Pour éviter d’accoucher d’un flop avec Reboot, sa première série depuis Modern Family, Steve Levitan a « travaillé hyper fort ». Ses efforts ont porté leurs fruits. Avec cette nouvelle comédie, l’auteur, réalisateur et producteur américain frappe un deuxième coup de circuit d’affilée. C’est du moins ce qu’on conclut après avoir regardé ses quatre premiers épisodes.

« J’ai ressenti la pression, reconnaît Steve Levitan en entrevue sur Zoom. J’ai géré ce stress en faisant de longues heures. Et les journées où j’étais moins sûr de mon coup, je travaillais encore plus fort. »

Reboot (en version française, La reprise) atterrit sur Disney+ ce mardi. Composée de huit épisodes d’environ une demi-heure, la première saison nous propulse dans l’univers d’un groupe d’acteurs dépareillés contraints de reprendre contact lorsqu’une plateforme de vidéo sur demande décide de ressusciter la comédie de situation moyennement populaire dans laquelle ils jouaient au début des années 2000.

On parle d’une tête d’affiche talentueuse mais prétentieuse qui rêve de rôles dramatiques (Keegan-Michael Key), d’une ancienne idole devenue duchesse (Judy Greer), d’un mauvais garçon vieillissant (Johnny Knoxville) et d’un ex-enfant vedette qui souffre d’un sérieux problème d’attention (Calum Worthy). Virtuellement disparus du radar depuis deux décennies, ces hasbeen doivent trouver une manière de régler leurs vieilles disputes pour pouvoir avancer.

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Le créateur, réalisateur, auteur et producteur de Reboot, Steve Levitan

L’idée derrière Reboot a frappé Steve Levitan au printemps 2018, durant l’implosion de Roseanne, ce sitcom des années 1980 et 1990 auquel ABC avait redonné vie… jusqu’à ce que son actrice principale, productrice et scénariste, Roseanne Barr, publie un tweet raciste.

« Je m’étais surpris à penser : ‟Wow ! Ça doit être fascinant d’être en coulisses de l’émission actuellement ! Ça ferait une super série !” Mais j’étais sous contrat jusqu’en 2020 avec Modern Family. Et j’étais persuadé qu’entre-temps, quelqu’un d’autre allait avoir l’idée. Mais deux ans plus tard, aucun projet n’était encore en branle. J’ai donc décidé d’y aller. »

Hollywood sous la loupe

D’entrée de jeu, Reboot s’amuse à écorcher Hollywood, sa vacuité, ses dirigeants incompétents, sa culture bourgeoise-bohème, ses pantalons de yoga, ses treks en nature, ses festivals en tous genres, ses voitures électriques de luxe et, surtout, son manque d’originalité… d’où son obsession des remakes.

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Keegan-Michael Key dans Reboot

Malgré tout, Steve Levitan insiste : son but n’a jamais été d’étriller l’industrie dans laquelle il évolue. Durant notre entretien, il défend même les bonzes de certains studios qui déterrent constamment de vieux succès poussiéreux.

« Avec toutes ces séries qui sortent chaque semaine, c’est difficile de sortir du lot. C’est normal de penser : ‟On pourrait ramener cette émission que beaucoup de personnes aimaient avant…” Je comprends ce réflexe. Je refuse de montrer du doigt ceux qui l’ont. Surtout s’ils réinventent la patente. Parce qu’un remake, ça peut être super intéressant. »

J’ai adoré le reboot de 21 Jump Street. J’ai trouvé ça brillant et hilarant. Mais ce n’est pas nécessairement le genre de choses qui m’intéresse. Je préfère explorer de nouveaux territoires.

Steve Levitan

Reboot n’a rien d’un copier-coller de Modern Family. Leurs prémisses diffèrent beaucoup trop pour qu’on puisse retenir une telle accusation. Et pourtant, les fidèles du clan Pritchett reconnaîtront le style de Steve Levitan dans chaque scène : son écriture humoristique maligne, coupée au couteau, ses répliques incisives et, surtout, son grand talent pour concocter des moments d’émotions qui n’ont rien de gnangnan.

« Le monde a besoin d’émissions de télévision feel-good, pleines de bons sentiments, qui font du bien, qui génèrent des rires sincères. »

Davantage de liberté

Aux États-Unis, Reboot est offerte sur Hulu. Au Québec, elle débarque sur Disney+ sous l’onglet Star, une bannière réservée aux productions qui s’adressent aux adultes. Après avoir produit 11 saisons de Modern Family pour ABC, une chaîne généraliste grand public, Steve Levitan apprécie la liberté d’un service de vidéo sur demande. Et pas seulement pour pouvoir faire sacrer ses personnages. « J’aime la liberté du temps. Les épisodes de Modern Family devaient tous durer 21 minutes 30 secondes, même quand on avait 26 minutes d’excellent matériel. C’était parfois difficile de couper.

« Sur Reboot, tant et aussi longtemps que l’auteur principal ne tombe pas dans l’auto-indulgence et qu’il garde la tête froide, il peut décider d’étirer un épisode aussi longtemps qu’il a besoin de l’être. Ça peut être bon pour l’émission. On peut laisser des gags respirer, se permettre d’autres choses… C’est un nouveau jouet avec lequel j’adore jouer. »

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Paul Reiser et Rachel Bloom dans Reboot

Est-ce que Steve Levitan pourrait, dans quelques années, exhumer Modern Family, le temps d’une suite, d’une relecture ou d’un remake ? « Ce n’est pas une chose à laquelle je pense actuellement, répond le scénariste en souriant. Modern Family a été une véritable bénédiction. Sur tous les plans. Je ne sais pas comment on pourrait surpasser ce qu’on a fait. Mais si quelqu’un arrive avec une bonne idée qui casse tout, je vais m’y pencher. »

Reboot (La reprise) atterrit sur Disney+ ce mardi.