théberge, rencontrée chez elle la semaine dernière. Dur à croire, après avoir visionné les quatre premiers épisodes de 20 minutes (un cinquième sera déposé fin juin), assez denses merci, lesquels donnent la parole à quantité de femmes, mariant témoignages et réflexions, et ô combien de questions. Sans parler de toutes les petites animations de vulgarisation, entourant plusieurs concepts méconnus des principales intéressées (endométriose, glaire cervicale, fornix, etc.), et l’étendue des sujets traités (du SPM sévère aux congés menstruels en passant par la question de la gratuité des produits menstruels dans les écoles).

« Tout a changé le jour où la série Loto-Méno est sortie, poursuit la réalisatrice. Voilà ! Il y a plein de choses à dire, les femmes veulent en parler. Véronique Cloutier a ouvert la voie à ce qu’on parle enfin des problèmes des femmes et du corps des femmes ! »

Son histoire

À l’origine du projet : l’histoire des menstruations (ou plutôt l’absence de) d’Andréanne Théberge, qu’elle révèle d’entrée de jeu dans le premier épisode. « J’ai perdu mes menstruations quand j’avais 21 ans. » Surtout, toutes ses amies l’enviaient, se souvient-elle. « Ça me fascinait d’entendre ça. » Ça la mystifiait, plutôt : comment est-ce possible qu’aucune femme n’apprécie ce cycle, pourquoi n’en parle-t-on pas, « y a-t-il moyen d’ouvrir le dialogue ? », résume-t-elle. Ce n’est pas tout : quand ses menstruations sont finalement revenues, Andréanne venait de rencontrer son amoureux actuel. En thérapie, elle a réalisé que peut-être son corps lui parlait. Ça a l’air ésotérique dit comme ça, on vous l’accorde. N’empêche : « De 19 à 21 ans, j’ai été dans une relation toxique, et je me suis remémoré une phrase de ma mère, qui m’avait dit qu’elle avait tellement eu peur que je tombe enceinte. Ensuite, je n’ai plus été menstruée. » Est-ce que son corps lui a véritablement « parlé » ? Si on aurait aimé entendre un médecin réagir, la série a au moins le mérite d’aborder le sujet. De son côté, Andréanne Théberge n’en doute pas : « Je suis fascinée à quel point notre cycle menstruel est lié à notre tête ! »

Un documentaire d’opinion

Ceci explique cela ? Chaque épisode est précédé de la notice « documentaire d’opinion ». « Peut-être parce que je ne suis pas journaliste, et je donne la voix à plein de femmes qui ont des opinions différentes ? », avance Andréanne Théberge. C’est l’un des grands intérêts de la série : la pluralité des témoignages. Des jeunes, des personnes âgées, des gens connus (Kim Thúy, Sarah-Maude Beauchesne, Catherine Fournier, Catherine Ethier), d’autres pas, toutes (et tous, puisque plusieurs hommes prennent aussi la parole) ont quelque chose à dire sur les menstruations.

IMAGE FOURNIE PAR RADIO-CANADA

L’un des grands intérêts de la série : la pluralité des témoignages. On voit ici Andréanne Théberge (à gauche) et Catherine Ethier (à droite).

« Il y a autant de façons d’être menstruées que de femmes ! » À noter qu’on entend également une gynécologue, une journaliste scientifique, un homme trans ainsi qu’une « guide » en santé des femmes, responsable d’une retraite autour du « féminin sacré ». Ça vous donne une idée de la diversité des angles ici touchés.

Un homme qui expérimente les douleurs menstruelles

Peut-être avez-vous vu l’animateur Jean-Philippe Wauthier essayer la fameuse machine à simuler les douleurs menstruelles, à l’émission Bonsoir bonsoir ! dernièrement. C’est la même qu’a testée le preneur de son du documentaire, pendant le tournage. « J’ai vu ça en ligne, explique la réalisatrice, et c’était vraiment important pour moi de l’avoir dans la série. » Objectif ? L’empathie ! « On se fait souvent dire : “oh, les femmes, vous avez toujours un petit bobo”, mais on est puissantes ! Notre seuil de tolérance est supérieur à celui des hommes ! » Le preneur de son en question n’a pas enduré la machine (composée d’une série d’électrodes à poser dans le bas-ventre et le dos) plus de 25 minutes. « Je n’en reviens pas que vous tolériez ça », paraphrase Andréanne Théberge qui espère que l’exercice fera encore jaser longtemps. « Beaucoup de femmes souffrent en silence ! »

Une coupe menstruelle insérée à la caméra

Cela frappe l’imagination : Andréanne Théberge s’insère une coupe menstruelle à la caméra. Ce n’est pas rien, quand on se souvient que nos grands-mères se levaient la nuit, en cachette, pour nettoyer en douce leurs torchons et autres serviettes hygiéniques de fortune. Mais le geste, aussi frontal soit-il, est surtout un prétexte pour inciter les femmes à essayer les protections durables, quand on sait tous les déchets causés par les protections jetables. Au sujet de ces dernières, on apprend ici plusieurs choses troublantes. Entre autres : que les tampons et serviettes ont été testés avec du sang pour la première fois en 2023, et qu’ils étaient jusqu’ici testés avec de l’eau. « C’est une aberration ! s’enflamme la réalisatrice. Et ils n’ont jamais été testés dans des vagins ! Or on sait qu’il y a plein de produits chimiques là-dedans ! » Le saviez-vous ? Le vagin serait dix fois plus absorbant que la bouche. « Si tu mets un tampon dans ton vagin, c’est comme si tu en mangeais dix. Il faut qu’on sache ce qu’on met dans notre corps ! »

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