Le best-seller québécois La fiancée américaine fait l’objet d’un projet de minisérie auquel est liée la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette.

L’adaptation télévisuelle du populaire roman d’Éric Dupont mijote chez Item 7, l’entreprise de Pierre Even, producteur des longs métrages à succès Bon Cop, Bad Cop 2, Maria Chapdelaine et C.R.A.Z.Y.

L’aventure marquerait également la première incursion au petit écran d’Anaïs Barbeau-Lavalette, qu’on connaît comme cinéaste (La déesse des mouches à feu, Inch’Allah) et comme auteure (Je voudrais qu’on m’efface, La femme qui fuit).

Pour l’instant, aucun diffuseur ou plateforme n’est associé à ce projet d’envergure. D’envergure, parce qu’il entre dans une catégorie en voie d’extinction en télévision québécoise : la série d’époque.

Fresque épique retraçant le parcours d’une famille du Bas-du-Fleuve, La fiancée américaine propose un grand voyage à travers le XXe siècle. L’histoire se déroule à Rivière-du-Loup, New York, Berlin, Rome, Toronto, Montréal et même Nagasaki, au Japon. L’ouvrage présente toute une galerie de protagonistes, dont Madeleine, la matriarche, et ses deux fils, Michel, chanteur d’opéra qui devient ténor en Italie, et Gabriel, professeur d’éducation physique qui s’exile en Allemagne.

Disons qu’on est loin des dernières fictions historiques à s’être taillé une place en ondes, comme Les pays d’en haut et Musée Éden.

Joint au téléphone, Pierre Even paraît toutefois persuadé de trouver un réseau prêt à s’engager dans cette ambitieuse entreprise.

« D’une part, c’est un roman qui est encore très présent dans l’esprit des gens. Et c’est une histoire fascinante qui compte des personnages très forts qu’on veut suivre. Je pense qu’il y a beaucoup d’éléments qui vont séduire les téléspectateurs. »

Même son de cloche chez Anaïs Barbeau-Lavalette.

Je pense qu’on a les moyens [de réaliser la série]. Mais il faut du courage. Et ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire à moitié.

Anaïs Barbeau-Lavalette

Succès de librairie

Paru en 2012, La fiancée américaine a connu un immense succès en librairie. Au Québec seulement, ses ventes frôlent les 70 000 exemplaires, nous confirme sa maison d’édition, Marchand de feuilles. Traduit et vendu aux États-Unis, le roman a notamment remporté le Prix des libraires.

Initiatrice du projet d’adaptation, Anaïs Barbeau-Lavalette raconte être immédiatement tombée amoureuse de cette œuvre plus grande que nature. « J’ai l’impression qu’Éric Dupont, c’est notre Gabriel García Márquez à nous. J’aime l’originalité du récit, qui est très québécois et territorial, mais aussi très explosé. On se reconnaît dans les personnages, qui sont très touchants, très ancrés. Ils peuvent être nos frères, nos sœurs, nos oncles, nos tantes, nos voisins… »

Tâche colossale

La tâche titanesque de transformer cette brique de 700 pages en minisérie a été confiée à Guillaume Corbeil, coscénariste des séries Nous (Club illico) et Alertes (TVA).

J’ai accepté avant de vraiment comprendre dans quoi je m’embarquais ! J’avais beaucoup aimé le livre. C’est quand je l’ai relu que je me suis rendu compte de l’ampleur du défi.

Guillaume Corbeil

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Guillaume Corbeil

« J’aime le côté complètement carnaval, la liberté d’Éric Dupont, sa capacité à créer des tableaux vraiment baroques. J’en gardais un bon souvenir. Et j’aime ce plaisir de l’exagération, du détail complètement saugrenu… C’est un terrain de jeu fantastique pour moi. »

Éric Dupont est « très ouvert » aux changements qui devront être apportés au récit pour réussir sa transposition au petit écran, indique Guillaume Corbeil. Ce dernier a d’ailleurs récemment remis un premier « plan de match » d’une dizaine de pages qui structure les six épisodes d’une heure qui composeront la minisérie.

« J’ai dû démonter la machine pour la remonter autrement. Il a fallu que je jette des choses, que j’en remplace, que j’en transforme… tout en restant fidèle à l’esprit du roman. »

L’attrait du petit écran

Après Philippe Falardeau (Le temps des framboises) et Xavier Dolan (La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, attendu cet automne), Anaïs Barbeau-Lavalette vient gonfler la liste des réalisateurs qui passent du grand écran au petit. L’artiste montréalaise contemple cette idée depuis quelque temps.

Les séries prennent soin d’un des éléments que j’aime le plus au cinéma : les personnages. Je trouve aussi qu’il y a de plus en plus de télé ambitieuse, avec des personnages paradoxaux qui présentent des fragilités, et qui peuvent être drôles et émouvants.

Anaïs Barbeau-Lavalette

La cinéaste connaît les défis à surmonter pour reconstituer une époque. Elle s’y est d’ailleurs frottée avec Chien blanc, son plus récent long métrage, qui sortira en salle en novembre. Il s’agit de l’adaptation cinématographique du roman du même nom de Romain Gary, dont l’action se déroule en 1968.

« Ça m’a permis de m’exercer », déclare-t-elle.

Comme chez Anaïs Barbeau-Lavalette, le désir de concocter une série télé ne date pas d’hier chez Pierre Even. Selon ses dires, La fiancée américaine serait « une bonne façon » d’apprivoiser ce médium.

« C’est mon ami Jean-Marc [Vallée], qui est disparu, qui m’a amené vers ça. Quand il parlait de Big Little Lies, il disait : “C’est sept épisodes de 50 minutes, mais je vois ça comme un long métrage de 350 minutes.” C’est un peu comme ça que je vois La fiancée américaine. »