STAT contre Indéfendable. Même format, même créneau, mais identités propres. Outre leurs prémisses distinctes, un hôpital contre un cabinet d’avocats, les deux quotidiennes présentent une autre différence majeure : leur méthode d’écriture. Alors qu’on préconise une approche typiquement américaine pour Indéfendable, on privilégie une formule proprement québécoise pour STAT.

L’écriture en solo

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Normand D’Amour et Suzanne Clément dans STAT

Comme Luc Dionne avec District 31, et Fabienne Larouche avec Virginie et 30 vies, Marie-Andrée Labbé écrit STAT en solo. Elle est derrière chaque ligne, chaque dialogue et chaque signe de ponctuation du nouveau feuilleton, qui dépeint la routine des membres du personnel de l’hôpital Saint-Vincent, dont les urgences sont dirigées par Emmanuelle St-Cyr (Suzanne Clément), une femme de tête qui n’est pas hors d’atteinte pour autant.

Gravitent autour d’elle plusieurs collègues et (parfois) amis, dont Philippe (Patrick Labbé), le psychiatre protecteur, Isabelle (Geneviève Schmidt), la chirurgienne générale sans filtre, Éric (Stéphane Rousseau), l’acteur devenu préposé aux bénéficiaires, et Jacob (Lou-Pascal Tremblay), alias « le p’tit crisse », la recrue un tantinet arrogante.

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Marie-Andrée Labbé, auteure de STAT

« Je dois écrire quatre épisodes par semaine, parce qu’ils en tournent quatre par semaine, précise Marie-Andrée Labbé. Quand j’ai commencé, j’avais neuf semaines d’avance. Il faut que j’essaie de garder cet écart. Ça veut dire maintenir un mode de vie sain : bien manger, bien dormir, m’entraîner… Le premier mois, j’avais une nuit d’insomnie par semaine. Ce n’était pas super productif. Mais ce n’était pas de l’anxiété. C’était mon cerveau, qui n’était pas habitué de générer autant de contenu. J’imaginais des histoires en mode semi-sommeil ! »

Dans sa tâche, Marie-Andrée Labbé est épaulée par Judith Lussier, sa conjointe journaliste, qui effectue un travail de recherche en plus de fournir un « soutien émotionnel sans pareil ».

L’auteure respecte un horaire de 7 h 30 à 21 h du lundi au vendredi, entrecoupé de « promenades de chien ».

C’est monomaniaque. Il n’y a qu’une chose qui existe actuellement, et c’est STAT. Mais en même temps, c’est tellement riche, c’est tellement excitant !

Marie-Andrée Labbé

Un groupe d’auteurs

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Nour Belkhiria et Anne-Élisabeth Bossé dans Indéfendable

La scénariste principale d’Indéfendable, Nadine Bismuth, est également absorbée par l’écriture. Elle rapporte les paroles d’une amie pour décrire sa situation : elle court « un marathon à la vitesse d’un sprint ». Après une année et demie de travail continu, l’auteure d’Un lien familial avoue être fatiguée, mais comme Marie-Andrée Labbé, elle aime l’expérience.

Leurs responsabilités divergent toutefois. Depuis qu’elle a pondu les cinq premières demi-heures d’Indéfendable, Nadine Bismuth supervise un groupe de scénaristes auxquels elle confie des synopsis d’environ six pages par épisode, qu’elle rédige à partir des causes juridiques mijotées par l’idéateur du téléroman, MRichard Dubé. « Il écrit le procès, les mécaniques, les principes de droit, et après, on ajoute des punchs, des personnages périphériques, des pivots dramatiques, etc. »

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Nadine Bismuth, auteure principale d’Indéfendable

Lorsqu’elle reçoit les épisodes terminés de chaque auteur, Nadine Bismuth les révise et intervient « des fois beaucoup, des fois peu ». Elle modifie, uniformise et s’assure que toutes les trames soient « raccord ».

Il s’agit d’un mode de fonctionnement qui s’apparente à celui des grosses séries de fiction américaines, lesquelles s’appuient généralement sur plusieurs auteurs.

