Dans la série balado Juste entre toi et moi, le journaliste Dominic Tardif s’entretient avec ses invités comme s’ils étaient seulement entre eux, sans micro. Anecdotes, réflexions, confidences : ces longues rencontres sont autant d’occasions de prendre congé de l’actualité et de s’imaginer que nous avons tout notre temps.

À bord de l’auto, en direction des bureaux de La Presse, la compagne de Guy A. Lepage, Mélanie Campeau, a offert à son amoureux un seul petit conseil : « T’as le droit de dire tout ce que tu veux, han, mais sois gentil. »

« Ça, elle me le dit souvent », confie Guy A. Lepage. Parce que madame ne trouve pas son mari gentil ? Plutôt parce qu’il ne se sent pas du tout obligé de l’être, même si généralement, il l’est. « Ça, moi, je ne trouve pas que c’est un défaut. Parce que si je te fais un compliment, c’est un vrai compliment. Je ne suis pas un téteux. Si je suis gentil avec toi, c’est parce que je trouve que t’es gentil et que tu le mérites. »

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Voilà une des nombreuses raisons pour lesquelles Guy A. Lepage est l’invité idéal d’un long entretien du genre de celui qu’il a accepté de m’accorder. En d’autres mots : sa garde-robe contient très peu de paires de gants blancs. Ce qui ne signifie pas pour autant que le proverbial pas fin de RBO n’est pas élégant.

Durant toute la tournée promo précédant le retour à l’antenne d’Un gars, une fille, en mars dernier, son créateur s’est fait un point d’honneur de préciser que c’est au lendemain d’une entrevue qu’il m’avait accordée au sujet des 25 ans de la mythique série que l’idée d’une suite lui est venue, ce qu’il n’aurait pas du tout eu besoin de souligner. Déception : l’auteur m’a cependant confirmé que ma contribution essentielle ne serait pas récompensée par un chèque.

Guy A. Lepage a donc avec la vérité une relation intransigeante, ne tolérant pas de mensonges blancs ni de formulations inutilement euphémisantes. Il arrive que l’animateur de Tout le monde en parle avoue carrément aux politiciens qu’il accueille le dimanche soir qu’il ne voterait pour eux sous aucun prétexte, « zéro fucking chance ».

« Et je pense qu’ils apprécient ça », ajoute-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Guy A. Lepage

Ils savent que s’ils reçoivent un coup de Jarnac pendant une entrevue, c’est leur faute à eux, ce n’est pas moi qui ai sorti une affaire pas d’allure. Il fallait parler de ça parce que c’est le sujet. Je le fais avec des gens que j’estime autant qu’avec des gens que j’estime moins.

Guy A. Lepage, à propos des politiciens qu’il reçoit à Tout le monde en parle

Temps emprunté

« Ça fait presque 20 ans que je dis que je vis sur du temps emprunté », dit Guy A. Lepage. À 43 ans, l’humoriste reçoit deux prix majeurs, dont un grand prix de l’Académie, aux Gémeaux, le genre de récompense couronnant la fin d’une trajectoire. Puissant vertige. L’humoriste songe un instant à tirer un trait sur sa carrière, jusqu’à ce qu’il émerge de sa torpeur. Détail qui n’en est pas un : à 40 ans, sa mère a été frappée d’un anévrisme fatal.

« La veille, elle, pas plus que moi, ne savait pas que c’était pour arriver, se souvient-il. Faque ça, ça te donne une urgence de faire les choses et d’essayer des affaires. Parce que tu te dis, je ne sais pas [ce que l’avenir me réserve]. Des fois, je rencontre des gens qui disent : “Ah, j’ai 30 ans, j’aimerais ça prendre ma retraite à 55 ans.” Eille, man, ostie, si tu peux voyager pis fourrer, profites-en, parce que tu sais pas pantoute ce qui va arriver à 55 ans. »

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Guy A. Lepage, en entretien avec notre journaliste

Guy A. Lepage, qui aura 63 ans en août, pilotera à l’automne la 20saison de Tout le monde en parle (TLMEP), un contrat qu’on a dû le convaincre d’accepter, mais qu’il entend quitter sans s’accrocher, promet-il, « dès que je n’ai plus le goût, dès que l’employeur n’a plus le goût ou dès que le public n’a plus le goût ».

