Il y a eu une vague de séries sur les déboires de mégasociétés technologiques comme The Dropout (excellente), WeCrashed (moyenne) et Super Pumped (bof).

Les médias américains ont alors parlé d’un nouveau genre télévisuel, celui exposant la chute vertigineuse de ces gourous/titans du numérique comme Elizabeth Holmes, de Theranos, ou Travis Kalanick, fondateur de l’application Uber.

Comment baptiser maintenant cette nouvelle vague de séries pharmaceutiques qui s’achètent en vente libre sur les plateformes et qui se gobent en six ou huit comprimés ?

De la PharmaTV, de la télé-accro ou des émissions qui soulagent la douleur pendant quelques heures ?

Après Dopesick de la plateforme Disney+, au tour de Netflix de plonger dans la crise des opioïdes avec Painkiller, la minisérie la plus populaire du service américain depuis une semaine. Comme l’a fait Dopesick en 2021, Painkiller expose les malversations – un pur scandale – de la société pharmaceutique américaine Purdue, qui a commercialisé l’OxyContin au milieu des années 1990 et provoqué sciemment des dépendances graves à cet analgésique semblable à la morphine.

Parenthèse : les créateurs de Painkiller ont raté le jeu de mots du siècle en n’appelant pas leur minisérie Paradis Purdue. Merci, Montréal, bonne soirée.

Donc, Painkiller, proposé en français et en anglais. Ça s’avale d’une traite, malgré les irritants qui ponctuent les six épisodes d’une heure. On passe plus facilement l’éponge quand le sujet est aussi fort.

En fait, Painkiller et Dopesick racontent la même histoire vraie (mais romancée), soit celle de la famille Sackler, des milliardaires sans scrupule à la tête de Purdue, qui a menti sur les effets hyper dangereux de l’OxyContin, un médicament censé apaiser tout type de douleur physique.

Painkiller décrit une campagne de marketing aussi dégueulasse que rudement efficace, hélas, pour cette pilule dite miracle. La société Purdue recrute des armées de femmes Barbie, qui séduisent presque tous les médecins de la côte est américaine avec leurs rutilantes Porsche et leurs corps filiformes moulés dans de microrobes. Non seulement ces glamazones du comprimé persuadent les médecins de prescrire de l’OxyContin à leurs patients, mais elles les convainquent, par la suite, de toujours augmenter les doses. Résultat : des milliers de personnes deviennent accros à l’Oxy partout aux États-Unis.

Dès qu’un obstacle se dresse sur la route de la commercialisation de l’OxyContin, les patrons de Purdue l’effacent en y jetant des millions. C’est de cette façon que le médicament obtient sa certification auprès de l’agence FDA. Quand, par exemple, un politicien se plaint des ravages de l’OxyContin dans sa communauté, Purdue achète son silence en lui offrant un travail au salaire démesuré.

Le vilain de service de Painkiller, le DRichard Sackler, est campé par Matthew Broderick, alias Ferris dans La folle journée de Ferris Bueller. Ce personnage (toujours vivant) détonne dans plusieurs scènes, notamment quand il parle au fantôme de son oncle Arthur ou quand il hallucine des alarmes dans son McManoir du Connecticut. C’est juste bizarre et inutile.

À l’opposé, l’héroïne de Painkiller est jouée par Uzo Aduba, alias Crazy Eyes dans Orange Is the New Black. Un autre personnage étrange, peu sympathique au premier contact. Cette enquêtrice a tout sacrifié pour pincer les méchants dirigeants de Purdue, qu’elle juge responsables – avec raison – de la mort de centaines de milliers d’Américains. C’est son témoignage qui sert de squelette au récit, un procédé de narration qui devient vite redondant.

Et ce type de personne acharnée, obsédée, enragée et mésadaptée, qui mise tout sur son boulot, on l’a vu des centaines de fois, dans des séries mieux ficelées.

Ce qui fonctionne le mieux, c’est quand Painkiller se glisse dans la vie de gens ordinaires qui sombrent, avec l’aide d’un médecin, dans l’enfer de la pharmacologie. La chute vertigineuse du mécanicien et gentil père de famille Glen (Taylor Kitsch) illustre parfaitement jusqu’où la dépendance à cette molécule (de l’héroïne encapsulée, ni plus ni moins) conduit. Divulgâcheur : c’est loin d’être joli.

Les scènes du congrès des meilleurs vendeurs d’OxyContin ressemblent à une réunion de n’importe quelle secte. Le leader vante les vertus de l’Oxy, la foule tombe en transe en scandant le nom du comprimé et quelqu’un, c’est inévitable, fera un badtrip dont il ne se remettra pas.

Où se cache The Bear ?

Vous avez été nombreux à m’écrire une variante de ce courriel-ci : « Je suis abonné à Disney+, mais je ne trouve pas la délicieuse série culinaire The Bear, dont vous vantez les mérites dans votre dernière chronique, comment est-ce possible, je capote. »

La réponse : probablement que le filtre parental a été ajouté sur votre compte Disney+, une mesure de protection qui limite l’accès au contenu réservé aux adultes comme The Bear. Il suffit d’accéder aux paramètres de votre profil pour le désactiver.

Plusieurs clients de Disney+ n’arrivaient pas à trouver Only Murders in the Building pour les mêmes raisons. Cette très bonne comédie se cachait aussi derrière le paravent du contrôle parental, voilà.