« J’aimerais écrire davantage, mais c’est le rythme qu’on a trouvé, et pour l’instant, ça fonctionne bien, observe Nadine Bismuth. Les auteurs sont vraiment bons. Pour eux, c’est une commande. Pour moi aussi. Mais chacun y trouve son compte. Tout le monde croit au projet. »

L’équipe a foi en l’univers des avocats criminalistes Léo MacDonald (Sébastien Delorme), l’étoile montante du droit criminel, André Lapointe (Michel Laperrière), le vieux routier qui repousse constamment sa retraite, Marie-Anne Desjardins (Anne-Élisabeth Bossé), la première de classe qui tente de surmonter un choc post-traumatique, et Inès Saïd (Nour Belkhiria), la stagiaire surenthousiaste.

Les avocats m’ont toujours intriguée. Ils ont des personnalités fortes. Ils sont baveux. C’est un métier complexe.

Nadine Bismuth

« Le droit, c’est une source inépuisable de sujets. Il y aura toujours des crimes. Quand j’allume la télé pour regarder les nouvelles, j’ai souvent l’impression de vivre dans une série judiciaire. Il y a toujours un procès qui retient l’attention », lance l’amoureuse des séries The Good Wife (Une femme exemplaire) et The Good Fight (Une lutte exemplaire).

Le grand saut

La mention du mot « quotidienne » n’a jamais effrayé Nadine Bismuth et Marie-Andrée Labbé. Bien avant qu’Indéfendable monopolise son emploi du temps, la première s’imaginait aux commandes d’un projet semblable.

« Quand je regardais District 31, j’étais fascinée. Luc Dionne qui écrit chaque jour un univers tellement fort, il faut le faire ! Ça m’intimidait, mais pas tant… Des fois, j’étais comme : j’aimerais ça, essayer ! Ça permet de faire tellement de choses qu’on ne peut pas faire dans une série lourde, comme développer des trames, dévoiler des choses tranquillement… Mais jamais je n’aurais pensé qu’un jour, on allait me contacter pour faire une quotidienne. Jamais ! »

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Bruno Marcil et Ludivine Reding dans STAT

Pour Marie-Andrée Labbé, il s’agissait d’une offre qu’elle ne pouvait pas refuser. Après avoir signé plusieurs comédies, dont Trop, l’auteure originaire du Bas-Saguenay désirait explorer des zones plus dramatiques, et STAT apparaissait comme l’occasion rêvée, puisqu’elle y poursuivrait son association avec Fabienne Larouche, qui produit la série avec Michel Trudeau (Aetios) et Guillaume Lespérance (A Média). « Fabienne, c’est une femme de courage. Elle voit les contraintes comme des défis. Elle a une vision. C’est formidable de travailler avec elle. »

Nadine Bismuth louange également sa productrice, Izabel Chevrier, cheffe de contenu chez Pixcom. « Elle tient ce projet à bout de bras. C’est vraiment une bonne leader. »

Pratiquer le laisser-aller

Les auteures sont évidemment conscientes du battage médiatique qui entoure l’entrée en ondes simultanée de STAT et d’Indéfendable. Il faudrait habiter sous une roche pour l’ignorer, souligne Marie-Andrée Labbé en souriant.

Au centre du brouhaha, qui marque un nouveau chapitre dans l’éternelle bataille des cotes d’écoute entre Radio-Canada et TVA, les scénaristes semblent toutes deux pratiquer le laisser-aller.

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Sébastien Delorme et Nour Belkhiria dans Indéfendable

« Je dors la nuit, affirme Nadine Bismuth. C’est sûr que j’ai envie qu’Indéfendable soit bien reçue, parce que je l’aime beaucoup, mais quant au reste, la rivalité avec STAT, on n’a aucun contrôle là-dessus. C’est une situation l’fun pour vous, les journalistes, parce qu’il y a comme une petite guerre, mais pour nous, notre travail reste le même. On essaie juste de faire du mieux qu’on peut. »

« Je n’ai pas le temps de m’en faire avec ça tellement je suis occupée, déclare Marie-Andrée Labbé. Mais tout le monde m’en parle, même ma famille ! Les gens sont plus stressés que nous. Notre stress, c’est de livrer les textes à temps. Évidemment qu’on veut que ça marche. Mais les articles, les commentaires… Pour l’instant, j’essaie d’éviter. Ça ne sert à rien que je m’étourdisse. J’ai un travail rigoureux à faire tous les jours. Mon cerveau doit être entièrement dédié à STAT. »

ICI Télé présente STAT du lundi au jeudi à 19 h. Quatre épisodes d’une durée exceptionnelle d’une heure lanceront la première semaine. TVA présente Indéfendable du lundi au jeudi à 19 h. Les deux séries entrent en ondes le 12 septembre.