Après le succès de leur livre The Book of Gutsy Women, devenu un best-seller aux États-Unis après sa sortie en 2019, Hillary Clinton et sa fille Chelsea dirigent de nouveau leurs projecteurs sur des femmes courageuses qui les inspirent. Gutsy, une série documentaire de huit épisodes qu’elles ont produite, est maintenant offerte sur Apple TV+. Décryptage.

Oui, une autre !

Des femmes de pouvoir qui mènent des entrevues avec des personnalités inspirantes : il faut avoir vécu loin de toutes les plateformes de diffusion numérique pour y voir une innovation. Hillary Clinton l’a elle-même fait en 2020 dans une balado. Michelle Obama aussi. Et Meghan Markle, tout récemment, avec Archetypes, une série d’entrevues dans lesquelles elle aborde « les étiquettes et les stéréotypes qui tentent de retenir les femmes ». Son amie Serena Williams était sa première invitée.

C’est aussi dans ces eaux que naviguent l’ancienne sénatrice et secrétaire d’État des États-Unis et sa fille en partant à la rencontre de femmes qu’elles jugent courageuses. Des femmes différentes de celles présentées dans le livre, par ailleurs. En misant sur l’équilibre entre des personnalités connues et des militantes de l’ombre, de l’humoriste Amy Schumer à Katrina Cooke Brownlee, une survivante de la violence conjugale devenue policière, cette série arrive quand même à se distinguer en nous offrant autre chose que des discussions entre « amies ».

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Hillary Clinton, Amy Schumer et Chelsea Clinton, dans Gutsy

Les histoires de ces femmes ordinaires extraordinaires sont vraiment touchantes et éclipsent complètement la présence télévisuelle plutôt fade des animatrices.

L’humour, la haine… et la victoire de Kim sur Hillary

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Chelsea et Hillary Clinton font de la peinture lors de l’entrevue avec la rappeuse Megan Thee Stallion.

Gutsy est un exercice féministe très grand public qui ratisse large en abordant des thèmes comme la haine, la justice, l’amour et l’environnement. C’est leur vision du monde et les valeurs démocrates que les Clinton mettent de l’avant.

Avec une photographie léchée et une mise en scène décoincée, parfois un peu trop forcée, elles nous amènent en canot avec d’anciennes membres du mouvement suprémaciste blanc, dans une manifestation contre le mariage des enfants menée par une femme ayant fui sa communauté juive ultraorthodoxe et chez une communauté autochtone Yurok qui a vécu le traumatisme des pensionnats.

Mais, marketing du produit oblige, la série ne se passe pas non plus du pouvoir d’attraction des vedettes d’Hollywood. Dans « Gutsy Women Refuse Hate », l’un des épisodes les plus intéressants de la série, la rappeuse Megan Thee Stallion discute de la haine à son endroit, tout en peignant un paysage aux côtés des Clinton.

Dans un autre, Kim Kardashian se mesure à l’ancienne politicienne dans un jeu-questionnaire sur la loi qu’elle remporte haut la main. Quelle place pour cette vedette de téléréalité dans cette série ? Celle qui a entamé un parcours pour devenir avocate milite pour une réforme du système de droit criminel. Un entretien « difficile à prendre trop au sérieux lorsque Kim Kardashian raconte qu’elle a essayé d’empêcher une exécution en tweetant à ce sujet — du moins, jusqu’à ce qu’elle doive laisser son téléphone pour faire une séance photo pour sa collection de vêtements de sport », écrit avec justesse la journaliste Caroline Framke, de Variety.

Hillary chaleureuse ?

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Hillary Clinton et Chelsea Clinton jouent à Jenga avec le couple formé par Glennon Doyle et Abby Wambach.

C’est une Hillary Clinton accessible et empathique que cette série tente assurément de montrer, des qualités qu’on lui a souvent reproché de manquer, surtout lors de sa campagne présidentielle contre Donald Trump. Cette Hillary chaleureuse et détendue, la série nous la montre à moitié. Si sa sensibilité envers l’histoire des femmes rencontrées ne fait aucun doute, on la sent manifestement moins à l’aise lorsqu’elle est placée dans des situations aussi étonnantes, voire un brin ridicules, que celles de jouer à Jenga, de crocheter ou de participer à un atelier de clownerie à Paris.

Chaque fois qu’un ancien politicien se prête à ce genre d’exercice, on espère des révélations. Ce sont plutôt des confidences auxquelles on a droit, notamment lorsqu’Hillary Clinton explique sa décision de rester aux côtés de son mari après que sa liaison avec Monica Lewinsky a été dévoilée au grand jour.

« Comment êtes-vous restée ? », lui demande la révérende Whittney Ijanaten, célébrante de mariage. « J’ai dû prendre la décision que je pensais être la bonne pour moi, répond celle qui était alors première dame des États-Unis. […] C’était une décision sur qui je suis, sur qui nous sommes et sur qui il est. Je me suis dit qu’il était fondamentalement une très bonne personne. C’est une personne aimante, attentionnée, réfléchie, et je l’aime de tout mon cœur. »

Et la politique ?

La politique n’est jamais bien loin dans ce genre d’entreprise. La démocrate lâche bien quelques charges anti-Trump qui ne manqueront pas d’alimenter ses détracteurs, lesquels critiquaient déjà la série la semaine dernière sur la base de sa bande-annonce.

S’agit-il d’un moyen pour Hillary Clinton de mousser son potentiel retour en politique ? Ou pour Chelsea de mettre la table pour un premier saut ? C’est ce qu’a avancé le commentateur Chris Kenny, de la chaîne télévisée conservatrice Sky News Australia, en dénonçant « cette célébrité qui cherche à attirer l’attention en commercialisant la célébrité ».

Il faut dire que les rumeurs sur un retour en politique d’Hillary Clinton persistent alors que des voix se sont élevées pour réclamer son retour à la suite de l’invalidation par la Cour suprême du jugement Roe c. Wade. Elle n’a pas donné d’indice sur ses intentions. Et ce n’est pas cette série qui nous donnera la réponse.

Gutsy, sur Apple TV+