Malgré les déboires d’Occupation double, l’année 2022 a souri aux téléréalités amoureuses. Et c’est loin d’être terminé. La tendance pourrait même s’accélérer en 2023.

« Les dating shows, c’est ce qu’on développe le plus, révèle Julie Normandin, directrice du développement, divertissement et documentaire, chez Attraction Images, la maison de production derrière L’amour est dans le pré. La demande est très forte. L’appétit est grand et grandissant. »

Même son de cloche chez Virginia Mouseler, présidente du bureau d’études The Wit, qui analyse les tendances télévisuelles mondiales. En entrevue, elle confirme qu’il s’agit d’un genre « toujours très actif ».

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Les candidates d’OD Martinique

Les signes ne trompent pas. Au Québec, les émissions de rencontres amoureuses foisonnent. Outre OD Martinique, qui n’est pas sortie indemne d’une controverse d’intimidation cet automne, on recense L’amour est dans le pré (qui revient en janvier sur Noovo), 5 gars pour moi (une deuxième saison est en chantier à TVA), Si on s’aimait (TVA a commandé deux autres éditions) et L’île de l’amour (TVA prévoit diffuser la troisième saison au printemps).

PHOTO FOURNIE PAR TVA

5 gars pour moi

On peut également mentionner deux nouveautés attendues dans quelques mois : Et si c’était toi ?, une offrande d’AMI-télé réservée aux personnes handicapées, et Combien tu m’aimes ?, une nouvelle quotidienne de Noovo animée par Martin Vachon dans laquelle des couples tenteront de montrer à quel point leur union est solide.

Et c’est sans compter Cœurs migratoires, Couples à boutte et toutes les autres séries documentaires qui s’intéressent aux relations intimes.

Aux États-Unis, The Bachelor et toutes ses déclinaisons continuent d’obtenir les faveurs de millions de téléspectateurs sur ABC. Et Netflix continue de proposer des productions comme Love is Blind (Mariages instantanés), The Ultimatum (Ultimatum), Sexy Beasts (Créatures de rêve) et Too Hot to Handle (Séduction haute tension), qui apparaissent systématiquement dans le top 10 des titres les plus regardés du service de vidéos sur demande.

PHOTO TOM DYMOND, FOURNIE PAR NETFLIX

Too Hot to Handle (Séduction haute tension) sur Netflix

Le bonheur est dans le couple

Plusieurs facteurs expliquent notre soif manifestement insatiable de téléréalités amoureuses. Selon Stéfany Boisvert, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, le romantisme ambiant joue un rôle important. « C’est au cœur de notre culture. Au sein des discours normatifs largement véhiculés, on retrouve le discours qui postule que trouver l’amour, c’est central au sentiment d’accomplissement existentiel. »

Dans notre société, être en couple est perçu comme une condition sine qua non au bonheur. C’est une vision qui circule largement. C’est donc une préoccupation pour de nombreuses personnes. Ça explique la fascination.

Stéfany Boisvert, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal

Les émissions de rencontres combleraient également notre « besoin de comparaison », indique Stéfany Boisvert. La pression pour « trouver l’âme sœur » étant toujours aussi forte, les téléspectateurs veulent savoir « comment les choses se passent du côté des autres ».

« Ce n’est pas du voyeurisme ; c’est une curiosité, précise la professeure. On veut voir comment se passent la courtisanerie, la première date, etc. Ce sont des moments auxquels monsieur et madame Tout-le-Monde ont habituellement très peu accès. »

Facteur pandémique

L’irrésistible montée des émissions amoureuses dans l’ère post-confinement n’est pas fortuite. C’est du moins ce qu’estime Maude Sabbagh, réalisatrice d’Amour sans limite, une série documentaire de Canal Vie qui examine la vie sentimentale de personnes en situation de handicap. « La pandémie a probablement contribué au sentiment de fermeture sur l’autre. Plus que jamais, je pense qu’on a besoin d’entrer en relation », observe la documentariste.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La réalisatrice Maude Sabbagh

Preuve à l’appui : le tournage d’Amour sans limite a « fait beaucoup de bien » à Maude Sabbagh. Par conséquent, elle croit que l’écoute des épisodes devrait produire un effet semblable chez l’auditoire.

On est dans une période creuse, une période noire. Ça fait du bien de voir des gens s’aimer à la télé. C’est peut-être une réaction au cynisme généralisé.

La documentariste Maude Sabbagh

Vers plus d’« authenticité » ?

Bien évidemment, cette surenchère de téléréalités amoureuses ne pourra pas durer éternellement. Certaines mordront la poussière plus rapidement que d’autres, comme FBoy Island, une série de HBO Max peuplée de célibataires en maillots de bain, qui vient d’être débranchée après deux saisons.

« On l’a vu avec OD, les téléréalités amoureuses qui sont peut-être plus stratégiques vont devoir se réinventer, indique Julie Normandin, d’Attraction Images. L’avenir des dating shows passe par l’authenticité. Parce qu’avec la pandémie, les gens ont, plus que jamais, besoin de vraies émotions, de vraies connexions. En voir à la télé, ça aide beaucoup. »