Il n’ignore pas être un des « deux ou trois membres les plus privilégiés de l’Union des artistes ». « Toute ma vie, j’ai fait juste les projets que je voulais, comme je voulais, avec à peu près aucune contrariété. »

On ne change pas

S’il devait quitter TLMEP, Guy A. Lepage pourrait se consacrer tout entier à ses fonctions de président de la Clique du Plateau, ce groupuscule (évidemment) fictif auquel l’associent ses contempteurs, qui le tenaient responsable de tous les maux du monde sur Twitter, réseau social qu’il a déserté en avril. « Je veux juste préciser une chose, lance-t-il, plus amusé qu’agacé. À peu près toutes les décisions qui ont été prises sur le Plateau depuis 20 ans, je suis contre. »

Qu’on le traite de bobo l’amuse aussi infiniment, parce que dans sa tête, Guy A. Lepage n’a jamais cessé d’être ce gars d’Hochelaga-Maisonneuve dont la famille a déménagé 19 fois quand il était enfant.

J’ai 62 ans, je suis propriétaire depuis que j’ai 24 ans, et je descends encore les marches sur le bout des pieds pour ne pas déranger le locataire du bas, que je n’ai pas. […] On est d’où on vient.

Guy A. Lepage

Et s’il se plaît à proclamer qu’il est un parvenu, un mot pour le moins chargé, c’est tout simplement parce que c’est le cas. « C’est quoi, un parvenu ? », demande-t-il. « C’est quelqu’un qui est sorti d’un milieu x pour accéder au suivant. C’est juste ça, un parvenu. »

Guy A. Lepage aimerait-il ajouter quelque chose à cet entretien, qui resterait juste entre lui et moi ? « Selon moi, mes trois plus beaux projets, c’est mes enfants », dit-il dans une envolée sur son rôle de père, qui a failli arracher une larme à votre journaliste. « Pis ça devrait être ça pour tout le monde. »

Trois citations tirées de notre entretien

À propos de sa relation avec Sylvie Léonard

« Quand on a commencé à tourner les nouveaux Un gars, une fille, j’ai dit à ma blonde, Mélanie Campeau, qui est productrice : “Sylvie, c’est ma blonde de 9 à 5. Tu vas voir, c’est spécial.” Quand on visionne quelque chose, elle vient s’asseoir sur moi. On se touche. On ne se dit jamais : “Là à tel moment, je vais te mettre la main sur les hanches.” C’est naturel. […] C’est la reine sur le plateau, je veux que tout le monde soit gentil avec elle et s’occupe d’elle, parce que quand elle est heureuse, elle est spectaculairement bonne, alors que quand elle est malheureuse, elle est juste très, très bonne. »

À propos de la préparation des politiciens qui participent à TLMEP

« Maintenant, quand ils ont des sujets touchy, ils se font briefer par leur équipe. Un jour, un ou une ministre a oublié son document de briefing pré-Tout le monde en parle. Je pense qu’il y avait 48 pages et d’ailleurs, il y avait là-dedans plein de questions beaucoup trop techniques qu’on n’aurait jamais posées. »

À propos du pouvoir

« Le pouvoir, il faut que t’en uses, il ne faut pas que t’en abuses. Faut que ça serve à quelque chose. Mais tu n’utilises pas ça pour régler tes comptes, tu n’utilises pas ça pour être capricieux. Moi, quand les gens font ça autour de moi, ça m’irrite profondément, et je suis toujours le premier à leur dire d’arrêter ça immédiatement. »